lundi 21 décembre 2015

Un fabricant d'accordéons à Lens

On trouve régulièrement sur des sites spécialisés ou sur des documents (photos ou partitions) des accordéons de la marque France-Accordéons : Roberti ou Bellini, avec l'adresse 111 boulevard Beaumarchais à Paris.
Ces instruments étaient fabriqués (peut-être seulement assemblés) dans des ateliers situés à Lens, 64 rue de Lille.

Henri Robert Lévi, né à Paris en 1896, est le fils de Léon, voyageur de commerce parisien, et Albertine Normandel, fleuriste d'origine normande. En 1916, sur sa fiche matricule, il déclare la profession de mécanicien, ensuite la mention "négociant en cycles", non datée, est ajoutée. Il s'inscrit au registre du commerce de Béthune en mars 1924 comme fabriquant d'instruments de musique et de… machine à laver. Son domicile est alors 32 rue de Paris à Montreuil sous Bois, et son adresse lensoise, 64 rue de Lille est mentionnée comme succursale. En 1935 il fait une modification de domiciliation, son adresse personnelle devient celle de Lens et la succursale est à Paris, 111 boulevard Beaumarchais. Il demande sa radiation du registre du commerce en février 1949. Il décède à Coimbra (Portugal) en 1956.

toutes les illustrations collection personnelle

On retrouve ces accordéons entre les mains de nombreux accordéonistes de la région. L'accordéoniste et compositeur dunkerquois Julien Christiaens jouait également sur un Roberti.



Georges Lefebvre (1919-1980) à Billy Montigny, avant de devenir le Parisien Jo Lefèvre.



Henri Dupont (1921-2021) a débuté sur un Roberti,




Camille Polfiet aussi, ici avec son Trio Swing, Pierre Duhautois à la clarinette et Ronnie Kerr à la guitare, sur une partition de Gilbert Faidherbe à Arras.





Roland Monnier (° 1922) de Loos en Gohelle avec son Roberti, en couverture de la revue Anche Libre, éditée par Philippe Krümm.

dessin de Patrick Delaval



Jazz enfantin Yvonne Rané et Maurice Vautier
lieu inconnu

***

Parmi les plaques photographiques dénichées à Harnes, il y a ces deux belles photos : le jeune Simon Druelle et son accordéon Roberti flambant neuf pose avec le Jaz Populaire Vendinois (1928-1937), à Vendin le Vieil et une école de musique non identifiée.






Ces trois accordéons étaient en vente à Roubaix en octobre 2005







mercredi 2 décembre 2015

Houzet-Lefelle, Armentières

Quelques informations sur les épinettes Houzet

le magasin rue Marle ?
collection personnelle


Anatole Houzet est né à La Chapelle d'Armentières en 1875, fils de Charles Henri, tisseur, et Marie Joseph Parmentier. Engagé volontaire en 1894, il devient soldat musicien 5 mois plus tard. Il est libéré en 1897. En 1900 il obtient le 1er prix de hautbois, et en 1902 le 1er prix d'harmonie, au Conservatoire de Lille. Il épouse Augusta Lefelle en 1903, à Armentières. En octobre 1906 il est nommé, par le préfet, professeur de hautbois à l'école nationale de musique de sa ville.
D'après le témoignage de son fils Michel (1905-1998), le couple ouvre leur magasin de musique à Armentières, rue Marle (actuelle rue Ernest Deceuninck) vers 1907-1908. Ce serait à cette époque qu'ont été fabriquées, par qui ?, les épinettes récupérées 70 ans plus tard. Michel Houzet, né en 1905, était trop jeune pour se souvenir des ventes d'épinettes, par contre il se souvient parfaitement que le magasin n'en vendait plus après la guerre. Après 1920 le magasin déménage 28 rue de Lille, après avoir pris la succession de M. Knorr qui était au n° 34. Anatole décède en 1934, son épouse en 1956.

Christian Declerck

modèle d'épinette Houzet
collection particulière
dessin : Patrick Delaval


deux rescapées du p'tit lot d'épinettes
collection particulière



un entretien avec Michel Houzet enregistré le 15 avril 1987.


dessous de plat publicitaire, imitation de céramique

publicité sur une chemise cartonnée pour partitions
collection personnelle



samedi 10 octobre 2015

Traces





Trace existait avant sa création.
Celles et ceux qui décidèrent, en 1984, de fonder cette association de chercheurs, travaillaient déjà à la recherche, au collectage, à l'apprentissage des instruments de musique et d'autres choses encore. Ils avaient plus ou moins la trentaine, du boulot, ainsi qu'une passion pour la musique et tout ce qui s'y rattache. Presque tous étaient musiciens ou danseurs, et le sont toujours (à mettre au féminin bien sûr).
Les premières années furent consacrées à une sorte de débroussaillage ; l'idée de départ était de mettre à plat et en commun tout ce que nous avions trouvé à droite et à gauche, dans cette grande région très peuplée qu'est le Nord de la France - Et peut-être de trouver un fil conducteur. Or, nous ne nous attendions pas à découvrir autant de choses. Et depuis, suite à trente années d'existence présenter TRACES et ses acteurs n'est pas une mince affaire…

Une question qui se pose : d'où nous est venue cette envie de savoir ? Cela reste à creuser, mais il est certain que les recherches menées en France, un peu partout en Europe et en Belgique nous ont servi de modèles. En tout cas il y eut très vite le désir de communiquer et de mettre en commun ce qui pouvait déjà l'être, comme par exemple cette vingtaine d'enregistrements de collectage, réalisés en Flandres, en Artois, en Wallonie à partir des années 60/70. Réunis sous le titre "Musiciens et Chanteurs" sur une cassette audio (à l'époque on disait K7) les pièces proviennent donc de France et de Belgique, ce qui en soi est déjà novateur, mais illustrent aussi des musiques provenant de Pologne. Roumanie et Portugal. C'est bien cela, la région Nord/Pas-de-Calais : une terre de passages, de mélanges, de fusions. De virtuoses aussi.

