lundi 7 mai 2018

Le Conservatoire des Accordéoneux

mise à jour du 19/5/2018 : ajout de la biographie de Charles MACQUET

Un vétéran de la musique — Le doyen des accordéonistes de la région nous confie ses souvenirs.



Au récent congrès de la Fédération des Musiques du Nord et du Pas-de-Calais, on a procédé à l'attribution des médailles de la Fédération, qui doivent récompenser les vieux musiciens de la région. Parmi ces vieux serviteurs de la Musique, il en est un qui mérite peut-être une attention particulière : c'est M. Charles Maquet, qui est vraisemblablement le doyen des accordéonistes de la région. Gantois d'origine, demeurant à Lille depuis une cinquantaine d'année, le père Maquet, s'il est un vétéran de la musique, est aussi un précurseur puisque, prétend-il, l'accordéon n'était pas encore connu à Lille lorsqu'il y arriva. 

Chez le père Maquet à Wazemmes.
C'est à Wazemmes, ce quartier caractéristique, que l'on a appelé la "petite Belgique" que nous avons rencontré le premier accordéoniste lillois. Au fond d'une courette, dans une humble maison, M. Maquet nous a reçu avec cordialité et dans une langue savoureuse où la syntaxe est souvent mise à mal, avec un pittoresque accent flamand, le vieillard a égrené ses souvenirs.

Malgré son âge — il va sur septante et trois — M. Maquet est encore alerte et s'il n'y voit plus guère il entend bien et sa mémoire est restée fidèle. Tout jeune encore il s'éprit de la musique et voulut en commencer l'étude. Malheureusement une regrettable myopie, la nécessité de gagner sa vie contrarièrent ce qui était une vocation. Lorsque Charles Maquet atteignit sa 16e année [vers  1866], un de ses voisins acheta un instrument encore peu connu à l'époque : un accordéon. Le jeune homme, après avoir longtemps écouté, voulut tâter de l'instrument… Ô surprise, les progrès furent vertigineux et en peu de jours le néophyte faisait éclore sous ses doigts valses et polkas ! Charles Maquet avait trouvé sa voie ! N'ayant pu apprendre la musique, il avait appris à en jouer, ses rêves étaient comblés. Et désormais, pendant toute sa vie, il va "pianoter" sur un accordéon.

En 1879, Charles Maquet et son frère Joseph arrivaient à Lille. Ils avaient emporté avec eux l'Accordéon : un vieil instrument à une seule rangée de touches. Un "tacot" qui avait coûté 63 francs ! C'"est avec cet instrument pourtant que Charles étonna les "amateurs de musique" des cabarets de Wazemmes. Rapidement, il eut la grande vogue… et des imitateurs. Il dut retourner en Belgique pour acheter d'autres accordéons et bientôt il eut des élèves. C'est ainsi que dans l'humble bistrot de Wazemmes, naquit le Conservatoire des Accordéoneux. Maquet, qui ne connaissait pas une note de musique, en fut le professeur. Au début du siècle, un voyageur de commerce entendant Maquet et quelques-uns de ses amis, eut l'idée de fonder une société d'accordéonistes. Nous avons déjà retracé l'histoire de cette phalange. Le vétéran, qui nous a rappelé le triomphe d'obtinrent les "Accordéonistes Lillois", lors d'une sortie à Bruxelles. Les morceaux du répertoire furent exécutés avec un brio remarquable et si j'en crois le sourire du brave vieux, la "nouba" qui suivit ne dut pas être moins remarquable.

Les ans ont passé, l'âge venu, Charles Maquet joue toujours de l'accordéon mais il s'entête à rester fidèle à son vieil instrument démodé, il est toujours alerte et joyeux. En souriant il nous avoue que la chanson doit être vraie qui dit dans le patois de la Petit Belgique" :
" Cordionneux il est toudis zoyeux
Soir et matin il fait danser les zins "
"J'ai travaillé pendant toute ma vie, dit-il, j'ai joué de la musique à mes moments perdus, j'ai fait danser, j'ai amusé le monde, je crois que je ne suis pas un feignant."
Ce satisfaisit que s'accorde le brave vieux qui parle franc, ne justifie-t-il pas le geste de ses voisins et de ses amis qui organisent aujourd'hui même en son honneur, une petite fête pour glorifier celui qui fut le premier accordéoniste lillois et qui plus est le doyen des accordéonistes de la région du Nord.

A. Boidin

l'Egalité Roubaix-Tourcoing 7/4/1929
La Médiathèque de Roubaix en ligne sur https://www.bn-r.fr

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Il y a quelques petites erreurs dans ce texte. Voici ce que j'ai pu rassembler sur la vie de ce pionnier de l'accordéon régional.
Charles Louis MACQUET, et non pas MAQUET, est né à Ostende en 1857. Son père est tonnelier, né à Ostende en 1831. En 1856 il épouse Angélique VANHOUTTE née dans la même ville en 1868. Cinq enfants, dont Joseph (1862) naissent à Ostende, la benjamine, Romanie, nait à Bruges en 1878. Vers 1880 la famille s'installe à Gand, Charles, père, devient brasseur. L'accordéoniste, émigre à Lille en 1882, où il est domicilié rue de Saint Quentin. C'est ce que mentionne son acte de mariage, mais peut-être que les frères MACQUET sont venus à Lille, sans se fixer, quelques années auparavant. Charles se marie à Lille en 1883, il est ouvrier de filature, il épouse Elodie DANSSE, née à Balegem (B) en 1849. Le couple a deux enfants : Théophile en 1883 (né quelques mois avant le mariage) et Charles en 1887. Notre accordéoniste obtient la nationalité française en octobre 1924. En avril 1929 il est interviewé par le journaliste de l'Egalité de Roubaix Tourcoing, in extremis… car ce vénérable accordéoneux décède le 9 octobre 1929, chez lui, 88 rue des Sarrazins. L'article lui a valu un passage à Radio PTT Nord le 10 avril "Hier soir, le poste Radio PTT Nord de Lille a diffusé le 79e concert organisé et offert par notre journal. Au programme figurait M. Charles Maquet [sic], accordéoniste. Nous avons dit qui était ce vieillard, doyen des accordéonistes de la région. M. Maquet a prouvé hier, qu’il savait encore manier un accordéon et il a évoqué le bon vieux temps avec ses airs de jadis." Je donnerai très cher pour pouvoir écouter cette émission.

Christian Declerck



le "studio" de Radio PTT Lille en 1929






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