Bio #5, collectionneur

les fichiers de la BNF source
 
La recherche me fait découvrir des compositeurs dunkerquois, tout aussi inconnus des historiens patentés que leurs collègues musiciens. Je me renseigne à la BNF, à l'époque il fallait se déplacer à Paris et fouiller les fichiers manuel et les recopier fiche par fiche, pour essayer de retrouver leurs œuvres. Déception, si l'ont retrouve bien des partitions de quelques uns des plus importants, notamment Victor Dourlen, la grande majorité de la production de ces compositeurs n'est pas conservées au Dépôt Légal, même quand elles ont été publiées par un éditeur.
Je ne sais plus comment j'ai eu l'idée de fouiller sur les marchés aux puces régionaux, mais ce fut une bonne idée ! à la première brocante à Dunkerque, je tombe sur un lot de partitions illustrée par Simons, éditée à Lille chez Eden, ce qui m'a encouragé à continuer, chaque dimanche, debout tôt pour écumer plusieurs marché aux puces des campagnes environnantes. J'y ai récolté des centaines de partitions et autres documents annexes et j'ai tout de suite élargit aux éditions régionales en supposant qu'il devait exister des liens entre ces compositeurs. La plupart de ces éditeurs ne sont pas conservés à la BNF et beaucoup sont certainement des documents uniques. A l'époque ils n'avaient aucune valeur marchande et se vendaient pour presque rien, j'ai refusé des quantités de caisses pleines de partitions que le vendeur voulait voir disparaître, mais j'ai toujours préféré faire le tri sur place même si c'était fastidieux et que ça me coûtait plus cher. Je n'avais pas la place pour stocker tout ça.
Et un jour de 1988, je passe, par hasard, à l'hôtel des ventes de Dunkerque, c'était encore rue du Jeu de Mail, et j'aperçois cachées sous une table trois caisses remplies de vieux papiers, surtout des partitions, en vrac… mélangés… je soulève un tas et là… j'ai un choc… une caisse contient des partitions manuscrites, tamponnées de la SACEM ! un trésor ! enfin pour moi seulement heureusement. Le commissaire priseur n'y attache aucune importance, la mise à prix est très basse, mais on est deux enchérisseurs. Je finis par remporter l'enchère pour 500 F. L'autre acheteur m'avoue ensuite qu'il était intéressé seulement par les partition imprimées à Dunkerque. S'il les avait toutes achetées peut-être que le reste serait parti à la poubelle.
Rentré chez moi, avec les caisses, Maître Girard me conseille de les emporter tout de suite, il ne peut pas garantir qu'il n'y ait pas de "disparitions", et en même temps il me confie qu'il y avait aussi, dans la maison qu'il avait vidée, des tas de papiers, de lettres, etc… mais qu'il a tout détruit, car c'était, dit-il, des papiers personnels ! je n'ose pas imaginer ce que j'ai raté à cause ce… je ne sais comment le qualifier pour rester poli. Donc chez moi, je fais l'inventaire et je découvre ce trésor : l'œuvre quasi complète d'un compositeur de Malo les Bains, Charles Delabre, un inconnu, même de moi puisqu'il a vécu au début du XXe siècle, mes recherches n'en étaient encore qu'à la fin du XIXe. Toutes ses œuvres en partitions originales de la main du compositeur, certaines portent le tampon du dépôt à la SACEM avec la date. Après recherches, je découvre qu'il habitait près de la place Turenne, rue de Bapaume. Que sa fille, célibataire, était décédée quelques années auparavant en 1986. Me Girard m'avait dit avoir rencontré la petite fille du compositeur, Ginette, qui était venue de Toronto (Canada) pour régler la succession, mais qu'elle n'avait marqué aucun intérêt pour les archives de son ancêtre. Évidemment j'ai essayé de rentrer en contact avec elle par l'intermédiaire de son notaire, mais je n'ai eu aucune réponse.
Ce genre de découverte n'arrive qu'une fois dans la vie, et j'en ai trouvé beaucoup depuis, mais jamais autant sur un seul compositeur. Ma passion de collectionneur s'est amplifiée au fil des découvertes. J'ai recensé plus d'une centaine d'éditeurs de musique dans le Nord et le Pas-de-Calais. Les partitions se comptent par milliers (+ de 4.500) auxquels s'ajoutent les documents annexes : revues, cartes postales, photographies, lettres, publicités, etc. qui me servent à illustrer les pages de mes blogs. 
Et qui ont aussi été l'occasion d'un évènement important dans ma vie de chercheur/collectionneur : une exposition consacrée aux compositeurs dunkerquois.
Le projet a mit du temps à mûrir. Dès 2008 Régis Kerkhove, alors directeur de l'école de musique de Petite-Synthe me contacte pour me demander si je possède une partition en lien avec la première guerre mondiale pour le 90e, et sans doute dernier, anniversaire. Chance pour lui, Charles Delabre (voir plus haut), le compositeur de Malo, a composé "Mère, Ne pleurez plus" en octobre 1918. Une mélodie inédite pour soprano ou ténor, avec accompagnement de violon, violoncelle et piano. Il n'y aura pas de suite cette année là, mais je lui ai appris qu'un Dunkerquois avait obtenu le Prix de Rome, ce qui l'avait surpris et intéressé. En 2013 je le contacte pour un projet histoire/musique en partenariat avec la SDHA qui n'aura pas lieu. Entre temps je participe à la rédaction du Dictionnaire Biographique Dunkerquois édité par la même société, j'y rédige plus de 90 notices sur les musiciens marquants. Ces rédactions m'avait fait entrer en contact avec une descendante d'un des compositeurs dunkerquois, Jean-Baptiste Philémon de Cuvillon, un projet de concert de ses œuvres interprétée par sa descendante Anne-Cécile de Cuvillon, pianiste, aurait pu se mettre en place, mais Régis veut imposer le pianiste du Conservatoire. Exit le concert. Entre temps Régis est devenu directeur-adjoint du Conservatoire et prend les rênes de ce projet qui se fait en 2015. L'expo a lieu dans la BULCO, en citadelle, en partenariat avec les professeurs et les étudiants de l'ESA, et le Musée des Beaux Arts qui prend en charge l'aspect technique de l'exposition. En complément, le jour de l'inauguration, il y aura un concert de quelques œuvres de compositeurs dunkerquois, choisies minutieusement par Stéphane Taniel. C'est un succès !
 

L'année suivante, Régis me demande de faire une conférence sur le même sujet. La conférence se fait dans la salle Bizet, à Petite Synthe, qui est bien équipée pour ce genre de manifestation, piano, projecteur vidéo, sono.  C'est aussi un succès, la salle est pleine ! 
 

 



à suivre ?

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