mercredi 21 mai 2025

Paul Balardy, éditeur à Dunkerque

 On croise très souvent ses recueils de chansons-marches pour les soldats sur les sites d'enchères et chez les bouquinistes. Longtemps je n'avais pas réussi à l'identifier, je savais seulement qu'il s'agissait d'un aumônier militaire, grâce à la correspondance avec l'abbé Lecointe qui m'avait contacté pour des travaux de généalogie et qui, pour me remercier, m'avait donné un ou deux de ces recueils avec cette information.
 
collection personnelle


Je supposais l'avoir reconnu, grâce au dépouillement des fiches matricules, comme étant Jean DEWAVRIN, les dates de sa présence à Dunkerque collait avec celles des publications, jusqu'à ce que, récemment, je tombe enfin sur une preuve irréfutable. Un entrefilet paru dans La Croix du Nord (1934) en réponse à une demande qui donne les nom et adresse de cet éditeur discret : 18 rue Emmery c'est l'adresse du Foyer du Soldat, aumônerie militaire dunkerquoise.
 
source Gallica

Jean Marie Anselme Joseph DEWAVRIN est né à Tourcoing le 4 août 1897, fils de Henri, négociant en laine et trésorier de la Chambre de Commerce, descendant d'un "dynastie" de négociant en tissus. Sa mère, Marie POLLET également issue d'une famille de négociant/fabricant de Tourcoing. En passant je découvre que le cousin de son père est Joseph Anselme Justin DEWAVRIN, alias Joseph NIRVASSED, le compositeur (plus d'info ICI).
La fiche matricule de Jean ne nous donne pas d'information sur sa formation et son parcours ecclésiastique, peut être y en a-t-il aux archives diocésaines à Lille, mais cette partie du personnage intéressera peut-être plus les historiens. On y apprend quand même qu'il habite Le Tréport quand il est recensé pour la conscription en 1917, puis après son service militaire dans l'artillerie, il se retire 6 rue du Regard à Paris en 1919, puis à Issy les Moulineaux l'année suivante. Il revient la même année à Tourcoing chez ses parents et enfin il déclare son arrivée à Dunkerque en avril 1933. Mais on sait par la presse qu'il y est déjà présent depuis au moins novembre 1927, Le Nord Maritime annonce qu'il donne une messe de départ à la chapelle Notre Dame des Dunes, dont témoigne cette photo :
 
au centre : probablement l'aumônier J. Dewavrin
 
 
source : Le Nord Maritime Retronews

 
Pourquoi avoir publié ces recueils ? L'éditeur le précise dans une préface : Il y a deux ans, de même que les années précédentes, notre Régiment se rendait au Camp de Sissonne, par la route. Une fois de plus mes camarades et moi-même nous constations la pauvreté du répertoire des chansons de notre Compagnie et des Compagnies voisines. Les hommes connaissaient exactement deux chansons et trois demi-chansons (en ce sens que pour ces dernières ils ne connaissaient que le refrain)… Et la route à parcourir en cinq jours était de 130 kilomètres [en réalité 230 km]. Au Camp de Sissonne, il nous vint à l'idée de nous informer auprès des hommes des quatre autres régiments pour voir si le répertoire était un peu plus varié. Hélas ! nous trouvions semblables pauvreté partout ; chez eux comme chez nous, la plupart ignoraient même, totalement, les paroles de La Madelon. Alors nous avons pensé qu'il y avait quelque chose à faire, et, à nos heures de temps libre, depuis dix-huit mois, aidé de plusieurs Sous-Officiers, nous avons parcouru à peu près tout le répertoire français, pour sélectionner un ensemble de Refrains et de Chansons très agréables dont la cadence soit généralement bien adaptée à la marche […] Nous remercions très cordialement les Éditeurs, Compositeurs et Paroliers qui ont bien voulu : "Pour rendre Service à l'armée", nous céder les droits de reproduction des ces Chansons.
Par ailleurs on apprend : " S'il n'a pas publié des chants d'inspiration religieuse ou du moins des mélodies classiques dans le genre, comme le Credo du paysan, le Repos du paysan, l’Angélus de la mer, ou même le Minuit, chrétiens, c'est que le droit de reproduction lui a été rigoureusement refusé. La Revue des Lectures, 1934.
La presse se fait largement écho de ses publications, par exemple
 
source Gallica

Il y publie quelques uns de ses textes co-écrits avec Lucien PRÉVOT dit PLÉBUS (1874-1955) et Charles JARDIN (1884-1950) pour la musique :
 
Dernières nouvelles du Quartier, paroles de Balardy, air Tout l'pays l'a su, musique de Ch. Borel-Clerc.
La marche des chasseurs, paroles de Lucien Plébus et P. Balardy, musique de Charles Jardin.
Marche funèbre pour les funérailles du père Cent, paroles de L. Plébus et P. Balardy, musique de Ch. Jardin. 
Pour une rose, paroles de L. Plébus et P. Balardy, musique de Ch. Jardin.

