lundi 27 janvier 2020

Vents Contraires en répétition

mise à jour du 24/3/2019, le lien de téléchargement a été remplacé
mise à jour du 27/1/2020, les liens des transcriptions ont été remplacés


dans les rues de la vieille ville, Boulogne sur Mer, 1990
photo : Marie-Aude Pradeau-Desmarchelier †


Le groupe Vents Contraires a été créé en 1989 par des musiciens du groupe de musique irlandaise, Ceilidh (C. Declerck, G. Ryckeboer et Katrien Delavier) auxquels s'est joint Patrice Gilbert. Le premier bal a lieu au festival de Bergues le 25 juin 1989, le dernier à Calais le 15 novembre 2003.

Musiciens :
Christian Declerck : violon, alto
Katrien Delavier † : harpe celtique, flûte traversière, cornemuse
Patrice Gilbert : vielle à roue, bodhran, épinette du nord
Gérald Ryckeboer : cornemuses, bouzouki, guitare

Enregistrement pendant une répétition

- 01 The Gelding of the Devil, country dance
- 02 L'Orientale / Les Trois Canards, bourrées de Mick Baudimant et Bernard Blanc)
- 03 Les Vents Contraires, contredanse
- 04 Adèle Blanc Sec, scottisch de Frédéric Paris
- 05 Adieu les Gens, valse de Christophe Declercq
- 06 Scottisch à Emeline de Jean-François Vrod
- 07 Branle des Lavandières
- 08 Jenny Pluck Pears, country dance

Téléchargez ICI


Le nom du groupe est tiré du titre d'une contredanse, Les Vents Contraires, choisie dans le recueil du carillonneur de Saint-Omer, André Dupont. 

extrait du recueil de Dupont

Une chorégraphie a été composée par Marie-Aude Pradeau-Desmarchelier, ex-animatrice de l'atelier de danses traditionnelles de Boulogne sur Mer (association Citrouille). Cette contredanse est un Cercle Sicilien (2 couples face à face progressants sur un cercle), elle peut se danser sur toute jig en trois parties de 16 mesures :

Les Vents Contraires, contredanse

I.
1-4 dos à dos contre partenaire
5-8 dos à dos fille
9-12 dos à dos partenaires
12-16 dos à dos garçons

II.
1-4 moulin main droite
5-8 set et cross (épaule droite)
9-12 moulin main gauche
13-16 set et cross

III.
1-4 tour à 2 mains partenaire
5-8 swing partenaire
9-12 tour à 2 mains contre partenaire
13-16 turn et cross (progressive)
les couples SAM passent à l'intérieur

Une lectrice fidèle (merci Agnès) m'a fait savoir que cette contredanse se trouve également dans le manuscrit, dit du Cinquantenaire, avec une description des figures originelles.
Après nouvelle publication, Agnès m'a transmis ces dernières infos : "J'ai trouvé sur le site du "troubadour wallon" la reprise en pdf du-dit manuscrit, partition retapée ainsi que déplacements et pas, conformes à ce qui est sur le fac-similé du manuscrit que je possède. Le rédacteur du site a développé entre parenthèses les abréviations de l'original. 
Pour info, la contredanse est également dans le Benoit Andrez et J. Joiris livre 1 (1753). Reprise sous le titre le vant contraire ainsi que dans le Limbourg . A noter que la seconde note est ici un do (dans les deux autres documents, c'est un ré).
La description des pas est identique."

Vents Contraires
© Christian Lebon

mercredi 22 janvier 2020

Martin et Martine, par Léon Bajeux

Une autre version de la légende, publiée dans le Réveil du Nord et reprise par le bulletin de l'association des anciens combattants du 1er régiment d'infanterie de Cambrai




Ils vont donner à nouveau le "coup de  marteau"
Il manquait depuis un certain temps aux Cambrésiens, les deux bons géants Martin et Martine, ces Maures qui depuis des siècles avaient la charge de marteler la cloche du campanile de l'Hôtel de Ville. Martin et Martine dont tous les Cambrésiens sont fiers de se proclamer les enfants, et même de le chanter, ont été durement éprouvés pendant la guerre. Mutilés, blessés, ils ont été envoyés à Paris pour être remis sur pieds. Dans quelques semaines, plus neufs, plus brillants qu'ils ne le furent jamais, les deux carillonneurs municipaux reprendront la situation « élevée » qui leur fut dévolue il y a 418 ans. Il faut, en effet, remonter à 1511 pour trouver l'origine de ces héros dont le « coup de marteau » est si réputé. La création du ménage de « carillonneurs » 

