mercredi 27 février 2019

La voix d'André Biébuyck


collection particulière
C'est un enregistrement rare, découvert récemment par des amis, qui nous fait entendre la voix de ce régionaliste flamand. On sait, grâce à Jean Pascal Vanhove(1), son implication dans la société théâtrale l'Orphéon d'Hazebrouck dès 1906, mais on connait moins son action en faveur du folklore flamand dès la fin des années 1920.

André Biébuyck a d'abord été un artiste, un chanteur comique. Sa première prestation relevée dans la presse(2) se fait à une fête de charité du collège de Cassel, en mars 1909, il est alors étudiant à la faculté de Lille, il y obtient sa licence de droit en 1911. En 1912 il se produit, avec Auguste Labbe, à une soirée littéraire et chantante de la société Les Fils des Trouvères. Cette société, fondée en 1890 par Alexandre Desrousseaux, Gustave Nadaud et Louis Debuire Dubuc, compte parmi ses membres la fine fleur des poètes lillois, dont les auteurs patoisants. André Biébuyck, élu au bureau du comité en 1913, comme directeur artistique, participe régulièrement aux soirées organisées par cette société très active.

A la fin des années 1920, André Biébuyck et Joseph Pattein composent plusieurs chansons régionales : La Chanson de la Dentellière, Chapelle en Flandre, La mort du Moulin, Dans la Houblonnière, C'est la Moisson et la Marche du Géant Roland. Ils écriront plus tard La Chanson de Tisje Tasje pour le carnaval d'Hazebrouck de 1947.
C'est sur les ondes de Radio P.T.T. Nord, le 1er mars 1928, au cours d'une conférence organisée par La Bailleuloise, et donnée par l'abbé Deprez, que de nombreuses chansons et musique flamandes, populaires, anciennes et contemporaines sont diffusées pour la première fois, à ma connaissance ; voici le programme relevé dans Le Grand Echo du Nord le 1er mars 1928.

Programme : 1. Marche flamande de Tis-je Tas-je sur des airs populaires de J. Pattein et Clément Dubois, par le trio symphonique ; 2. La ballade du joueur de boules, paroles de G. Lothé, musique de Pattein, par M. R Mysoot* ; 3. Les Moulins de Flandre, poésie de A. Biebuyck, par M. R. Mysoot ; 4. La chanson flamande, conférence littéraire par M. l’abbé Detrez, avec exécution de chants flamands, extraits du recueil de M. Ed. Coussemaker [sic] fondateur et premier président du Comité Flamand de France, interprétés par M. Caulier : La Chanson de Reuze, La Ballade de Sire Hallewyn, L’Etable de Bethléem, Improvisations populaires, La Fille du Sultan, Niut de Joie, Rose (air de danse), Geneviève de Brabant, Les Trois Pastoureaux XVIIIe siècle, Cantique à Sainte Anne, patronne des dentellières, Noël de l’Enfant nouveau né ; 5. Ouverture de Nuit Espagnole, opérette, musique de J. Patttein, par le trio symphonique ; 6. Nous deux un soir, poésie de Biébuyck, musique de J. Pattein, par M. Mysoot ; 7. Sourire de printemps, valse, de Pattein, par le trio symphonique. Le piano sera tenu par M. Joseph Pattein.   


Le Grand Echo du Nord, 7 août 1933

C'est en août 1933, au Congrès du Carillon Flamand, organisé par le Comité Flamand de France, qui se tient à Bourbourg, qu'André Biébuyck expose son projet de régionalisme sonore, ou pour employer une formule plus claire sur les possibilités d'enregistrement en disques phonographiques des vieux airs de chez nous. Il fait entendre aux congressistes le Reuzelied et La Marche du Géant Roland, un disque 78 tours qui vient de sortir chez La Voix de son Maître. Lors de la même journée on écoute aussi un disque de carillon enregistré à Malines par Jef Denijn, ainsi qu'un enregistrement du Pardon de Notre Dame de Folgöet en Bretagne.
En août 1937, au XIVe congrès du Comité Flamand de France, André Biébuyck présente un rapport sur la chanson flamande. Il n'y aura pas de suite, la guerre est proche et les choix politiques de certains de ses amis seront sans doute pour beaucoup dans l'abandon de ses projets. Il décède en 1954, son ami Joseph Pattein meurt cinq ans plus tard.

La seconde face de ce disque, Carnaval de Cassel, est une interprétation de la musique du Reuze, par l'orchestre  parisien d'Edouard Bervily-Itasse, les couplets en flamand sont interprétés par Robert Mysoot (1897-1977) chanteur de l'Orphéon d'Hazebrouck.