La suite est une longue série de colloques, conférence, manifestations et fêtes, bourses aux instruments, et dépannages… Les recherches ne se limitent pas à la région et dépassent même les frontières. Plusieurs expositions iconographiques et photos sont élaborées, en fonction des découvertes, des demandes et parfois aussi des problèmes rencontrés, par exemple en ce qui concerne les problèmes photographiques. On parle aussi de la restauration d'instruments de musique, émissions hebdomadaires de radio, d'interventions télé, de bourses aux instruments (Cassel Cornemuses, 16 édition en 2014).
Les collecteurs, rats d'archives, collectionneurs, journalistes vont déployer leurs talents, tout comme les enseignants, danseurs, médecins, luthiers. Epaulés par les rédacteurs (chef), tourneurs de haute précision, artisans, documentalistes, formateurs, secrétaires. Sans oublier les danseurs(ses), informaticiens, chercheurs, animateurs, et ceux dont j'ai oublié le métier.
Chacun à sa façon va contribuer à la sauvegarde du patrimoine : création et circulation des exposé, archivages des documents, enquêtes photographiques, concerts et bals, dépiautages d'archives, traductions… Il y aura ainsi les enquêtes en musées, instrumentaux ou autres, qui elles aussi dépasseront les frontières. L'une d'elles à Dunkerque, à la fin des années 80, révélera l'existence de ce magnifique Hommel de 1,64 m, conservé là depuis 1840.

Citons également plusieurs collaborations à certains projets régionaux avec l'ASSECARM, l'IMTAC, l'ARM, des institutions musicales aux sigles rébarbatifs mais familiers à l'époque, la participation au bicentenaire de 1789, les collaborations aux réalisations des films Germinal et Le brasier (1989).
Les découvertes furent souvent surprenantes, voire inattendues. Ainsi ces épinettes dites vosgiennes. Certes elles le sont, mais le Nord disposait lui aussi de ses centres de fabrication : l'agglomération lilloise, les Flandres, et le Cambrésis. Le dernier inventaire (2012° fait état de 150 instruments identifiés et localisés (dont 3 aux USA !). La facture de cistres au XVIIIe siècle à Lille, Dunkerque ou encore Arras, qui s'avère l'une des plus raffinée qui soit. La rencontre de M. Lanvin, joueur de diatonique, et puis plus tard de M. Cornu. (Des vidéos seront réalisées).

Il faudrait parler des trouvailles moins spectaculaires mais tout aussi fondamentales. Il est très possible de consulter tout ce qui a pu être écrit à ce sujet à travers les nombreuses articles parus dans Tutti, Modal, et surtout dans Le Tambourineur à partir de 1981 (78 numéros) et par la suite TRAD magazine (fin 88). D'autres textes ont été publiés dans le magazine interne à l'association TRAC'mad (12 numéros de 1991 à 93), et enfin le périodique belge Carnet de notes à compter de l'an 2000 (18 numéros à ce jour). Actuellement, c'est le site dunkerquois Mémoire du folk 59/62 qu'il faut absolument consulter.

A partir de 1997, le dynamique Centre Socio-Educatif d'Hazebrouck et son festival Folk en mai y ajoute l'idée d'une exposition thématique consacrée aux musiques traditionnelles. Mais à l'inverse des précédentes expos de TRACES qui étaient purement iconographiques, il s'agit cette fois de réunir des instruments "en chair et en os" dans une présentation "qualité musée". Pari tenu. Cette première sera consacrée aux épinette du Nord. Un gros succès, qui sera accompagné de la sortie du livre du même nom (désormais une référence : 160 pages, une centaine de photos, des plans et illustrations. Un additif de 32s pages a été publié dix ans plus tard. Cette réussite sera suivie des accordéons, khans et autres harmoniflûtes (1998), violons et autres cordes frottées en 1999, une collection privée multi-ethnique en 2000 ; puis les cornemuses l'année suivante, guitares et cistres en 2002, musique flamandes pour l'année 2003, suivie un an plus tard de violons spéciaux, et de vielles à roue en 2005, etc… par leur régularité, leur éclectisme, les participations des collections privées et des musées nationaux, ces manifestations n'ont pas d'équivalent.


TRACES et la cornemuse

Ce fut le sujet de prédilection. Les anciens Pays-Bas regorgeaient de cornemuses de toutes sortes, et dès le XIIIe siècle, les œuvres d'art fourmillent d'illustrations, souvent d'une grande précision, ce qui permit en Belgique des reconstitutions très fidèles. Une autre forme de cornemuse fut pratiquée dans ce pays, mais cette fois des instruments furent retrouvés, ainsi que des témoignages et photos. Ces cornemuses étaient très proches de celles rencontrées dans le centre de la France, c'est à dire le petit bourdon situé à côté du chalumeau. En 1983 parût l'ouvrage d'Hubert Boone, une référence dans ce domaine, qui fit le point sur les recherches en Belgique. Et puis Rémy Dubois, l'inspirateur, celui qui a donné à tous l'envie d'en jouer.