La création du ménage de "Carillonneurs"
L'histoire de Martin et de sa chaste épouse, qui distribuent vingt-quatre fois par jour les coups rythmés de leurs marteaux est liée à celle de l'horloge de l'édifice communal. C'est en 1511 que les Cambrésiens acquirent de Maximilien, le droit de placer une horloge sur la maison municipale. Pour 200 livres, un « orlogeur » de Douai construisit la mécanique qui n'eut qu'un seul défaut mais combien grave : être muette. Grand émoi chez les bourgeois, mais pour les satisfaire, les échevins louèrent les services d'un sonneur qui fut chargé, le brave homme, de « taper » les heures et de « bateler sur les appeaux » l'ébaudissement du peuple. C'était bien, ce n'était pas encore parfait. En effet, on remarquait à Valenciennes, accolées à l'horloge publique, deux figurines qui étaient animées par un mécanisme et qui sonnaient les heures avec une irréprochable exactitude. Ces jacquemarts étaient Jehan du Goguier et sa gente dame. Cambrai ne pouvait pas demeurer en reste sur Valenciennes ! L'échevinage le comprit, et un beau soir, le 15 août 1511 à la suite d'un plantureux dîner, il fut, par les notables « admis et conclu faire à l'horloge de cette ville Martin de Cambray ». L'idée adoptée fut aussitôt réalisée. Les frères Van Relaere, sculpteurs cambrésiens, façonnèrent deux guerriers maures ; l'un haut de 2 m. 50, l'autre de 2 mètres. Dans des moules de sable fin, on coula ensuite le « métal d'Anvers et le fin estain » qui furent « l'étoffe » des deux sonneurs. Les frères Martin étaient nés. Vers la fin d'octobre 1512, on les inaugura joyeusement. Le temps passa, et vers 1650, croit-on, on créa le couple Martin-Martine en transformant en femme le plus petit des guerriers. 

Les mésaventures des deux géants
Depuis 265 ans, les deux héros ont gardé et ce jusqu'à la dernière guerre, une respectueuse distance entre eux, quoique étant mari et femme. A leurs pieds, ils ont vu s'accomplir bien des évolutions, les unes heureuses, les autres douloureuses et tragiques. Eux-mêmes ont connu l'outrage des ans, outrage heureusement réparable grâce à leur solide constitution. Les guerres ne les ont pas épargnés. Ce brave Martin eut notamment la jambe fracassée par un projectile lors du siège de Cambrai par Louis XIV. La blessure était glorieuse mais hélas, quel affront ne fit-on pas subir au héros en lui donnant comme chirurgien un vulgaire chaudronnier ! La dernière guerre a failli être funeste aux deux sonneurs. Descendus sans ménagement de leurs pavois, ils furent emportés par les Allemands. On les retrouva après l'Armistice, dans une cité belge, en piteux état. Après de sommaires pansements, ils réintégrèrent leurs socles, mais on a dû par la suite, les envoyer à Paris afin d'être équipés et adaptés au nouveau carillon. Ce dernier, comme nous l'avons relaté, comprend 31 cloches, et il est arrivé ces jours derniers à Cambrai, précédant de quelques semaines, ses augustes gardiens. 

Le coup de marteau !
Bientôt Martin et Martine déclencheront donc à nouveau, d'heure en heure, l'hymne cher aux Cambrésiens. Comme par le passé, ils assèneront les joyeux coups de marteau qui se répercutent jusque sur la tête des braves gens, qui de la Grand'Place, les admirent. Inlassables, les Cambrésiens reviendront avec joie écouter le choc de la masse sur l'airain et lorsqu'un visiteur leur fera remarquer que Martin les a « sonnés », ils répondront finement, selon l'usage, que « Martin est un bon père. Il ménage ses enfants et ne frappe que les étrangers ». En vérité, cela on ne l'a jamais contrôlé. 
Louis  BAJEUX


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Alexandre Desrousseaux en a fait une chanson, publiée dans le 5e volume de ses Chansons et pasquilles lilloises.

source

jeudi 16 janvier 2020

Les sœurs Dalmasso, à La Bassée et Hulluch

mise à jour le 16/1/2019, le lien est devenu invalide, j'ai mis le texte complet
publié le 17/8/2017

Un témoignage détaillé des débuts de la pratique de l'accordéon dans le milieu ouvrier pendant l'entre deux guerres, en Nord-Pas de Calais.