Il est en relation avec plusieurs compositeurs et auteurs régionaux, j'ai relevé :  Henri Dallenne (Haubourdin), Urbain Lecomte (Nieppe), Eddy Jura, Pierre Manaut, V. Marceau, Edmond Pellemeulle (Lille) et Jean Ernst (Roubaix).
Ensuite l'abbé Dewavrin réside 10 rue de Juvisy à Draveil (mention sur une réédition non datée de son premier recueil). En 1946 il est nommé co-secrétaire, avec l'abbé Georges Chassagne, de la Centrale Catholique de la Radio et du Cinéma, où il côtoie parfois les "vedettes" comme Jean Marais, ici dans Cinémonde en 1953. Il meurt en 1984 à Pont Saint-Esprit.
 
Christian Declerck
21 mai 2025
 

source Gallica

 
Marche funèbre du père Cent (coll. perso.)

collection personnelle

 illustration dans les 30 chansons-marches

bois gravé de l'abbé Paul Pruvost 1889-1968

 
pour le folklore, j'ajoute mon "Père Cent" posté à Dakar Marine en 1972, je n'en ai pas trouvé du 110e RI à Dunkerque.
 

 et cette photo de la cérémonie du père Cent des musiciens du 110e RI de Dunkerque en 1923
 

 
 
 

lundi 19 mai 2025

Auguste Taccoen, compositeur "cassellois"

mise en ligne le 5/2/2016 
mise à jour le 30/3/2016 
mise à jour le 24/8/2022
mise à jour le 29/5/2025  : ajout de la bio d'un artiste carolorégien

Pour présenter ce compositeur, donnons la parole à André Biebuyck, qui a rencontré des contemporains de Tac-Coen. Son article publié dans la revue Le Sud, n° 24, du 12 juin 1938, éditée à Ypres, comporte quelques erreurs rectifiées à la fin de cette page.


collection personnelle



Le lundi de Pâques est un grand jour de fête pour Cassel. Les géants, Reuze-Papa et Reuze-Maman, escortés de joyeux masques, parcourent les rues de leur bonne ville, et inlassable, la Musique joue le vieil air du Reuze cet air venu du fond des âges, qu'un vrai flamand ne peut entendre sans tressaillir. Sait-on que ce fut le compositeur Tac-Coen qui harmonisa et compléta l'air populaire primitif ? Il en écrivit les partitions destinées à la Musique Communale qui joua pour la première fois au Carnaval de 1882, l'air du Reuze tel qu'on l'entend aujourd'hui encore.
Tac-Coen, fut à Paris de 1875 à 1891, le compositeur à succès, le Christiné, le VIncent Scotto de l'époque.