Côté français, nous savions par d'anciens textes que l'instrument était encore pratiqué en XXe par les bergers, dans le Boulonnais et ailleurs. des enquêtes ont démarré en 1981 à Valhuon et environs, là où se déroulaient des mâtines de bergers. Sans résultat probants. Ce qui n'a pas empêché ceux qui voulaient souffler de souffler, la création de La Piposa (1984) en est l'illustration.
Et puis il y eut les cornemuses d'étude, la "Méthode de Boul'", la collaboration aux travaux de J.-L. Matte, des questions à propos du boitier "Lobidel" et de la cornemuse Petyt. (Cette dernière fut exposée à Hazebrouck en 2000). Citons en outre une série d'articles dans la série Piposo story.
En marge on découvre en 1983 une tradition de cornemuse polonaise dans le bassin minier ; un livre de 140 pages accompagné d'une K7 audio de 45 minutes est achevé en 1986 (mais nécessite aujourd'hui une réécriture et des additifs avant publication).
La trouvaille la plus récente s'est faites à Rebreuve Ranchicourt en 1995 : une tradition relative à Saint Druon, immortalisée par un artiste local qui observa et illustra les cornemuseux présents (voir Trad magazine n°50), une reconstitution in situ eu lieu l'année suivante avec des nombreux coups de main dont la Piposa, les moutons et les porteurs de la statue. Une copie gravée du dessin a été diffusée en 2007. Enfin ceux qui le désirent peuvent se rendre à Carvin (62), il paraît que l'église conserve dix tableaux retraçant la vie de ce Saint. Peut-être y voit-on la ¨Piposo" ?

En trois décennies, TRACES est maintenant à la fois jeune et mature. Préservation, classement, recoupement, publications n'ont jusqu'ici pas posé de gros problèmes. Par contre, en ce qui concerne les archives, les membres de l'association sont à la fois nombreux, mais aussi assez éloignés les uns des autres. Difficile dans cette circonstance d'imaginer un lieu qui soit accessible à tous. Les documents, enregistrements, instruments, etc… sont donc conservés par les membres eux-mêmes. Certains dossiers ont toutefois été déposés au siège de l'association. mais reste à savoir ce que les années à venir nous réservent. Comme nouvelles découvertes bien sûr, mais aussi comme relève.

Les membres de TRACES, plus d'une centaine de personnes je pense, se reconnaîtront dans ces quelques lignes. Ils se connaissent tous et n'ont pas besoin d'être cités. Ce serait trop long. Leurs noms et parcours sont sur [ce blog], une merveille de la technologie.

Pour TRACES, le président

Texte extrait du remarquable livret accompagnant le double CD "Cornemuse Picarde"

---***---

Complément sur l'origine de la création de ce "Collectif de recherches sur les musique et danses traditionnelles des régions septentrionales".
TRACES est le résultat d'une prise de conscience et d'une sollicitation de membres de la fédération des Musiciens Routiniers rencontrés lors des Rencontres d'Arras en 1983. Deux réunions de réflexions ont eu lieu. La première à Arras pendant les Rencontres le 31 octobre 1983, à laquelle ont assisté André Ricros et Olivier Durif (membres des Musiciens Routiniers), puis une seconde à Boeschepe à l'estaminet De Vierpot, le 17 décembre 1983.
L'assemblée générale constitutive s'est tenue à Boeschepe le 21 janvier 1984. Sont présents à cette AG : Christophe Declercq, Patrick Delaval, Hélène Casteleyn, Camille Duhamel, Christian Evrard, Philippe Oger, Alain Delpierre, Patricia Gringoire, Jacqueline Ivain, Eric Hurtrez, Pierre Talaga, Sylvie Mohr, Monique Pirez, Gaby Delassus, Christine Pruvot, Christian Declerck, Jacques Leininger, Carine Thomas, Michel Lebreton, Bernard Boulanger, Luc Allemersch, Marc Debrock, Dominique Binault, Martial Waeghemacker, Roland Delassus, Marie Wojkiewicz, Daniel Bailleul, Jean Claude Chauveau, Marie France Chauveau. Excusés, Marie Aude Pradeau, Loïc Louchez, Patrice Gilbert, Corinne Polanski, Rémy Dubois, Nicole Fontaine, Lucette Spinoit, Félicie Verbruggen, Martin Swart, Jean Jacques Révillion, Martine Beuraert, Gérald Ryckeboer, Michèle Coupez.

Quelque jours après, le 21 décembre 1983, la sortie du film de Bernard Favre et Bertrand Tavernier La Trace.


Pour TRACES, le secrétaire perpétuel…



vendredi 2 octobre 2015

Pipasso - pipossa - pippauçat

La référence extraite du livre du chanoine Daniel Haigneré, Le patois boulonnais comparé avec les patois du Nord de la France, de l'article pipassa, est bien connue, mais jamais il n'est fait mention de la source de la dernière ligne concernant le terme pippauçat. Elle se trouve à la fin du second volume dans la liste des documents consulté par l'éditeur. Ce mot a été relevé dans le registre des comptes (du début XVIe siècle) de Philippe le josne, receveur de la seigneurie et chapellenie de Longvilliers, Recques et Marquise pour François de Créqui*.