Fany ° 1927, Adelina ° 1922 et Pierrine ° 1924 
collection personnelle
Pierrine : « Mon père [Nicolas] était arrivé de son village natal du Haut-Piémont [Robilante, son épouse Maria Landra de Vernante], directement dans le Nord de la France, vers les années 1920. Le pays avait été terriblement sinistré et dévasté par quatre ans de guerre. On embauchait car il fallait réparer les pots cassés et reconstruire. Dès que possible, papa fit venir maman et ils fondèrent un foyer. Ils eurent quatre filles. C'est ainsi que cela avait commencé. Maman avait ouvert ce que l'on appelait alors une cantine [hameau de  Coisne]. Aidée d'une voisine, elle préparait et servait des repas à tour de bras à toute la petite colonnie italienne de Salomé et La Bassée. Après quelques années [vers 1930], mes parents achetèrent un petit café à Hulluch (62). Nous étions les « seuls » Italiens des environs. Nous allions à l'école de cette ville dirigée par madame Prum et qui faisait aussi fonction d'institutrice. Nous manquions les cours souvent les lundis, parfois les mardis, car nous jouions de la musique dans les ducasses qui se font de Pâques à septembre. Il faut dire que papa avait décidé de nous faire apprendre la musique afin que nous en fassions plus tard notre métier. Vers les 5 ans et demi pour moi, et 7 ans pour Linette, nous avons commencé l'étude du solfège. Un an plus tard, j'ai acquis mon premier violon et Linette son premier accordéon. Quand notre jeune soeur Fany a eu l'âge, papa l'a mise à la batterie

Fany, Pierrine et Linette
Ainsi, nous étions trois soeurs sur scène. Pierrine appris le violon à Lens grâce à monsieur Melzer. Avec fougue et brio, il jouait les valses de Kreisler, entre autres, qui nous remplissaient d'admiration. »
Linette : « Très vite, notre papa fit de Pierrine la future bonne violoniste qu'elle allait devenir. Mais à moi, sa fille aînée, mon père avait réservé l'instrument cher à son coeur d'enfant puis d'adolescent, et dont il n'avait jamais pu apprendre à jouer. L'accordéon qu'il n'avait pu posséder, car ses parents étaient beaucoup trop démunis pour qu'il puisse seulement oser y penser. Mon père - pauvre ouvrier immigré comme on ne disait pas encore à l'époque - s'était promis depuis toujours que lorsqu'il serait grand et qu'à son tour, il fonderait un foyer, son premier enfant ferait ce que lui n'avait pu entreprendre. son premier enfant, ce fut moi. Le même jour où il acheta le violon de Pierrine, je reçus mon premier accordéon. Il me conduisit à Lens, chez les Magnier, pépinière de professeurs, une famille dont tous les membres étaient voués à l'accordéon et à son enseignement : le grand-père, le père, les trois fils, qui à tour de rôle me prirent en main jusqu’au plus jeune, Marceau. Ce garçonnet d'une douzaine d'années, déjà un excellent musicien, donnait des cours lorsque son père et ses frères étaient occupés dans d'autres pièces avec d’autres élèves. Il donne d'ailleurs toujours des cours, ayant fondé à Paris une florissante école. Ses enfants et petits-enfants étaient eux aussi des musiciens, accordéonistes, professeurs, constituant de la sorte une véritable dynastie. C'était alors l'époque du grand boom de l'accordéon. Un raz-de-marée qui submergeait le peuple, remplissait des salles de 10 heures du matin jusque tard dans la nuit, durant plusieurs jours lors de festivals importants, comme celui d'Avion, par exemple. De grands concours et tournois internationaux étaient organisés chaque année. Mes professeurs me présentèrent d'abord à celui d'lseghem, en Belgique, où à l'âge de 11 ans, je fus classée hors concours. Deux ans après, à Liège, on me décerna le Grand prix du Roi des Belges. L'accordéon était le roi partout : dans les réunions de famille, les bals, les estaminets, Ies marchés et surtout dans les ducasses. Il n'y avait pas que le bal. Dans tous les cafés proches de la ducasse, des musiciens, juchés sur une estrade de fortune, officiaient quasiment sans arrêt eux aussi, de midi à 2 heures du matin. Les juke-boxes n'existaient pas, de vrais instrumentistes en chair et en os s'évertuaient. Les flonflons des saxos, des clarinettes et pistons, étaient ponctués par les roulements de tambours et coups de grosses caisses. Les iazz-bands sortaient de tous les estaminets. Naturellement, I'accordéon dominait tout et tous. Il n'existait pas d'orchestre de villages sans lui.