Sa vie
Nous allons brièvement raconter sa vie. Le père de Tac-Coen, Constantin Fidèle Armand Taccoen, était Cassellois, issu d'une famille aisée de cultivateurs. En 1840, il épousait Fidélia Rency, dont le père, Francis Rency était fermier et éleveur de l'estaminet de l'Hoflandt, à Hazebrouck. Le jeune ménage s'en alla chercher fortune en ville et reprit à Lille, l'Auberge de la Tête d'Or, qui portait le n° 27 de la Grand'Place. La Tête d'Or était l'une des plus vieilles tavernes de Lille, déjà citée dans les comptes de la ville en 1381. Elle formait, vers la rue Esquermoise, le coin de la rue de Tenremonde qui, élargie, devint la rue Nationale. C'est là que, le 8 novembre 1841, à 5 heures du matin, naquit Auguste Alfred Taccoen. L'enfant fut élevé à Cassel par ses tantes paternelles, Rose et Pélagie, deux vieilles filles qui tenaient une épicerie au numéro 16 de la rue de Lille, devenue rue du Maréchal Foch.
Tout jeune, il s'inscrivit à la musique Communale dont il ne tarda pas à devenir l'un des bons éléments. Son premier professeur fut Louis Martin, qui était alors receveur buraliste. Lorsque Tac-Coen eut 15 ans, ses parents le rappelèrent à Lille. Il fut placé en apprentissage chez un commerçant ce qui ne l'empêcha pas de continuer ses études musicales, sous la direction de M. Dubaele, l'un des meilleurs professeurs de ce moment.
Quelques années plus tard, le jeune comptable eut l'idée de former une chorale composée des employés de la maison de commerce où il travaillait tant bien que mal. Cette fantaisie n'eut pas l'heur de plaire à son patron qui le pria poliment d'aller exercer ses talents ailleurs. Voilà, à 18 ans, le jeune homme sur le pavé.
Bravement, Tac-Coen, qui ne se sentait aucune disposition pour les affaires, chercha des engagements comme pianiste accompagnateur dans les cafés chantants. Le métier était d'un maigre rapport, et le jeune musicien mangea plus d'une fois de la vache enragée.
Il voyagea au Danemark, en Belgique, en Hollande. Dans ce dernier pays, il fit la connaissance de celle qui devait devenir sa femme, Eugénie Laroche, une jeune fille d'une grande beauté, qui mourut subitement un an à peine après son mariage à Paris, rue de l'Entrepôt, où le jeune ménage était venu se fixer. Tac-Coen se remit à voyager. Après de multiples pérégrinations, il se fixa à Nantes. Il s'y perfectionna dans l'art musical, étudia l'harmonie et se mit alors à écrire les airs qui chantaient en lui.

collection personnelle


Son œuvre
En 1872, le Grand Théâtre de Nantes donnait la première d'un opéra-comique de Tac-Coen : Jean Leduc dont l'action se déroule en Bretagne. En 1875, Tac-Coen venait se fixer définitivement à Paris. Il devait y triompher. Pendant quinze ans, il fut le compositeur à succès. Les paroliers se disputaient l'honneur d'être mis en musique par Taccoen, qui signait alors Tac-Coen, en deux mots, pour transformer un nom pourtant bien flamand.
Le nombre de chansons écrites [composées] par Tac-Coen, de 1875 à 1891, est prodigieux. On en compte plus de trois mille, sans compter plusieurs opérettes. Dans sa production, il aborda les genres les plus variés, en honneur au café-concert à cette époque. En 1870, les chansons patriotiques étaient au goût du jour. Notre auteur sacrifia à cet engoûment. On trouve dans son œuvre : Notre France, Au Drapeau de la France, Ne touchez pas au drapeau, Tenons-nous prêts, L'honneur du soldat (dédié au général Boulanger) et le célèbre Forgeron de la Paix qui eut un succès prodigieux et fut chanté dans tous les villages de France.
Citons aussi des chansonnettes militaires — du Polin d'avant la lettre — Un cuirassier sans sa cuirasse, Mon Tourlourou et La Belle Margoton […] [erreur du compositeur d'imprimerie] […] et dont le refrain est passé dans le répertoire des troupiers qui y ont adopté les paroles les plus… militaires.
Dans les chansons à boire, Versez les trois couleurs fut celle qui fit connaître Tac-Coen, et le lança. Il écrivit encore : Buvons à tous les vins de France, Le refrain du vendangeur, L'esprit du champagne, Le petit Bourguignon, Le vrai Picolo (créé par Paulus), Mon verre est vide (dont les paroles étaient de Jean Richepin) et aussi L'hymne à la bière, La bière de Flandre, paroles de Victor Venelle, directeur du Journal d'Hazebrouck.
Les chansons sentimentales de Tac-Coen sont nombreuses aussi. Il en est d'exquises : On t'attend à la maison, Pauvre Mimi, Le Noël de Jeanne, Bonjour Amour, N'y pensons plus.
Quant aux chansons comiques du compositeur, elles datent terriblement, et ne nous feraient même plus sourire aujourd'hui. Rien ne se démode comme le comique. Citons néanmoins : Le Roi des Gommeux, Pamela s'est pamée là, Koli-Kinkin.