A noter que l'éditrice, Mlle Deligny**, libraire, 37 grand-rue à Boulogne sur Mer, n'est jamais citée, elle a pourtant abondamment contribué à enrichir cette publication posthume. Son nom a même été supprimé de la réédition par Slatkine…


source : La Voix du Nord du 11/2/2014
photo : collection Daniel Tintillier


Christian Declerck


* Généalogie de la famille de Créqui ici
** Léontine Deligny est née à Boulogne sur Mer le 22 février 1842, fille de Philippe Adolphe, libraire et Marie Louise Vacossant. Elle succède à sa mère devenue veuve avant 1860 et obtient le brevet de libraire le 24 janvier 1876.





samedi 26 septembre 2015

Musiques d'à bord, Claude Ribouillault


Au gré des flots, au fil de l'eau



"Ce livre touffu, richement illustré d'une iconographie inédite puisée dans la collection de l'auteur, rassemble plus de cent chansons et un cahier de partitions. Avec une érudition où percent la complicité souvent, et le tendresse, parfois, Claude Ribouillault nous emporte sur une mer forcément déchaînée et peuplée de matelots, de pirates et de corsaires, de mousses, d'aventuriers et de vieux loups de mer, mais aussi de forçats et de migrants, bref, une mer qui s'est ancrée en chansons et en musique dans l'imaginaire collectif.
Pas d'odyssée sans chant. Sut les mer et les océans, mais aussi les fleuves et les rivières, les gens du bord chantent et dansent, inventent des répertoires, font voyager des instruments. leur chansons, qu'elles contribuent à nourrir leur lithologie ou encouragent le travail (chansons à haler, à hisser, à virer, etc…), racontent un mode de vie, une fraternité qui recoupe parfois celles de ces autres milieux fermés que forment les internants, les prisons ou les armées en guerre.
A partir d'une importante documentation personnelle réunie depuis de longues années (cahiers de chansons, instruments issus de lutheries professionnelle ou amateur, collectage de témoignages, etc.) Claude Ribouillault interroge ces répertoires et la manière dont ils se sont formés, d'une corporation à l'autre et la manière dont ils se sont formés, d'une corporation à l'autre (charpentiers de marine, marins militaires, terre-neuvas, etc.), d'une langue à l'autre, par métissages et créolisations, par circulation des équipages et destinées cosmopolites, dans l'univers des marins professionnels mais aussi dans celui de ces navigants d'infortune que furent les esclaves emportés par les navires négriers."

extrait du dossier de presse

*****

La Région et plus particulièrement Dunkerque est présente dans cette belle publication par quelques mentions, dont cette superbe photo prise à bord du cargo Yang Tsé, second du nom. (merci à Frédéric Cornette pour son aide à l'identification)

collection Claude Ribouillault


Cité aussi : Eugène Gervais, chansonnier dunkerquois, plus rapide que Théodore Botrel à écrire et publier une chanson sur la catastrophe du Pluviôse.

Eugène Gervais, collection personnelle


Et la mention du cabaret Le Peudre d'Or, cabaret dunkerquois du début du XXe siècle. A ce propos je peux apporter un correctif, ce cabaret, que Jean Denise situe par erreur dans la rue de l'Abreuvoir, n'a a priori aucun lien avec les marins de passage à Dunkerque. Il se tenait précisément dans les salons du café Georges, 9 place du Théâtre et n'a eu qu'une existence éphémère : 5 séances en 1905 et 2 en 1906, il n'attirait que les dunkerquois. Peut-être que quelques marins s'y sont égarés un soir…

collection personnelle


Plus d'infos sur ce cabaret et Eugène Gervais dans la Revue de la Société Dunkerquoise d'histoire et d'Archéologie de 2011.

Christian Declerck

lundi 7 septembre 2015

Cornemuse picarde, double CD

Cornemuse Picarde « Musique traditionnelle du Nord, Pas-de-Calais, Picardie, Flandre, Wallonie (et quelques autres lieux) »



 « Un double album consacré à la renaissance du pipasso, pipossa, muchosac, bref, de la cornemuse de la grande Picardie. 1 CD rassemblant les meilleurs moments des concerts du festival du Pipasso, et 1 autre proposant des enregistrements en studio par les musiciens invités à ces festivals depuis 2008 à faire sonner cet instrument très émouvant. Un livret de 148 pages retrace l'histoire de l'instrument et de sa renaissance, et plus généralement le travail de lutherie de cornemuse, à travers un long entretien avec Remy Dubois. Un monument. » 


Musiciens :
- François Lazarevitch (Muchosac-Pipasso)
- Remy Dubois et Jean-Pierre Van Hees (Muchosac-Pipasso)
- Ghislaine Desmaris (Muchosac-Pipasso)
- Thierry Bertrand (Muchosac-Pipasso)
- Olle Geris (Muchosac-Pipasso)
- Yan Cozian (Muchosac-Pipasso)

Les différents noms de la cornemuse picarde
carte extraite du livret


Double CD Digipack + Livret 148 pages. Indications des sources. Entretien avec Remy Dubois.

une production de l'A.E.P.E.M.

plus d'infos ici

samedi 29 août 2015

Carnet de notes 14, 15, 16 et 17






Cinquième livraison

Carnet de notes n°14-15
- A propos des flûtes en celluloïd, par Jacques Cools
- L'épinette du Nord Sudre existe, certains l'ont rencontrée, par Jean-Jacques Révillion
- Banjo Hamal, par Thierry Legros

Carnet de notes n° 16-17
- L'épinette du Nord Sudre existe, certains l'ont rencontrée… suite, par Thierry Legros
- Le réanchage des cornemuses belges au Musée des Instruments de Musique, par Cor Vanistendael
- Flûte "La chromatique" JP Paris, par François Canboulive
- Liste des articles parus dans Carnet de Notes







vendredi 28 août 2015

Carnet de notes 10, 11, 12 et 13




tête de Dudy
dessin de Patrick Delaval

Quatrième livraison

Carnet de notes n°10-11
- Accordéons de facture populaire : les diatoniques de Monsieur l'Agent [Genaro Trani], par Jean-Luc Matte
- Une flûte en métal A. Durieux, par Patrick Delaval
- Considération sur l'épinette du Cambrésis, par Jean-Jacques Révillion

