mise en ligne le 24/12/2021
mise à jour le 29/7/2022 : ajout de photos du cistre de Bruges
mise à jour le 9/9/2023 : ajout d'une photo du cistre de l'Hospice Comtesse
mise à jour le 24/9/2023 : ajout d'infos sur Pierre Glintz
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musée de l'Hospice Comtesse, cistre 1777 expo Mondonville 2011 photo personnelle |
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Musée Gruuthuse, cistre 1777 photo personnelle |
C'est par lui que tout a commencé.
Patrick Delaval, chercheur et passionné de cistre, connaissait ce luthier dunkerquois par ses magnifiques instruments conservés dans plusieurs musées européens, mais la bibliographie était assez succincte sur les dates de naissance et décès, on savait seulement qu'il était actif à Dunkerque dans le dernier quart du XVIIIe siècle, grâce aux étiquettes de ses instruments. Patrick me demande si je peux aller à la bibliothèque de Dunkerque chercher des informations. Je n'ai rien trouvé à la bibliothèque, mais on me conseille d'aller à l'étage au dessus, aux Archives Municipales. Là non plus on ne connait pas ce luthier, heureusement l'archiviste, Jean-Luc Porhel, me suggère de chercher des mentions dans les registres, en commençant par la Capitation. Nous sommes en 1980 et c'est le début de recherches sur les musiciens à Dunkerque qui sont toujours en cours.
Guillaume Le Blond est né en Normandie, à côté du Hâvre, à Saint Laurent de Brèvedent le 27 novembre 1735, fils de Jacques et Catherine Le Petit. C'est sa présence comme témoin au décès, à Dunkerque le 17 février 1792, de son neveu Jacques Leblonc [sic] qui m'a donné un début de piste pour localiser son baptême. Jacques est le fils du petit frère de Guillaume, Jacques Philippe, laboureur, né en 1745 au même village, que l'on retrouvera en 1783, parrain d'un enfant de Léopold Coffe, luthier à Dunkerque.
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l'église de Saint Laurent de Brèvedent |
Guillaume arrive à Dunkerque en 1764. Il se marie le 25 juin 1765 avec Marie Bernardine Colinion, née à Saint Omer en 1735. Il est alors domicilié rue Notre Dame. En 1769 il est au n°1 de la rue des Vieux Quartiers (actuelle rue Poincaré) cette maison a pu être située précisément grâce au recensement réalisé pour loger les troupes en 1772. Elle fait partie de la rangée de maisons accolées à l'église Saint Eloi, c'est la première, située sur l'angle sud de la façade.
Dans les registres de la Capitation, j'ai relevé les différents domiciles de Guillaume Le Blond de 1765 à 1795 : rue Notre Dame (1765-1769), 1 rue des Vieux Quartiers (1770-1772), à Rouen en 1773, rue du Quai (1774), rue de l'Eglise (1775-1778), rue Saint Eloi (1779-1789), rue Royale (1789-1790), marché aux Pommes (1790), rue de la Liberté (ex rue des Capucins (1795) et enfin à La Branche de Coudekerque lors de son décès le 30 mai 1796. Son épouse meurt en 1808, 9 place Jean Bart (ex place Dauphine).
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d'après le plan de 1785 source : Gallica |
Sa résidence à Rouen est attestée par trois documents. Un cistre conservé au Musée de Leipzig, porte une étiquette manuscrite : "fait par Le Blond à Rouen 1773". Une mention sur une partition d'un dépôt de musique et surtout un certificat de bonne vie et mœurs délivré par le magistrat de Dunkerque en juillet 1772 : Messieurs les maire et eschevins de la ville et territoire de Dunkerque. Supplie humblement Guillaume Leblond maître luthier demeurant en cette ville, disant que depuis environ huit ans il a fixé sa résidence en cette ville où pendant ce temps il y a exercé sa profession à la satisfaction du public et de ses supérieurs par la bonne conduite, que comme dans la vue d’un plus grand avantage dans l’exercice de sa proffession il desiroit changer de résidence pour la fixer dans celle de Rouen, dans cette circonstance pour d’autant plus surement y parvenir et faire librement son voyage il desireroit aussi a cet effet obtenir de votre authorité un certificat de bonne vie et mœurs, c’est le sujet de la présente requête. Accordé le 9 juillet 1772. Cette tentative de déménagement s'est vite terminée par un retour à Dunkerque, en 1774 il est mentionné rue du Quai dans le registre des Capitations.