Christian Declerck

(1) Ce que racontent les rues d'Hazebrouck, p. 111






* Robert Mysoot : né à Hazebouck le 8 juin 1897, † Dunkerque le 24 décembre 1977


vendredi 22 février 2019

La dernière Gilde de Flandre


Dans un coin ignoré de la Flandre, dans un tout petit village, existe une très vieille société. Ce petit village, c'est Eecke, à quelques kilomètres d'Hazebrouck, et cette société c'est la Gilde. La Gilde, voilà un mot auquel nous ne sommes plus habitués, et qui nous reporte à plusieurs siècles en arrière.
Les gildes se constituèrent, en effet, aux XIVe et XVe siècles. C'étaient des sociétés littéraires, qui se consacraient spécialement à la composition ou à la représentation des pièces dramatiques, qu'on appelait mystères, moralités ou sotties, sous le nom de Chambres de Rhétorique. Il faudrait un volume pour en raconter l'histoire. Elles ont, d'ailleurs, toutes disparu ; les dernières, pendant le XIXe siècle. Une seule a survécu, celle d'Eecke.
Et il est intéressant, en notre siècle trépidant et agité, de rencontrer ces organismes aux formes surannées, ce spécimen encore vivant d'une espèce disparue. La gilde d'Eecke a près de quatre siècles d'existence. Les "rhétoriciens" de ce village reçurent leurs lettres d'agrégation de la société maîtresse d'Ypres, le 19 mai 1542, et furent dénommées "Verblyders in het' Cruys" (se réjouissant dans la croix). Leur bannière porte cette dénomination sous une forme curieuse. On y voit une croix, dans laquelle on peut lire "Verblyder" ; à gauche, un van ; à droite, un chêne. Ce qu'on pourrait prendre pour des objets symboliques est tout simplement un rébus. "Verblyders" se trouve "dans la croix" ; donc en flamand, "Verblyders in het' cruys". Le van se traduit Wan, qui signie également "de". Enfin, le chêne se dit "Eycke". En tout : "Verblyders in het' cruys van Eecke"

La gilde d'Eecke, à l'heure actuelle, comprend une trentaine de membres. Elle a à sa tête un "prince", un "doyen" et un "gouverneur" ; ces titres sont plutôt honorifiques, car leur rôle se borne à fort peu de chose. Ils président les réunions qui ont lieu cinq fois par an, à des dates déterminées par de très anciens statuts ; le dimanche avant le jour de sainte Dorothée, le 3e jour de mai, le jour du Saint Sacrement, le jour de l'Assomption, le mercredi de la kermesse. Ces réunions ont lieu au siège de la Société, à la "Chambre de rhétorique". C'est une modeste salle au premier étage de l'estaminet de la Maison Commune. Les murs, blanchis à la chaux, s'adornent de cadres où jaunissent lentement, sous le verre, les discours prononcés sur la tombe des anciens présidents. Au bout de la table, trois fauteuils de chêne sculpté, garnis de cuir et de clous de cuivre. C'est là que siègent le prince, le doyen et le gouverneur, aux jours d'assemblée. Ces jours-là, tous les "confrères rhétoriciens" assistent à une messe célébrée à leur intention. On peut les voir se rendant, de bon matin, à l'église, en file indienne, gravement, précédés du porte-bannière. Ceux-ci ont conservé d'un costume qui fut autrefois luxueux, un bicorne agrémenté d'un majestueux plumet blanc. Et rien n'est plus curieux que le défilé en monôme, dans le brouillard matinal, de ces braves gens, qui ont l'air accomplir un rite sacré.
Après la messe, les "rhétoriciens" s'en vont à leurs occupations journalières et se retrouvent, à trois heures, à la "Maison Commune". Alors commencent les "divertissements". On joue aux cartes ou aux boules. L'enjeu est fixé statutairement à un sou la partie. Nous sommes loin du baccarat ou du poker. A six heures, les jeux cessent. Les "gildebrœders" se rendent à la salle qui leur est réservée. C'est ici qu'apparaissent les amusements… littéraires. Je me suis laissé conter qu'il y avait autrefois d'excellents poètes à la gilde. Leurs œuvres, conservées dans les archives, après des aventures variées, ont fini par disparaître. Il n'y a plus de compositeurs aujourd'hui. Les vieux chantent les chansons qu'ils ont apprises dans leur jeunesse, de vieux lieds flamands aux airs doux et mélancoliques. Quant aux jeunes, on tolère qu'ils chantent en français, chose qui était strictement défendues, il y a quelques années encore. La "Valse brune" et la "Baya" remplace "l'Histoire des deux enfant de roi" et la "Légende du Reuze Halewyn".