Carnet de notes n°12-13
- Epinette du Nord, l'étrange épinette Sudre, par Thierry Legros
- Une épinette mouscronnoise, par Thierry Legros
- Dudy polonaises, par Patrick Delaval






samedi 8 août 2015

Carnet de notes 7, 8 et 9


Troisième livraison


Carnet de notes n° 7
- Epinette du Nord (suite), par Jean Jacques Révillion
- A. Nemery, un fabricant de flûtes en métal à Montignies sur Sambre, par Thierry Legros
- Accordéon Callewaert, par Jean Jacques Révillion

Carnet de notes n° 8 et 9
- Epinette du Nord (suite), Thierry Legros
- De l'ambiguïté d'une attribtion [La petite gayole], par Roger Pinon
- Découverte d'un fabricant d'instruments à cordes non répertorié [Roberto Anzellotti], par Thierry Legros
- Essai de classification alphabétique des facteurs, ouvriers, inventeurs, marchands, belges et français d'instruments de musique à vent traditionnels et populaires, par Jacques Cools †








jeudi 6 août 2015

Carnet de notes 4, 5 et 6


Deuxième livraison



relevé d'un bourdon de la muchosa d'Escanafles
dessin d'Olle Geris



Carnet de notes n°4
- Accordéon Kormanchek (suite), par Jean Jacques Révillion
- Une basse aux pieds de facture populaire, par Thierry Legros
- Retour sur Saint Druon, par Patrick Delaval
- Vu à la télé, épinette du Cambrésis, par Patrick Delaval

Carnet de notes n°5-6
- Epinette du Nord (suite), par Thierry Legros
- Cistre et cetera, données supplémentaires sur les touches semi-diatoniques de cistres italiens, par Patrick Delaval









samedi 25 juillet 2015

Julien Tiersot et Laurent Grillet



Deux précurseurs de passage à Lille

source Gallica


Julien Tiersot, ethnomusicologue


Le 15 décembre 1901, à l'invitation de la Société des Concerts du Conservatoire, Julien Tiersot donne une conférence/concert sur "la chanson populaire en France avec le concours d'Eléonore Blanc et d'un chœur de douze demoiselles du cours de chant du Conservatoire de Lille. Toute fois, malgré la prise en compte progressive du patrimoine régional par les élites culturelles, ce genre d'initiative est sans doute prématuré. Le public ne répond pas à l'appel des organisateurs, et c'est devant une salle bien peu garnie que Julien Tiersot déclama lui-même Le Pauvre Laboureur et dirige sa Légende Symphonique Sire Halewyn, écrite d'après un chant populaire flamand."
source : La symphonie dans la cité, Lille au XIXe siècle, Guy Gosselin, p. 288










*****


Laurent GRILLET, vielleux de la Société des instruments anciens

En mars 1896, la société des Concerts des Ecoles Libres organise, dans la salle de la Société Industrielle de Lille, un concert peu ordinaire par les quatre artistes de cette Société crée l'année précédente :  Jules Delsart sur la viole de gamme, Louis Van Waefelghem sur la viole d'amour, Louis Diemer au clavecin et Laurent Grillet à la vielle à roue.
Un article de Jean François Chassaing, paru dans Trad Magazine en 2003 (n°90), nous présente Laurent Grillet, musicien au carrefour de la musique savante et de la musique populaire.


vendredi 10 juillet 2015

Chansons roubaisiennes

collection Médiathèque de Roubaix


La médiathèque de Roubaix a mis en ligne 320 chansons populaires éditées sous forme de feuilles volantes


c'est ici

et plus de 180 documents sonores dont des 78 tours de Jules Watteeuw


Jules Watteeuw par Alfred Desplanques
collection personnelle


c'est ici 

les autres collections en ligne sont ici

lundi 6 juillet 2015

André d'Ivry, chansonnier, poète (1890-1965)

André d'Ivry par Léopold Simons
collection personnelle

Depuis longtemps je conserve dans ma collection quelques petits formats de ce chansonnier, édités à Béthune vers 1920, sans être parvenu à l'identifier. Récemment j'ai pu me procurer un exemplaire de l'autobiographie qu'il a publiée en 1951, Toute ma vie en chanson, 1.000 exemplaires, hors commerce, réservés aux amis de l'auteur.
Grace à cet ouvrage j'ai pu enfin identifier ce personnage hors du commun. Pourtant  il n'y dévoile pas son identité véritable, mais il lâche ici et là une information qui en la recoupant avec une autre, puis avec une troisième, m'ont permis de dévoiler le mystère.