J'ai trouvé son acte de décès très récemment dans le premier registre des décès de Coudekerque-Branche, appelée à l'époque La Branche de Coudekerque :
Acte n°30, Guillaume Le Blond, 31 mai 1796
l’an quatrième de la république françoise une et indivisible le douze prairial neuf heures de matin sur la déclaration qu’il nous a été fait par Louis Wagois frippier en commune de dunkerque agé de soixante cinq an et marie anne Catoen agée de quarante cinq an résidant en la commune de Dunkerque du décès de gilome Leblon décédé en cette commune de la Branche de Coudekerque le jour d’hier sept heure de soir. nous françois Simon Boiberque agent municipal de la ditte commune nous nous sommes transporté au domicile du dit le Blond ou nous etant assuré de son décès les dit déclarant nous ont dit qu’il se nomais gillome Leblond, rentier de profession, agé de soixante ans, natif de duavre époux de Bernardinne Collignon et ont les dit déclarants signé avec nous le jour, mois et ans que dessus
Marianne Cotoon [Cattoen ?] : Louis Wagon : Boibergue
Cette commune comprenait le territoire de Malo-les-Bains (appelée Visschermoere), celui de Rosendael et encerclait la ville de Dunkerque jusqu'à Petite Synthe. Si l'acte mentionne qu'il est domicilié à la Branche de Coudekerque, la localisation précise n'est pas aisée. Mais on sait que le hameau de Visschermoere, comptait peu d'habitants, seulement quelques maisons de pêcheur en bordure de plage ; que Rosendael avait souffert du siège de 1793 par le Duc d'York et était quasiment rasée. D'après Léonce Baron, la partie la plus peuplée, appelée Section B, se trouvait autour du cabaret Le Petit Steendam, au bord du canal de Furnes, c'est dans ce cabaret que se tenait les réunions du conseil municipal et il servait donc de mairie. On peut supposer que la maison de Guillaume Leblond se trouvait dans cette section, avec un accès facile à la ville par le pont de Furnes. La recherche future permettra peut-être de trouver un document plus précis.
Activités para musicales
Guillaume Le Blond tenait un dépôt de musique (à Dunkerque et Rouen) mentionné sur plusieurs partitions qui sont parvenues jusqu'à nous : Premier recueil d'ariettes, menuets et allemandes, arrangés pour le cistre ou guitare allemande, dédié à Madame la comtesse d'Aigremont, par M. Pollet, maître de musique à Lille en Flandre. Deuxième recueil d'ariettes, menuets et allemandes arrangés pour le cistre ou guitare allemande dédié à Madame la comtesse de Nicolson, par M. Pollet maître de musique [dépot à Rouen chez Mr Le Blond luthier]. Premier recueil d'ariettes des plus jolis opéras, avec accompagnement de cistre ou guitare allemande, arrangé par M. Pollet, maître de cistre. Six sonates des meilleurs auteurs arrangés pour le cistre ou guitarre allemande avec accompagnement de violon, dédié à M.*, par M. Pollet, maître de cistre à Paris.
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L'esprit des journaux françois et étranger 1775 |
Les comptes de l'église Saint Eloi contiennent plusieurs mentions de ses travaux sur les instruments de l'orchestre : en 1777, réparation d'un serpent et une basse pour 15 livres et 10 sols ; en 1781, raccommodage de deux serpents pour 7 livres ; en 1783, il vend un archet pour le violoncelle, 7 livres ; en 1785, 68 livres et 10 sols pour avoir monté et mis en état la contrebasse ; 1786, 36 livres pour avoir verni la contrebasse ; en 1789, 55 livres 9 sols pour la livraison de cordes pour la contrebasse depuis le 23 décembre 1787 jusqu'au 25 décembre 1789 ; idem en 1792, 51 livres et la dernière livraison de cordes pour la contrebasse et de papier rayé, 52 livres en 1793.