Il y avait naguère, à la gilde, un fou, ou bouffon (den sot van de gilde). On conserve pieusement ses reliques : un habit aux losanges rouges et jaunes, où tintent des grelots, et la batte de cuir, qui pend mélancoliquement à un clou, aujourd'hui. Ne fait pas partie qui veut de la gilde. Quand un nouveau membre se présente, on discute ferme, en assemblée, l'opportunité de son admission. L'imprétrant attend avec anxiété, dans la salle de l'estaminet, qu'on ait statué sur son sort. Après discussion, on procède au vote, qui se fait d'originale façon. On donne à chaque membre deux haricots, un blanc, un noir. Puis on passe deux assiettes, qui forment l'urne. Chacun y dépose le haricot de son choix. S'il y a majorité de blancs, le postulant est admis; auquel cas le garçon de la société, le "knaep", va le chercher, et arrivé au seuil de la chambre, lui cire les chaussures, tandis qu'un des "rhétoriciens" lui frappe le dos avec la batte du fou. Ce sont là des symboles dont on ne voit plus aujourd'hui que le côté amusant, mais qui viennent, sans doute, des épreuves d'entrée d'autrefois.
Telle qu'elle est aujourd'hui, la "Rhétorique" est bien déchue de sa splendeur de jadis. Nous sommes loin des tournois poétiques, des "prys-kampf" qui faisaient accourir tout un peuple. Le mombre des "rhétoriciens" diminue d'année en année, et, bientôt, sans doute, la dernière gilde de Flandre aura vécu.

André Biebuyck

Le Grand Echo du Nord et du Pas de Calais, 16 juin 1913
source Gallica





lundi 18 février 2019

Le recueil de Constant Ourdouille

Conservé précieusement dans ma collection depuis des années, je n'ai fait le lien avec notre région que depuis peu. Cela reste à confirmer, mais je crois qu'on peut supposer que ce cahier a appartenu à Sylvain Constant OURDOUILLE.


Sylvain Constant Ourdouille, qui signe C Ourdouille sur tous les actes d'état civil, est né à Estaires (Nord) le 30 mars 1834, fils de Silvain (cordonnier) et Adélaïde Boulinguiez. Il est domicilié, rue de Dunkerque, à Saint Omer en 1869 quand il épouse, à Saint Martin au Laer, Malvina Henriette Lemaire. Ils auront deux filles : Maria (1871-1950) et Julia Sophie (1874-1951). Il est employé de commerce quand il décède à Saint Omer le 17 juin 1875, 6 rue des Corroyeurs.
Rien ne permet d'affirmer qu'il est à Melun en 1856, mais cette commune étant une ville de garnison où séjournent de nombreux régiments, il est fort possible qu'il y soit pour effectuer ses années de conscription.








la couverture
Livre 1er fait en 1856 à Melun


Sommaire :
page - titre
1 - Prends garde à ton cœur, chansonnette
2 - Rendez-moi mes seize ans
3 - Le Corse
5 - Le retour du soldat
6 - Le mineur, romance dramatique
7 - Jean Jean la loupe en coquette, air : de la varsovianna
8 - Le retour du zouave*
9 - Le pauvre petit, romance*
11 - Faites le bien, air : des fraises
14 - La cavalerie
15 - L'amour du cœur ne se vend pas, air : Ne grandis pas
17 - Il est parti, romance, air : Demoiselle et grisette
18 - Les mots à la mode du gamin de Paris, air : Drin drin
19 - La négresse et l'homme civilisé, air : du prolétaire
21 - Le voyageur
22 - Le pâtre, romance
23 - C'est toi qui m'aime, romance
24 - Aime moi bien, romance
25 - Le cavaler d'Adjout
26 - Le ramoneur
28 - Barcarolle
31 - Huit ans d'absence
33 - "Vous l'avez dit o ma chérie", romance
34 - "Au point du jour dans sa chambrette", romance
36 - Perinette
38 - Les deux grenadiers
40 - Le petit lapin de ma cousine
42 - "Que cherche tu sur cette terre étrnage", romance
44 - Vers de Biron
44 - Le berger
45 - La servante
47 - Le rossignol, romance
48 - Ma blonde
51 - Le palais des Papes
53 - Victoire
54 - Les trois baisers
56 - Pensez à moi, air : du premier pas
57 - L'enfants de la montagne
58 - Loin d'elle et près d'elle, romance
60 - Le retour, romance
60 - Le premier mot, air : du premier pas
61 - Mon dernier mot, romance
62 - le gentil troubadour, romance
63 - La lettre, romance
64 - Le plaisir
65 - Le premier jour, air : gloire à l'âge de quinze ans
66 - Chanson italienne
67 - Les adieux de Julien
67 - La poitrinaire, romance
69 - "Homme chéri de l'aveugle fortune" romance
70 - "Aimons nous le temps presse", romance
70 - Le masque de fer
71 - La confession d'une jeune fille
73 - Caïn, romance
75 - La marchande fleurs, air : du marchand de chanson
76 - D'où viens-tu beau mage, rêverie
77 - Colère de Madame Framboisy, chansonnette
79 - Le sire de Franmboisy, légende du moyen a^ge
80 - Le fils de M et Mme Framboisy, avant et après la prise de la tour Malakof
82 - L'absence d'un héros, air : de l'ouvrier
83 - La jeune fille à l'éventail
85 - Le marchand de blé repassé par la lingère, air : du tra la la
87 - Madame de… à son époux, air, O ma Zélie
88 - Réponse de M. de… à son épouse
89 - Bientôt l'heure du départ va sonner
90 - Messieurs les amateurs de la méthode chifon