Descendant d'une famille originaire de la Corrèze, précisément du hameau de Taphalechat, commune de Saint Sulpice des Bois, sur le plateau des Millevaches, André Alexis Girond est né à Ivry sur Seine le 28 octobre 1890, dans le quartier du port. Son père, Louis Alexis, est maréchal-ferrant aux entrepôts d'Ivry, c'est aussi un militant de gauche. Socialiste, syndicaliste, libre penseur et, précise son fils, franc-maçon*. Il a deux frères, André et Louis et deux sœurs, Gabrielle et Simone. Il fait le désespoir de son père qui espérait en faire un ouvrier modèle.
Très attiré par les poètes qu'il découvre dans la bibliothèque paternelle, surtout par les œuvres de Monthéus, il écrit des poèmes et des chansons qu'il interprète à la Société lyrique d'amateur, la Fauvette Ivryenne. Lassé d'un travail harassant, il quitte l'usine où il est pilonnier (il assiste les forgerons au marteau-pilon) pour partir à l'aventure. Direction Paris, les cafés concerts, il débute au Concert Brunin, puis chante au Divan Japonais et même chez le Bruyant Alexandre, un imitateur d'Aristide Bruant. Il est apprécié et trouve de nombreux contrats dans ces établissements très nombreux à cette époque. Un contrat plus important l'entraîne par chez nous, à Valenciennes, mais quelques jours après son arrivée le café chantant est fermé par décision de justice. Il se retrouve à la rue et sans le sou et se fait recruter pour la Légion étrangère. On est en 1908. Il y passe cinq années qui le marquent profondément. A son retour il rentre à Paris et va se présenter à la Muse Rouge où il rencontre Monthéus. Il a un bon emploi et en 1914 il se marie avec Marguerite Minart, enceinte de trois mois. Quelques mois plus tard il est dénoncé à son employeur comme révolutionnaire, forcé à démissionner, et ne pouvant pas trouver d'autre travail à Paris, il décide de rejoindre la famille de son épouse, née à Lens. Il se fait embaucher à la mine de Bruay, comme remblayeur au puits n°5 bis.
Après quelques mois à la mine il trouve, grâce à un beau frère caporal des pompiers, un petit café dont le fond est à vendre, rue Sadi-Carnot. Avant d'emménager, il organise chez son beau frère, aussi cabaretier et mineur, une soirée chantante avec trois ou quatre amateurs de la ville. Ils sont surveillés par le brigadier de police Floctel, qui note tout ce qu'il interprète.
Quelques temps plus tard il répond à une annonce parue dans le Petit Béthunois "recherche un jeune homme, 25 ans environ, bonne instruction, pour être employé au Tribunal civil de Béthune".
Je lui laisse la parole :

Je me présente et suis agréé quoiqu'âgé de 24 ans seulement. Mais au lieu de travailler au greffe, je suis affecté au premier cabinet, à la disposition de M. Riccardi, juge d'instruction.
Me voici donc en même temps secrétaire d'instruction et cabaretier […] Un matin, j'ouvre le courrier puisque cela était dans mes attributions : quelle tuile !!! quelle tuile me tomba sur le crâne !!!. Une demande d'enquête était adressée au parquet contre M. X. (moi-même) pour propagande anarchiste, par la chanson.
Le juge d'instruction était chargé d'éclaircir cette affaire par le Procureur de la République. C'était donc grave… très grave. C'était le résultat de la goguette organisée par moi et donnée chez mon beau-frère, quelques jours auparavant.
Me voici donc en fait, chargé de faire une enquête sur moi-même, c'est à dire contre un anarchiste certainement dangereux. Quand M. Riccardi arriva au bureau, je le mis naturellement au courant de cette affaire… baroque. Je n'eus aucun mal à lui démontrer que personne n'était moins anarchiste que moi. Ancien militaire, engagé, marié et bientôt père. Membre du Parti socialiste depuis sa fondation. Je lui fis lire les œuvres interprétées le soir de la goguette en question, et cet homme qui avait le courage de ses opinions me pria de l'accompagner à la sous-préfecture où il demanda une audience immédiate à M. Bonnefoy-Sibour, alors sous-préfet. Il lui conta mon histoire de soirée chantante et l'enquête qui devait s'ensuivre. Cette "salade" se termina à la grande confusion de brigadier Floctel, qui ne savait certainement ce que pouvait être un anarchiste, mais connaissait beaucoup de curés de la ville.

Arrive la déclaration de guerre, il est incorporé au 1er régiment de zouaves, il participe aux combats de Bapaume, blessé grièvement le 26 juin 1915 près d'Arras il est transporté à Valognes (Manche) puis à Rennes où il est, mal, opéré à la main gauche qui restera atrophiée. Convalescence à Béthune, puis il est affecté aux services auxiliaires. Après son retour à Béthune il fonde la société d'artistes amateurs la Fauvette Béthunoise.

Suzy et André en 1935
collection personnelle

La suite de sa biographie est assez imprécise, on apprend qu'il est un temps, dans les années 1930, prestidigitateur dans un théâtre forain, Le Magic Hall Salon Pietro, qu'il obtient, en 1936, le premier prix au concours du Syndicat International des Artistes Prestidigitateurs. La suite est fragmentaire, il omet par exemple de mentionner son second mariage en 1942 avec Suzy Vernay, née en 1908. Il décède à Epinay sur Orge (Essonne) le 1er avril 1965, il est alors domicilié à Paris, 25 rue Béranger.



Collection personnelle

Son fils né à Béthune en 1914, prénommé André comme son père, chansonnier sous le pseudonyme André Flandres, écrit des chansons populaires mises en musique par le compositeur René de Buxeuil. Il meurt à Paris le 3 octobre 1979.

Christian Declerck

* il était grand maître de l'ordre de Saint Sauveur de Mont Réal

Son livre donne les textes (complets ou un extrait) de plus de 130 poèmes et chansons, sans musique. Ci-dessous les petits formats que je possède ; certains contiennent une musique, composée par André d'Ivry ou par Pierre Monté.





Collection personnelle





mercredi 24 juin 2015

Emile Duhem, chansonnier "parisien" 1843-1918

La bibliothèque Nationale conserve plusieurs chansons en patois de Lille de ce chansonnier.