Au pays flamand
Si Tac-coen connut les succès les plus flatteurs à Paris, il était resté dans le fond de son cœur, un vrai Cassellois. Il revenait volontiers dans la ville où s'écoula son enfance et chez ses parents d'Hazebrouck. Le répertoire de Tac-Coen fit fureur à Hazebrouck de 1880 à 1890. On retrouve dans tous les programmes de l'époque, les titres que nous citions plus haut. A l'Orphéon, on joua même plusieurs opérettes du compositeur. A Cassel, en temps de Carnaval, de joyeux masques interprétaient le soir, dans les cafés, de grandes scènes avec parlé, dont on se souvient encore : Les Infirmiers, Le Bataillon des Volontaires en jupons, Les Gamins de Paris.
Tac-Coen ne manquaient jamais de venir "faire le Mardi-Gras" à Cassel. M. Georges Lotthé, l'auteur des Ballades Flamandes qui fut très lié avec le maître, nous a conté en ces termes, cette amusante anecdote qui montre combien Tac-Coen aimait Cassel : "Tac-Coen était féru de la chanson du Reuze. Il en avait brodé les paroles d'une chansonnette : Madelinette est mariée. Il en avait fait coller la ritournelle sur les pupitres des musiciens qu'il dirigeait, en sa qualité de chef d'orchestre d'un grand café-concert de Paris. Un soir, un groupe de ses amis de Cassel, de gais lurons, viennent assister à une de ses soirées. Tac-Coen avertit aussitôt le directeur qu'un incident se produira dans la salle : il le prie de le laisser se dissiper sans intervenir, car il ne sera qu'un attrait de plus pour le public. Et, entre deux numéros, il ordonne à ses musiciens d'attaquer le fameux air du Reuze. Dès les premières mesures nos Cassellois se regardent : ils se lèvent et se mettent aussitôt à entonner leur chanson en flamand, trépignent, gesticulent et dansent comme en plein carnaval. Je vous laisse à penser le succès qu'ils ont obtenu parmi les Parisiens et la joie de Tac-Coen".
M. Georges Lotthé se proposait d'écrire, en collaboration avec le compositeur, une opérette intitulée Jean Bart dont l'apothéose devait être la Rentrée du Reuze aux lueurs des torches de Bengale.
Tac-Coen fut chef d'orchestre successivement à la Scala, à l'Eldorado et à l'Eden Concert. A la fin de l'année 1891, il contractait une mauvaise grippe — l'influenza disait-on alors — et le 8 janvier 1892, il mourrait au premier étage du Café du 4 septembre, au n° 24 de la rue Monge où il habitait.
Dans quelques années, ce sera le centenaire de la naissance de Tac-Coen et le cinquantenaire de sa mort. Cassel n'oubliera pas cet anniversaire et saura le fêter comme il convient. Nous voulons espérer que sa ville d'adoption lui élèvera un monument et organisera un Festival Tac-Coen. Ce sera un hommage mérité rendu à la mémoire du compositeur.

André Biebuyck


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Cet article a été publié initialement dans Le Grand Echo du Nord de la France le 16 avril 1938  avec le portrait ci-contre. Celui en haut de cette page a été publié dans un opuscule consacré aux œuvres du compositeur vers 1900. Il contient également une très courte biographie qui nous apprend que Tac-Coen a bénéficié, à son arrivée à Paris, de l'aide d'Emile Duhem qui l'engagea comme pianiste accompagnateur. Tac-Coen a fait ses débuts de chef d'orchestre aux Folies-Belleville, dirigée par Cassonet. En juin 1878 il quitte son bâton de chef d'orchestre pour tenir un café-brasserie, rue Monge, Au Souvenir de l'Exposition. Le jour de l'inauguration, on sabla joyeusement un apéritif inédit, La Tacconnade [sic]. Il dépose la marque "Taconade de Fresnoy" le 16 décembre 1890 (n°35198) et compose une "Taconade, polka", éditée l'année suivante par A. Patay, dédiée à Gabriel Hertaux (1852-1933) négociant en vins à Neuilly.
J'ai relevé quelques erreurs dans le texte d'A. Biébuyck. Les prénoms déclarés sur l'acte de naissance d'Auguste sont Pierre Joseph Auguste, il est né le 6 mai 1844. Le couple Taccoen/Laroche se marie en 1876 et son épouse, une artiste lyrique née à Luxeuil les Bains, décède neuf ans plus tard.

13 partitions en libre accès sur Gallica ici
Un autre texte d'André Biebuyck ici



collection personnelle


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Il y a une dizaine d'année le musée de Flandre à Cassel avait proposé une exposition consacrée à ce compositeur sous le titre Résonances, hommage à Taccoen. La conservatrice, Sandrine Vézilier, avait brodé autour du sujet en organisant plusieurs manifestations.