Collection personnelle
Juchées sur les tables dans les cafés
Linette : « Un jour, un cafetier d'une localité proche vint trouver mon père. Il avait entendu parler des deux fillettes italiennes et souhaitait que nous venions jouer le jour de la ducasse qui arrivait à grands pas. Papa se fit prier un peu car nous étions très ieunes. Mais devant l'insistance du bonhomme, il accepta. Et le jour dit, vers 4 heures de l'après-midi, nous arrivâmes à ce café déjà bourré de monde. On nous jucha sur deux tables près de la porte d'entrée. Nous avons présenté notre petit répertoire, d'abord « Sous les ponts de Paris », l'air préféré de papa, le premier qu'il avait appris dès son arrivée en France, puis « Sobre las olas », qu'il aimait aussi nous fredonner et qui rentra aussitôt dans la tête et dans les doigts. Les demandes commencèrent à affluer : « Jouez-nous donc Riquita, Dolorosa, La femme aux bijoux », « Connaissez-vous Miralada, jolie fille de bohème, Qu'il était beau mon village, Pouet-pouet ? » Non, nous ne connaissions pas encore toutes ces chansons. Qu'à cela ne tienne, la jeune fille de la maison alla chercher ses partitions, des petits formats qu'elle plaça sur un pupitre devant nous. Nous jouâmes sans arrêt, devant les auditeurs-consommateurs, en lecture à vue. Ce qui plongeait notre public dans l'admiration, paraît-il. Si bien que les voisins aussi apportèrent tour à tour leurs petits formats, leurs chansons, car dans chaque foyer il y en avait des piles. Papa jubilait, fier comme un paon de voir ses filles tellement à la hauteur. Et nous, excitées, prodigieusement intéressées, nous nous amusâmes beaucoup à ce nouveau jeu qui consistait à feuilleter les partitions et les jouer tout de suite, sur simple lecture, sans nous douter nullement qu'il s'agissait là d'une performance, vu notre âge. »

Deux petites Italiennes qui jouent du Mozart
Linette : « Pierrine était haute comme deux pommes. Quant à moi, l'accordéon m'arrivait au nez sans cesse. Les spectateurs continuaient à nous demander de reprendre ceci ou cela. En sortant, ils mettaient des pièces dans une petite assiette que l'on avait mise sur la table. Les patrons étaient enchantés : « Retenez-nous vos filles pour la prochaine ducasse, dans un an », dirent-ils à mon père. Et ils lui remirent une gratification. C'était là notre premier « cachet », en somme. Si bien que je peux dire qu'à l'âge de 8 ans, nous étions déjà des professionnelles de la musique. Cela se sut rapidement dans les environs. D'autres cafetiers vinrent trouver mon père et lui demandèrent ses filles pour la ducasse. De sorte que dès cette première année, presque tous les dimanches, nous allâmes « musiquer » un estaminet ou l'autre. L'année suivante, nous avions un peu plus de répertoire, de métier, de force physique aussi. Et déjà, nous assurions non seulement les dimanches mais aussi les lundis musicaux dans les cafés pendants les ducasses, de 4 heures de l'après-midi à minuit. Papa avait acheté une batterie, un jâse band comme on disait. Il nous accompagnait au tambour et à la grosse caisse. Cela lui permettait de nous avoir à l'oeil et de faire les gros yeux aux garçons qui s'avisaient de venir reluquer ses filles de trop près. Nous jouions aussi dans notre café pour les clients qui s'y arrêtaient. Ils nous faisaient des commandes : « Joue-moi 'Très jolie', t'auras 5 francs », « Interprétez-nous 'Poète et paysan', 'Perles de cristal', 'Cavalerie légère'... » Ils avalaient leur consommation et, avant de partir, nous donnaient quelques pièces que nous mettions dans notre tirelire. En somme, nous étions des juke-boxes vivants. De temps à autre, nous nous produisions sur Radio Lille, dans les "Matinées enfantines de grand-papa Léon". Un jour, nous y jouâmes l'ouverture de Cosifan tutte de Mozart. Il paraît que cela fit sensation et que dans les milieux musicaux du Pas-de-Calais, on évoquait « des petites ltaliennes qui avaient joué du Mozart à I'accordéon et au violon ». La T.S.F. était quelque chose de merveilleux, miraculeux, bien plus encore que ne l'est la télévision aujourd'hui. Les journaux locaux et régionaux relataient notre travail, la musique, nos émissions sur Radio Lille, le concours d'accordéon d'Avion.