Emile Duhem
source : Gallica
Emile Joseph Duhem est né à Wattignies le 5 mars 1843, fils de Michel, boulanger, né à Wez-Velvain (Belgique) et Joséphine Montaigne née à Wattignies. Il débute à Lille au Concert du XIXe siècle, il a vingt ans. Son talent, qui y est estimé et des plus goûtés, le fait rester quatre ans dans le même établissement. "Parlez à un Lillois de Duhem, et vous verrez quelles litanies de louanges il vous débitera. C'est que l'artiste n'est pas un de ces chanteurs, errant de province en province et de ville en ville, se souciant peu de l'approbation ou du désaveu de son public ; Duhem est un artiste consciencieux avant tout. Son dévoir est de satisfaire ceux qui viennent l'écouter ; son amour-propre de chanteur lui fait toujours chercher le mieux. Et il sait contenter à la fois le public et lui-même". On ne sait rien de plus de ses activités lilloise que ces quelques chansons de Carnaval. 
Il quitte alors Lille pour Strasbourg, où il obtient le même succès. Il parcourt ainsi la Suisse, Lyon, Rouen et nos principales villes de France. Il se produit aussi à l'Alcazar de Bruxelles. Ensuite à Paris, en 1869, il va trouver M. Lorge qui lui signe un engagement le 16 mai 1869, pour l'Eldorado.
Il meurt à Aulnay-sous-Bois le 26 avril 1918, dans la villa Chansonia qu'il avait rachetée à Ernest Pacra en 1883.

source : Etat civil et La Chanson Illustrée





Le mariage : chanson nouvelle en patois de Lille, chantée par la Société des Bons (dit des Vas-y-voir), située rue Saint-Sauveur, au Vert-Galant / [signé : Duhem]

Vive Lille ! !... revue humoristique : à mes amis A. Briffaut et E. Lépine / paroles de É. Duhem et L. Broutin ; musique de Emile Duhem



Mais il est surtout connu pour son importante production de plus de 1.500 chansons de café-concert recensées par la BNF

un exemple, au hasard…





samedi 23 mai 2015

On a retrouvé l’épinette de Mr Desmet…


 Mr Desmet en 1970 avec ses deux épinettes
photo originale de Nord Eclair, collection particulière


Mai 1997 : le Centre Socio Educatif d’Hazebrouck, sous la direction de Patrice Heuguebart organise une exposition sur le thème de l’épinette du Nord dans le cadre de son festival « Folk en Mai ». Patrice charge votre serviteur de l’organisation de l’expo, et décide d’éditer à cette occasion un catalogue qui soit une synthèse des travaux des recherches menées depuis une vingtaine d’années par l’association « Traces », fondée en 1984. Le fameux « livre sur l’épinette du Nord » dont on parlait depuis un moment allait enfin voir le jour.
Patrice confie à Patrick DELAVAL la coordination de ce travail collectif dans lequel on retrouve la somme de tout ce que nous avions découvert à l’époque sur l’épinette dans le Nord Pas-de- Calais : documents, photos, instruments anciens, musiciens retrouvés encore en activité, articles de journaux parus dans la presse régionale sur le sujet, etc. On y retrouve en bonne place le considérable travail iconographique mené par Patrick Delaval, avec ses planches dessinées reproduisant les instruments et leurs principales caractéristiques.
Ce catalogue est devenu une véritable bible, un ouvrage de référence sur cet instrument, l’épinette du Nord, témoignage d’une pratique musicale populaire vivante du début du XXe siècle jusqu’aux années 70, et dont le souvenir aurait bien failli disparaître des mémoires sans le travail de recherche de quelques passionnés des musiques traditionnelles du Nord de la France. On peut le dire, avant nos recherches et nos découvertes, l’épinette du Nord n’existait pas (ou plus…)

Le 30 Avril 1997 a lieu de vernissage de l’expo au CSE où l’on peut admirer les instruments rassemblés par quelques collectionneurs passionnés. On y trouve également, prêté par le musée des Beaux arts de Dunkerque, le plus ancien instrument retrouvé grâce à la perspicacité de Christian Declerck (le grand Hommel du musée de Dunkerque date probablement du XVIIIe siècle.)
Et grâce à l’énergie déployée par Patrice Heuguebart, le livre de l’épinette du Nord est livré à temps pour l’expo. Bref, un vrai bonheur pour les passionnés que nous sommes !


Mai 2015 : je reçois un mail de Jean-Luc Matte qui me signale une annonce sur le site Le Boncoin pour une épinette localisée à Tourcoing. Ca tombe bien, étant en vacances et absent du Nord, elle avait échappé à ma vigilance. A la vue de la photo publiée avec l’annonce ( une belle double caisse d’un modèle inconnu), je me précipite sur mon iphone pour contacter le vendeur et lui signifier mon intérêt. Jean Luc me renvoie un mail en disant que l’annonce est reparue une seconde fois, et s’étonne que je n’aie pas fait affaire. Je recontacte le vendeur et me rend compte que suite à une mauvaise manœuvre, il n’a pas reçu mes deux premiers mails ! Plutôt ballot.
Cette fois c’est bon, il ou plutôt elle me recontacte : il s’agit d’une épinette qu’elle tient de famille, mais ne sait pas m’en dire grand chose. Je prends rendez-vous dès mon retour et elle me demande de bien vouloir la renseigner sur cet instrument qu’elle méconnait. Lors de notre rencontre, à Tourcoing, Mme L. , avec sa sœur également présente, m’explique que l’instrument appartenait à son grand père, Ernest Desmet, ou à son arrière grand-père, Florent De Smet (le patronyme s’écrivait en deux mots à l’origine), qui habitait Roncq. Je demande si elles ont des photos de leurs aïeux, avec ou sans épinette, les deux sœurs me promettent de chercher. L’instrument est une belle double caisse, différente des Coupleux dont elle ne constitue pas une copie (proportions, forme de la tête, etc.) elle possède 8 cordes, (4 chanterelles , 4 bourdons), le fameux demi-ton supplémentaire à la septième case, une belle fabrication. Je fais affaire, mais un détail me chiffone : l’instrument est en contreplaqué, ce qui ne colle pas avec l’âge supposé ; l'aînée des deux sœurs étant née en 1954, et la plus jeune en 1966, si on compte 2 générations (ou 3 …) au dessus, on arrive au début du XXe siècle. Or la généralisation du contreplaqué (inventé fin XIXe) se situe plutôt entre les deux guerres.