Quelques photos : © Christian Declerck


le concert de l'harmonie de Cassel


une partie de l'exposition


l'inauguration guidée par Sandrine Vézilier


l'installation de Daniel Nadaud

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Supplément, sur un artiste méconnu qui interprète Le Forgeron de la Paix de Tac-Coen

VALDOR, chanteur à grande voix, créateur du genre



Il fut difficile de trouver des informations biographiques sur cet artiste. Valdor est un pseudonyme, évidemment, mais j'ai fini par trouver son vrai nom, Cocriamont, prénom Oscar, originaire de Lodelinsart, devenu un quartier de Charleroi. Mais d'Oscar point de trace dans les registres d'état civil. Heureusement il a eu un fils, André, qui se fait remarquer dans la presse, d'abord en réclamant un vélo pour battre un record et ensuite en gagnant ce vélo dans un concours, il en fera son métier comme livreur triporteur. J'apprends par la même occasion qu'André Cocriamont dit VALDOR, est bien le fils de l'artiste lyrique du même nom. La suite fut nettement facilitée et je trouve enfin Emile, dit Oscar, COCRIAMONT, alias VALDOR, né à Lodelinsart le 15 août 1867, fils d'Augustin et Emma SCHMIDT. Souffleur de verre de profession, il réussit à sortir de son milieu social par le chant. Il obtient un premier contrat de chanteur en 1895, il chante à Troyes sous son patronyme de naissance. Puis il tente sa chance à Paris aux Ambassadeurs, puis au Trocadero, il est remarqué par MASSON et FAURE (peut-être le professeur du Conservatoire) qui le prend sous son aile. Il entre ensuite au théâtre de Gand en 1903, puis à La Haye, Lyon, Bruxelles. Il part au Brésil au théâtre de Manaos où il est le premier à chanter en français le Trouvère, Guillaume Tell, L'Africaine et la Favorite. Il revient à Alger, où il crée le rôle principal dans Thérèse de Massenet, il obtient un énorme succès, puis il passe par Nice, et enfin la consécration comme grand baryton au théâtre de la Gaîté Lyrique à Paris. Il épouse à Paris en 1905 Alice MOUSSIN (1883-1960), naturalisé en 1928, il est mort à Paris le 2 septembre 1930, dans son domicile 34 rue Ordener. Son fils, né en 1903 à Paris, est mort en 1973.
Christian Declerck
19 mai 2025

sources : Comœdia 14 juin 1910, La Revue Mondaine 18 février 1911 et l'Echo des Sports


Source : Gallica

jeudi 8 mai 2025

Joseph Agostini, accordéoniste, 1894-1949

 
collection personnelle

 Il est né en 1894 à Mercatello, dans les Marches (Italie), fils d'un charbonnier. Enfant, il se promène souvent dans les cafés du village avec son petit accordéon diatonique et joue aussi pour les mariages. Il rencontre Philomène Dini et l'épouse en 1918. Le contexte politique et économique d'après guerre bouleverse la petite famille et les pousse à l'exil. Les mines du Nord et du Pas de Calais embauche, il arrive seul à Dechy vers 1922 et trouve du travail à la fosse Bonnel à Lallaing. L'année suivante il fait venir son épouse et ses enfants Louis et Dante, âgés de 2 ans et un an dans un coron, 32 rue Voltaire. Pour oublier la mine, qui le terrifie, il reprend son accordéon et part souvent jouer dans les cafés à Douai et même dans les bordels de Lille. Après avoir fait un petit pécule il déménage à Sin Le Noble vers 1929 rue Arthur Lamendin.
 
source : Une vie tambour battant

Joseph ouvre un estaminet A l'Espérance, avec une salle de bal. Il joue dans son café seul au début, puis très vite rejoint par ses aînés, Louis et Dante. Après quelques années la famille déménage sur la Grand place et Joseph ouvre une école d'accordéon puis un magasin de vente et de réparations d'accordéons.
 
Louis est très doué pour la musique, à 13 ans il obtient deux premier prix de solfège au Conservatoire de Douai, puis il est invité régulièrement à la Radio PTT Nord dans l'émission Le quart d'heure d'accordéon. En 1934 il participe au Concours international d'accordéons de Liège. Il y remporte le premier prix en division d'excellence. Il est vite remarqué par les professionnels et signe un contrat avec l'orchestre de Ray Ventura.  Il voyage beaucoup et découvre le jazz qu'il montre à son frère Dante, plus attiré par la batterie.
Louis meurt quelques jours avant l'armistice, le 17 juin 1940, lors d'un combat dans la Moselle. Son frère Dante deviendra une référence de la batterie de jazz, mais c'est une autre histoire que vous pouvez découvrir dans l'hommage que lui a fait sa fille dans son livre Dante Agostini, une vie tambour battant paru en 2019 aux Editions du Layeur.

