Watten le 19 novembre 1833
A Son Excellence M. le comte d'Argout, Pair de France, Ministre de l'Intérieur et des Cultes, à Paris.
MONSIEUR, Sans doute il a toujours été dans les intentions de votre Excellence que les curés desservans de la religion catholique employés dans cet état soient honnêtes envers le public ; mais cette volonté de Votre Excellence n'a pas été remplie à mon égard de la part de M. Deschodt, desservant de la commune de Millam.
Le 9 du présent mois de novembre, je me suis présenté à sa maison accompagné de la Dlle Mélanie Nédonsel, ma future épouse, pour demander à cet ecclésiastique de vouloir bien publier au prône de la messe paroissiale les dimanches 10, 17 et 24 du présent mois, nos promesses de mariage vulgairement dits bans. C'est avec une brutalité sans exemple que nous avons été accueillis d'abord, et ensuite ce ne fut que par des paroles grossières et malhonnêtes que la demande que nous faisions fut rejetée.
Cet ecclésiastique, monsieur, nous a refusé son ministère pour seule cause que je professe l'état de musicien et joueur de violon.
Le 12 du courant ce même ecclésiastique a fait appeler à son domicile ma future épouse Mélanie Nédonsel, pour l'interroger sur quelques points de notre religion ; c'est alors qu'il a tenu un discours audacieux à ma charge conçu en ces termes : « Ma fille, vous proposez-vous absolument de vous marier avec Denis Gugelot ? » Après une réponse affirmative, il s'écria en disant : « J'aimerais mieux, si j'étais à votre place, me coucher à côté d'un « diable, oui à côté d'un serpent et des animaux les plus monstrueux et dévorans qui existent sur la terre et dans l'enfer, en ajoutant qu'un tel musicien ne peut être absous d'aucun confesseur, pas même au moment le plus périlleux de sa vie, et par conséquent son âme est damnée ainsi que la vôtre si vous contractez mariage, ainsi que vos enfans qui naîtront. »
Je dois vous observer, monsieur, que d'après ces discours infâmes ma prétendue est sur le point de rompre et de briser les promesses qu'elle m'a faites. C'est cette conduite de ce curé envers moi qui me porte, monsieur, à adresser directement ma plainte à Votre Excellence et de la prier de vouloir bien mettre fin à toutes ces vexations. — Dans l'espoir , etc.
Signé Denis GUGELOT, âgé de 35 ans.
Lettre publiée dans Le Mémorial Artésien du 19 février 1835, pour compléter un échange de courriers entre la rédaction du journal, le maire de Millam, Antoine Pelerein et le curé L. Deschodt, qu'on peut lire
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Epilogue :
Martin Louis Denis GUGELOT, né à Watten le 11 novembre 1798 épouse Mélanie Virginie NÉDONSEL à Millam le 27 novembre 1833. Je ne sais pas s'ils ont trouvé un prêtre pour le mariage religieux. Denis meurt à Watten en 1851, Mélanie en 1847 dans la même commune.
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