Pierrine Dalmasso
Pierrine : « Nous faisions de la "musique à écouter". C'est-à-dire que nous jouions de "tout" (ou presque) : chansons, airs d'opérette, ouvertures classiques, morceaux de bravoure (que seuls les musiciens adultes et expérimentés savaient jouer). Linette interprétait en s'accompagnant à l'accordéon des chansons "à voix" soprano. Quant à moi, je faisais la deuxième voix.
Violon, ensuite saxo, un peu plus tard Fanny fut mise à la batterie et elle chantait aussi. Les gens venaient même de loin et pouvaient rester assis des heures à nous écouter. Des enfants si jeunes qui jouent comme des adultes. À l'apéritif, concert de 11h à 14h. La musique était réservée de prêférence aux classiques, des ouvertures : Poète et paysan, Cavalerie légère, Calife de Bagdad, Barbier de Séville, Valses de Strauss, Le beau Danube bleu, les musiques de V. Marceau... Tandis que nous étions juchées sur des tréteaux de fortune, l'assiette avec notre photo au pied, les pièces de monnaie tombaient. Et l'on reprenait vers les 16 heures jusqu'à minuit. Plus tard, plus âgées, nous finissions à 2 heures du matin. Nous manquions l'école invariablement les lundis (parfois les mardis) de Pâques à septembre (période de ducasses). Les instituteurs ne nous grondaient pas car malgré notre fatigue, nous étions de bonnes élèves. Nous avons quitté l'école à 12 ans (moi avec mention bien au certificat d'études, et Linette avec mention très bien, première du canton). Pas question de continuer nos études car il nous fallait nous exercer huit heures par jour dans la cuisine de chez nous (et quand nous étions à l'école, chaque soir pendant deux heures), les ducasses, ramener de l'argent à la maison... On ne chômait pas. Puis la guerre est arrivée, et les ducasses ont été interdites. Nous avons alors joué dans des cafés à Lens. J'ai joué à la Brasserie du Capitole à Lille, dans l'orchestre de Marcel Wiedaghe. La guerre terminée, Linette et moi avons alors monté un orchestre, nous produisant dans les bars à Paris, Lille, Dijon, Vichy... Mais les temps devinrent difficiles. Les patrons ont supprimé les orchestres, beaucoup de musiciens se sont retrouvés au chômage. Et Linette et moi, nous sommes devenues "Duettiste" : deux voix, un accordéon, une guitare. À nouveau la route, les cabarets, salles de cinéma, France, Suisse, Belgique, Italie... Linette a continué seule, en "one-woman show". Ça marchait bien. Quant à moi, ce fut plus dur. La guitare n'était pas encore à la mode. J'ai cavalé dans tout Paris pour trouver un micro, une sonorisation, chez Boyer qui a confectionné un micro de contact. J'étais sans nul doute la première à avoir une guitare sonorisée. Je faisais les cinémas à l'entracte, quelques cabarets... Puis j'abandonne, je me marie, deviens hôtelière. Et ma fille Suzel a pris la relève. Elle suit de solides études musicales, compose, entre à la Sacem à 18 ans. Professeur de chant, maîtrise et licence musicologie, elle donne des concerts classique et jazz sa passion. Elle chante aussi, elle vient de sortir son premier CD, "Est-ce bien raisonnable ?". France 3 lui a consacré un reportage sur son travail, il y a peu de temps. Et la vie continue, de mère en fille. 

Linette continue le métier et se produit dans des concerts ou récitals. EIIe raconte sa vie et ses voyages. Seule à vélo, elle a traversé de nombreux pays : Angleterre, Irlande, Roumanie, Inde (où elle fut reçue par madame Gandhi), Pakistan, etc. Ces dernières années, ce fut la Russie, la Biélorussie. EIIe vient de revenir d'un long périple en Russie, toujours en vélo. Elle se trouve à nouveau en France, toujours prête nous conter à nouveau sa vie, Ia vie des soeurs musiciennes.


Propos recueilli par Henri Cordier
Article paru dans Accordéon & accordéonistes N°14 de Novembre 2002




En complément, 4 partitions extraites de ma collection



Deux compositions des sœurs Masso, éditées par Eden à Lille, vers 1950
André Bellengé était journaliste à Nord-France


Valse des Papillons de Maison-Emery
le grand succès de Mlle Aline Dalmasso

Parfum d'Aventure de V. Marceau
à Mlle A. Dalmasso, virtuose accordéoniste



D'autres photos d'orchestres d'accordéon ICI