lundi 21 décembre 2020

Orgues Florein

 

harmoniphone Albert Florein
collection Daniel Linard

Un grand souvenir [extraits]

Je n'en avais jamais vu de près, mais immédiatement, j'ai compris que c'était un orgue de forain. […] Une lettre arriva, timbrée de Sète et signée Paul Florein […] elle me disait qu'il était retraité, âgé, et qu'il vivait dans un petit pavillon à Sète où il s'était retiré pour se rapprocher de sa fille et de son petit-fils. Il disait encore que l'orgue dont je parlais était l'un de ceux qu'il avait construits, autrefois, dans l'atelier de Coudekerque-Branche exploité jusqu'en 1935 ou 1936 avec un frère. Les cartons spécifiques étaient de lui. […] L'orgue était prêt, révisé "j'ai modifié le jeu des bourdons, puis celui des basses, qui ne me plaisait pas, mais j'ai été estomaqué par le prix des peaux de chèvres pour les caisses […]

"Voyez-vous, jusqu'en 1928 ou 1930 à peu près, nous avions beaucoup de travail, avec les forains, très importants dans le Nord, puis en Belgique. Quand un orgue était en panne, ou bien on réparait sur place, très vite, ou alors il fallait sortir l'instrument pour le porter à l'atelier. Il fallait mettre alors en place un appareil en prêt, pour ne pas arrêter le métier, seulement les orgues étaient fort différents en genre, style ou tonalité. Alors, avec mon père, nous avions construit 2 ou 3 appareils très polyvalents avec une gamme étendue qui pouvaient remplacer, un temps, un peu n'importe quoi. C'est le cas du vôtre ; c'est un 41 touches qui couvre un éventail harmonique important. Alors j'ai noté des cartons en fonction de ça et on peut passer à peu près n'importe quoi. […] Vers 1931 1932, les électrophones sont sortis et en l'espace de 2 ou 3 ans les orgues n'ont plus rien valu. Nous avions en permanence 8 ou 10 appareils en atelier. Et, presque chaque jour un client nous appelait pour dire : "Non, je ne l'utiliserai plus, vendez-le, gardez-le, j'ai acheté un pick-up" alors j'ai dû tout laisser, vendre ce que je pouvais et à 70 ans, pour vivre j'ai appris à empailler les chaises, faire des canapés et des sommiers tapissiers."

Yves Dalmier

Musiques Mécaniques Vivantes n°50




extraits de l'album 33 tours Musique mécanique, collection Daniel Linard, 1983

Titres mentionnés sur la pochette : Valse, Mazurka, C'est pour mon papa, Mazurka (serait Fleurette), Intimité, valse et une Mazurka qui ressemble à une valse.


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Charles Albert Florein, le père de Paul, est né à Grande-Synthe en 1851, son père est originaire de Téteghem, sa mère fille de miliaire est née par hasard en Allemagne. Albert est d'abord charpentier à Heuringhem puis menuisier à Petite-Synthe en 1877 et à Loon-Plage après son mariage avec Elise Corsart, de 1879 à 1892. En 1897 il s'installe à Coudekerque-Branche, 21 rue de l'Eglise, il est toujours menuisier charpentier. Le couple a eu 7 enfants : Marie Jeanne (1881-1881), Maurice Joseph (1882-1967) Jeanne Sophie (1883-1973, Michel Charles (1886-1957), Gabrielle Marie (1888-1964), Paul Jules (1889-1971) et Anthime Léon (1892-1968). On ne sait pas comment il a apprit le métier de facteur de pianos automatiques et d'orgues de foire. La demande était forte avec 1914 (voir aussi la page consacrée à Simon Robino) La presse mentionne sa profession de facteur de pianos automatiques à l'occasion d'un litige fiscal en février 1924, pour défaut de déclaration de son chiffre d'affaire, le fisc lui réclame une contravention équivalente à 5 fois le montant dû. Son avocat plaide la bonne foi, mais le conseil de préfecture estime que la contrainte décernée tendant au paiement du quintuple du droit éludé est valable. En mai 1926, on annonce la liquidation générale d'instruments de musique de M. A Florein, 21 rue de l'Eglise, pour sortir d'indivision. Des pianos automatiques sont proposés à la vente à crédit, ainsi qu'un tour à fileter. Est-ce la conséquence d'un jugement défavorable ? Coïncidence, son épouse meurt en février 1923, et Albert décède le 5 mai 1927. Trois de ses fils reprennent l'affaire, dont la suite est racontée par Paul ci-dessus.

Christian Declerck

21 décembre 2020

sources : état civil, La Voix du Nord 8 et 15 septembre 1985, Le Nord Maritime 24 et 29 février 1924 et 20 mai 1926


Michel, Paul et Anthime Florein



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