les pages manquantes





dimanche 10 février 2019

Léopold SIMONS (1901-1979) le peintre

Je ne peux mieux faire que le superbe portfolio publié par la revue Pays du Nord.








Les autres pages sur Simons
Les débuts de Simons
Les débuts de Line Dariel
Le théâtre de Simons
Le cinéma et Simons
Simons l'illustrateur
Simons à la radio et à la télévision



Sources : Simons 1901-1979, Lille, 1999. Revue Toudis 2009. Revue Pays du Nord. Documents personnels : partitions, livres, almanach, programmes, affiche, journaux et revues.

mardi 5 février 2019

Léopold SIMONS (1901-1979) l'illustrateur

Elève de Pharaon Dewinter à l'école des Beaux-arts de Lille, Simons a débuté sa carrière comme caricaturiste et illustrateur. Il dessinera toute sa vie et utilisera diverses techniques, encre de chine, fusain, aquarelle, lino-gravure, etc. pour ses amis écrivains et auteurs de chansons.


ses premiers croquis publiés
dans Nord Revue 


Poupées et bibelots

Le premier auteur à bénéficier de son amitié est Raoul O. Bonnefoy (Raoul Oswald BONNEFOY, 1901-1932) qui publie ce recueil de poèmes illustré de 80 croquis de Simons, obtenus un à un, avec patience et obstination, sur le coin du comptoir de son café favori, la Taverne Lilloise, rue de Béthune. Terminé en 1921, il est édité en 1923 sur les presses de la revue Lille-Université.






Monôme
Un recueil, anonyme, de chansons paillardes. Pas de nom d'éditeur, aucune illustration n'est signée, sauf… sur le tract publicitaire qui annonce la publication, 550 exemplaires hors commerce, numérotés, en 1927.
Une réédition, vers 1970, toujours anonyme et hors commerce, mais l'éditeur est connu, M. Mauritzi à Hellemmes, imprimé par Pierre Landais à Dunkerque. Les dessins sont tous différents de l'édition originale. Détail cocasse pour un livre sensé être "hors commerce", j'ai trouvé mon exemplaire sur un rayon du Furet du Nord à Lille.






Métier d'Islande
de Jean-Serge Dubus, paru au Mercure de Flandre en 1929, un reportage chez les marins pêcheurs  de Gravelines et Petit-Fort-Philippe, illustré de plusieurs linos gravés de Simons, imprimé chez L Nuez.





et d'autres : En tramway de Francis Redan et Cadet Mailloux de Georges Dupret


Revue Toudis 2009


sans oublier Maxence Van Der Meersch

Revue Toudis 2009



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Simons illustre évidemment ses publications. Ses pièces de théâtre, en 1939, son 1er roman, Ghislaine, paru en 1944, et les autres recueils de nouvelles, pasquilles, etc.





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Les petits formats de chansons, illustrés par Simons sont innombrables, j'en possède près de 300, dont une cinquantaine comme parolier, mais je suis certainement très loin de connaître toute sa production. 

Quelques échantillons dont il a signé les paroles





Sources : Simons 1901-1979, Lille, 1999. Revue Toudis 2009. Revue Pays du Nord. Documents personnels : partitions, livres, almanach, programmes, affiche, journaux et revues.