l'épinette faite par M. Desmet en 1968
collection et photos J.-J. Révillion


Je commence à leur raconter ce que je sais sur l’épinette, en feuilletant le livre de l’épinette du Nord, montrant différents modèles, et je tombe sur la page 103, qui reproduit un article du journal Nord Eclair daté du 2 octobre 1970, avec la photo d’un Mr de Roncq jouant de son épinette .


Nord Eclair 2 octobre 1970
article signé Hubert LEDOUX † 2022



« Tenez , dis-je , regardez, l’instrument qu’il joue ressemble à celui que vous me proposez ». Réaction immédiate et étonnée des deux sœurs : « Mais c’est notre grand père, sur la photo ! »
A la lecture de l’article de Nord Eclair, tout s’explique, Ernest DESMET a acheté, lors de son évacuation en 1916 à Mère les Alost en Belgique, pour 1,25 centime une épinette dont il a joué toute sa vie.

la première épinette de M. Desmet
collection particulière, photo X

En 1968, lors de son départ en retraite, il s’est construit un deuxième instrument, dont la description dans l’article correspond tout à fait à l’instrument dont j’ai fait l’acquisition. D’où l’emploi du contre-plaqué, qui correspond avec la période de construction tardive de l’instrument. Les deux sœurs avaient entendu parler de cet article sur leur grand-père, dont il était très fier.
Je suis rentré chez moi tout ému de ma découverte, et tout content d’avoir retrouvé un instrument dont nous n’avions qu’une photo et une description dans un article de presse paru il y a 45 ans !
Et avec plein de questions en tête : qu’était devenue l’épinette achetée en 1916, de quel modèle s’agissait il ? Quelle était la pratique musicale de Ernest DESMET, dans quel cadre l’exerçait il ? Quel était son métier, l’unique instrument de sa fabrication témoignant d’une indéniable maîtrise du travail du bois ? Quand était-il né, et décédé ?
Les deux sœurs m’avaient demandé de leur transmettre une copie de l’article concernant leur grand-père, ce que je m’empressais de faire, et elles ont eu la gentillesse d’enquêter dans la famille sur les questions que je leur posais. Elles m’ont depuis transmis des réponses qui permettent de compléter le puzzle :
- Ernest DESMET est né à Roncq en 1902*, et décédé en 1994. Il avait donc 14 ans quand il a fait l’acquisition de sa première épinette en 1916.
- Sa première épinette existe toujours, elle est conservée dans la famille, en Bourgogne. Elles m’en ont même fourni une photo. C’est une simple caisse, mais d’un modèle inconnu de moi. En tous cas, il ne s’en est pas servi comme modèle pour construire celle de 1968, qui évoque plutôt les Coupleux double caisse.
- Il était sabotier à l’origine, mais a dû faire d’autres métiers suite à la crise des années 30. Il est vrai que le sabot de bois a été abandonné dans le nord de la France plus rapidement que dans d’autres régions, au profit de la galoche à semelle de bois et dessus en cuir. Mais cela explique la dextérité de Mr Desmet dans le travail du bois (la tête notamment, en prunier sculpté, est particulièrement esthétique).

M. Desmet, musicien à l'Harmonie de Roncq

- Ernest DESMET, qui jouait également du cor à l’harmonie réservait l’usage de son épinette aux réunions de famille. Les deux sœurs n’ont pas souvenir de son répertoire, mais on en a quelques indications dans l’article de Nord Eclair : du répertoire à la mode de son temps : Frou-Frou, les Ponts de Paris, Etoile des neiges, etc.
Les deux sœurs ont tenu promesse et m'ont envoyé des photos d'Ernest. Sur l'une il est en tenue de musicien d'harmonie. Et puis elles ont retrouvé l'original de la photo de Nord Eclair, avec un plan plus large, non coupé. Et là, surprise, on y découvre au premier plan la première épinette d'Ernest, celle qu'il a acheté à l'âge de 14 ans lors de son évacuation en Belgique en 1916
Bref, une rencontre et une découverte qui donnent envie de continuer le travail de recherche ; il y a encore de la matière et de belles surprises nous attendent encore.
Jean Jacques REVILLION

Mai 2015

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* Son père, Florent Joseph Desmet, peigneur de lin, est né à Audenarde/Oudenaarde en 1876, son épouse, Clémence Deblauwe, est née à Halluin en 1879, ils se marient à Roncq en 1900. Le père de Clémence, Frédéric, est né à Bekegem, près d'Ostende, en 1849, sa mère, Marie Vancoppernolle, cabaretière, est née à d'Halluin. C. D.