mardi 8 avril 2025

Le clinqueur dunkerquois

 

Léon Finot, La République Illustrée, 1888

 1910 : Léon Finot, clinqueur de la ville de Dunkerque, gardien de la bourse du Commerce, vient de mourir à l’hôpital, il était âgé de 65 ans.

Le clinqueur municipal ! voilà encore une fonction qui disparaît avec celui qui s’en glorifiait un peu […] Nombreux sont les Dunkerquois qui se rappellent de Finot, porteur d’une jambe de bois dont il tirait savamment, en la frappant avec mesure sur le trottoir, un accompagnement heureux aux dernières notes de son gong […] Muni de son plateau de cuivre et de son maillet d’ébène il allait par la ville, à l’heure du ruisseau, vers 8 h du matin, s’arrêtant aux différents coins et il clinquait à petits coups répétés. Quand il avait réuni autour de lui quelques auditeurs - des enfants moqueurs pour la plupart -, il donnait lecture du papier, toujours chiffonné à la main : “il est fait savoir qu’une vente aura lieu, etc” ou bien “il a été perdu, etc.” D’une voix appropriée : digne quand il s’agissait d’annonces officielles, indifférente quand c’était un objet perdu, il faisait savoir son quelque chose au nom, soit des pouvoirs municipaux, soit d’un particulier, “à tous et à chacun”, suivant sa solennelle formule, et comme Finot élevait le ton sur les derniers mots “contre récompense”, les gamins ne manquaient jamais d’y répondre lentement : “A-men !”. Finot ne s’en fâchait pas, cette fantaisie étant passée à l’état d’habitude et complétait en quelque sorte son boniment. […] La publicité de plus en plus grande de la presse locale, la multiplicité des emplacements d’affichage rendirent chaque jour moins utile le concours du clinqueur et il y a quelques années on n’entendait plus, qu’en de très rares occasions, les petits coups de maillet sur le plateau de cuivre. Puis Finot enleva le tableau de : “clinqueur de la ville de Dunkerque” placé au dessus de la porte de son domicile rue Saint-Gilles et il ne fut plus que le gardien de la Bourse du Commerce.

Albert Salignon, Nord Maritime, 11 août 1910
photo : source CMUA

Léon Alphonse François FINOT est né à Loon-Plage le 26 septembre 1845, fils de Pierre (1824-1859) et Marie BRUNET (1823-1871). En 1872, il est tailleur d'habits quand il épouse Anne Marie DE BEVER née à Nieuport le 26 juillet 1851. Léon meurt à Rosendael le 8 août 1910. Il est l'arrière grand-oncle du chansonnier gravelinois Auguste Finot dit Gut (1920-2013).

Les prédécesseurs

Dans les registres paroissiaux et l'Almanach du Commerce publié par Emmanuel LORENZO, j'ai relevé le nom de quelques clinqueurs de Dunkerque depuis la fin du XVIIIe siècle.


1777-1783 : Mathieu Pillaert (~1725/1783)
1787 : Marc Gonthiers (1744-1812) est installé rue Royale, aussi maître cordonnier
1809 : le même Gonthiers, rue Saint Gilles
1814 : Nicolas Pierre (1758-1815), place Jean Bart, ancien tambour du 3e rgt d'état major et perruquier
1817 : Charles Pierre (1788-1853), rue du Pied de Vache, perruquier, fils du précédent
1820 : Martin Samarcq (1769-1824), 21 place Royale, serrurier
1826 : Pierre Ledru (1787-1835), 18 rue Jean Bart, cordonnier, gendre du précédent
1830 : Pierre Goudesone (1786-1840), rue Saint Gilles, bottier
1878 : Louis Liger (1812-1892), rue Royale, épicier, agent de police

Le clinqueur Gonthiers est mentionné dans Faits et Usages des Flamands de France, par Raymond de Bertrand : 

Bientôt l'autorité se mit de la partie. En 1806, l'Administration municipale adjoignit au clinqueur en office, connu sous le nom de Gonthier, un second employé, nommé Pierre, pour annoncer aux habitants les avis publics. 
Arrêtons-nous ici une seconde et expliquons que cette vieille expression flamande de clinqueur, francisée par la terminaison, a pour raison le mot « klinken », sonner, parce que l'appariteur échevinal, qui avait anciennement à faire des publications, les précédait de coups de sonnettes ou de clochettes, au son desquelles accouraient les curieux. Ceci expliqué, nous reprenons notre récit. Or, voici ce qui advint pour les deux clinqueurs dunkerquois en charge. 
Pierre, l'intrus, qui employait un tambour pour réunir son monde dans les carrefours, transmettait ses nouvelles en français ; mais l'ancien serviteur, le vénérable Gonthier, armé d'un marteau et du classique petit chaudron de cuivre, qui avait jadis remplacé la sonnette, avec un énorme avantage, le vénérable Gonthier parlait d'abord en français, puis redisait en flamand son annonce, pour l'intelligence de tous les auditeurs, comme il l'avait fait, en un mot, de temps ancien depuis son entrée en fonctions. Jusque-là, Gonthier rendait service à ses concitoyens ; mais, en cette année, M. de Kenny, maire de Dunkerque, qui ne connaissait pas un mot de flamand et qui, assurément, n'en appréciait pas l'utilité, intima l'ordre à son vieil agent municipal de transmettre au peuple, uniquement en français, ce qu'il était chargé d'annoncer dans la ville. Il arriva de là que l'on entendit longtemps prononcer cette interpellation, quand le crieur public avait parlé : « Wat zeyt die ventje », que dit cet homme ?

Sur le parler dunkerquois, cet article d'Emile BOUCHET (1848-1918) ICI

coll. personnelle


2 commentaires:

  1. Sylvie de Berg8 avril 2025 à 11:27

    Que c'est intéressant ! Merci beaucoup. Connaîtriez-vous un conte où ce métier soit mentionné ?

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    1. hélas non, il y a plusieurs mentions sur Gallica

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