Christian Declerck
8 mai 2025

sources : Dante Agostini, une vie tambour battant par Anne Agostini-Basseporte & Daniel Dumoulin, Le Grand Echo du Nord du 11 février 1934.

Cartes postales publicitaires de ma collection
 

 
Adolphe RICCI et Dante AGOSTINI

Jazz-Band Infernal, les as de Dechy


vendredi 2 mai 2025

Les chansons du 1er mai, par Robert Brécy

 
collection personnelle

 In Revue d'histoire moderne et contemporaine, juilllet-septembre 1981

Il y a quatre-vingt-dix ans, le mouvement ouvrier et socialiste international décidait de faire du 1er mai 1890 une journée de revendication à travers le monde, et depuis le Premier Mai est resté une manifestation traditionnelle du monde du travail. 
Notre propos n'est pas d'en retracer l'histoire complète mais de présenter les chansons suscitées en France — et dans la Belgique wallonne, si proche de nos départements du Nord — par le Premier Mai, fête internationale des travailleurs et aussi journée revendicative, parfois journée de lutte. 
Nous rappellerons cependant les circonstances dans lesquelles ces œuvres sont nées afin de mieux montrer l'importance du témoignage qu'elles apportent à l'historien ; ces chansons de Mai ne sont pas seulement des « armes de propagande », elles jouent souvent le rôle de révélateur des aspirations et de la sensibilité populaires — dans leur diversité et leur évolution. 
Avant d'examiner les chansons nées du 1er Mai, disons quelques mots des autres œuvres révolutionnaires chantées par les travailleurs après l'écrasement de la Commune de 1871 et avant le 1er mai 1890 ; certaines l'ont été ensuite lors des manifestations de mai. 
Les ouvriers chantaient traditionnellement des œuvres plus anciennes comme la Marseillaise, la Carmagnole ou le Chant des ouvriers. Rappelons toutefois que la Marseillaise, née en 1792, pendant la Grande Révolution, et proscrite sous les divers régimes monarchiques, n'était redevenue hymne national qu'en 1879. A la Carmagnole, également de 1792, les républicains avaient ajouté quelques strophes sous le Second Empire et, depuis 1871, un couplet qui appelait à la revanche de la Commune : 
 
Vive la Commune de Paris, 
Ses mitrailleuses et ses fusils ! 
La Commune battue 
Ne s'avoue pas vaincue,
Elle aura sa revanche, vive le son, vive le son,
Elle aura sa revanche, vive le son du canon.
 
 
La suite ICI


On y trouve les paroles de :
Les anarchistes de Chicago, Jules Jouy (1887)
Le sang des martyrs, Jules Jouy
Pendeurs et pendus, Olivier Souêtre (1887)
La pensée, A propos des exécutions de Chicago, Louis Gabillaud
Les huit heures, Etienne Pédron (1890)
La marche du 1er mai, Charles Gros (1893) avec la musique
La populaire, anonyme (sd)
Le premier mai du père Peinard, Olivier Souêtre (1891)
Le premier mai quatre vingt onze, Eugène Chatelain
Les martyrs de Fourmies, premier mai 1891 (anonyme) d'après une chanson de Rémy Doutre
Les martyrs de Fourmies, romance, souvenir du 1er mai 1891, Ernest Voillequin, Georges Poivilliers
Les fiancés du Nord, René Esse, Gaston Maquis
Le massacre de Fourmies, Etienne Pédron
Debout !, Etienne Pédron
Lafargue et Culine, Emile Nieuport
Chant du 1er mai, anonyme (1892)
Huit heures de travail, Pierre Degeyter (1891) 
Le premier mai, Etienne Pédron (1895)
Premier mai, H. Weyts (1896)
La fête du premier mai, François Lefebvre
Le premier mai, Jean-Baptiste Clément
La normale, F. Antourville
La chanson des huit heures, Léon Drouin de Bercy (1906)
Le premier mai, Charles d'Avray (1907)
Premier mai, Gaston Couté (1911)
Aujord'hui on fait l'premier mai, Georges Flamencourt (Lille, 1920)

Sur le même sujet voir ICI

1926    

Le Cri du Nord (Gallica)