Les instruments
Patrick Delaval a réalisé un inventaire complet des instruments fabriqués par Guillaume Le Blond conservés dans les musées et quelques collections privées :
- 1772 : un violoncelle fait à Dunkerque conservé par M. Deporre à Gand (R. Vannes)
- 1772 : un cistre fait à Dunkerque, conservé au musée de Leipzig, (catalogue du musée)
- 1773 : un cistre fait à Rouen, conservé au musée de Leipzig, (catalogue du musée)
- 1774 : un cistre-luth fait à Dunkerque conservé au Musée de la Musique à Paris
- vers 1775 : un cistre, attribué à Le Blond, conservé au musée de Leipzig, (catalogue du musée)
- 1777 : un cistre fait à Dunkerque conservé au Musée Instrumental de Bruxelles
- 1777 : un cistre fait à Dunkerque conservé à Bruxelles
- 1777, un cistre fait à Dunkerque par Le Blond, conservé au Musée de l'Hospice Comtesse à Lille
- 1777 : deux cistres fait à Dunkerque conservés au musée de Berlin
- 1777 : un cistre fait à Dunkerque conservé au Musée Gruuthuse à Bruges
- 1779 : deux cistres faits à Dunkerque conservés au Musée Instrumental de Bruxelles
- vers 1780, un cistre théorbé, attribué à Le Blond, conservé au musée de Leipzig, (catalogue du musée)
- 1789 : un cistre fait à Dunkerque mentionné par Stainer (1896)
- 1789 : un cistre fait à Dunkerque, propriété de R et M. Milland à Paris (R. Vannes)
- 1789 : un pardessus de viole fait à Dunkerque, conservé au musée de Berlin
- 1789 : un piano table fait à Londres, conservé au musée de Berlin
- 1792 : un piano table fait à Dunkerque, conservé au Musée Gruuthuse à Bruges
- sans date, un cistre vu en vente vers 1995 par
M. Bissonnet, antiquaire à Paris
- sans date, un cistre fait par Le Blond conservé au musée de Stockholm
- sans date, une guitare marquetée, faite à Dunkerque, de la collection de César Snoeck à Renaix, achetée par le musée du Tsar à Moscou ?
- des violons, mentionnés, sans date ni localisation, par René Vannes
Christian Declerck
24 décembre 2021
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Dunkerque 3/11/1789 |
Complément sur son lien avec Pierre Glintz, ébéniste et sculpteur à Dunkerque avant 1800
Guillaume Le Blond est témoin à son premier mariage le 3 novembre 1789, un petit détail qui laisse supposer une relation professionnelle entre ces deux artisans du bois. Pierre (Petter) Glintz est né à Klagenfurt (Autriche actuelle) alors en Carinthie, le 19 mars 1746, fils de Pierre aussi ébéniste. Je ne sais quand il arrive à Dunkerque, il épouse Marie Jeanne Blanckaert (61 ans) en 1789, son épouse meurt avant 1795. L'année suivante il épouse une jeune femme de 28 ans, il en a 50, Isabelle Decoopman, originaire de Zegerscappel. Elle lui donnera 5 enfants dont l'aîné Pierre Joseph, sera le seul survivant. Né à Dunkerque en 1797, il sera facteur de pianos chez Pleyel et Wolff, comme nous l'indique la mention lors de l'attribution de la
médaille de Ste Hélène en 1872 (il a été blessé à la bataille de Waterloo en 1815). Les naissances de ses frères et sœurs à Lille (1800, 1802) puis à Paris (1804) nous indiquent le parcours de son père pendant ces années troublées. Son père meurt en 1820 à Paris, 18 rue des Billettes, sa mère est morte à Villers-Cotterêts en 1830. Le fils se marie deux fois et sa première épouse, Jeanne Bisson (née à Châteauroux), lui donne trois enfants : Pierre (1819-1835), Clara (1821-1874) et Alexis (1828-1907), il meurt dans le 11e arrondissement de Paris, 9 rue de Charonne, en 1881.
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les instruments de Guillaume Le Blond
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Musée de l'Hospice Comtesse à Lille |
Musée de Leipzig
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Musée de Stockholm |
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cistre-luth Musée de la musique à Paris |
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Musée Gruuthuse, Bruges, vers 1930 encadré : le piano G. Le Blond C. P. collection personnelle |
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piano table ou square-piano Musée Gruuthuse à Bruges source : catalogue du musée et photo personnelle |
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Cistre Le Blond 1777, musée Gruuthuse
photos personnelles
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