vendredi 25 novembre 2016

Patrimoine minier à Oignies - l'héritage musical

Vendredi 2 décembre 2016 à 19h au bar du Métaphone®



La musique sera une nouvelle fois mise à l’honneur !
Après Fives et Hellemes, nous vous invitons à partager un verre et un moment d’échanges autour d’une pratique majeure dans le bassin minier et plus particulièrement à Oignies aujourd’hui : la musique.
Les intervenants de la rencontre, universitaires, musiciens, acteurs culturels locaux… vous présenterons leurs souvenirs et leurs connaissances sur l’importance de la musique sur ce territoire marqué par l’activité minière. La rencontre permettra également de présenter le projet global du site du 9-9-bis – Le Métaphone ® résolument orienté vers la pratique musicale actuelle.
Rendez-vous au bar du Métaphone® pour partager avec nous vos histoires et en découvrir d’avantage sur ce sujet.
La rencontre est organisée en partenariat avec le Pôle Patrimoine du 9-9Bis





vendredi 18 novembre 2016

Mise au point à propos de l’épinette Robert Rongier


Sur une page du site Mémoire du folk en Nord Pas de Calais, Jean-Jacques Révillion consacre un petit article à l’épinette fabriquée par Robert Rongier, celle que j’ai utilisée pour enregistrer l’album Spécial Instrumental ­– L’épinette des Vosges. Il écrit à la fin : « On peut donc en conclure que le disque qui fait référence pour le renouveau de l’épinette en France a été réalisé que ce soit pour l’iconographie que pour le contenu musical avec une épinette du Nord… ». J’apprécie l’humour, mais je ne partage pas cette opinion.

Jean-Jacques Révillion s’appuie sur le fait que l’épinette qui a servi de modèle à Robert Rongier est un modèle Coupleux à double caisse – ce qui est exact, mais nécessite une mise au point. Tout d’abord, à la date de parution de cet album (en 1972), la tradition de l’épinette du Nord est quasiment inconnue. Je sais qu’elle a existé par un témoignage écrit de la grand-mère de Bernadette Mona (lettre du 6 mars 1972 dont un extrait figure à la page 117 de L’Épinette du Nord, Association Traces, Centre socio éducatif, Hazebrouck, 1997), mais je n’ai pas connaissance de sa persistance ni des éléments de cette tradition. En 1971, j’achète à Alain Vian, marchand d’instruments anciens à Paris et expert agréé, une petite épinette munie d’une double caisse qu’il me présente comme une épinette des Vosges. À l’époque, je n’ai pas de raison de mettre en doute son avis – ceci d’autant plus qu’un instrument quasiment identique figure en photo page 13 dans l’ouvrage de Jean Ritchie, The Dulcimer Book. Là-aussi, l’instrument est qualifié d’épinette des Vosges. Aujourd’hui, nous savons grâce aux recherches des membres de l’association Traces que nous sommes en présence d’une erreur d’attribution : il s’agit bien d’un instrument originaire du Nord fabriqué par la maison Coupleux.

épinette Coupleux de la collection de Jean François Dutertre
photo Dominique Lemaire


Ces faits étant établis, il est nécessaire de revenir sur la genèse et la structure de l’épinette de Robert Rongier. Quand on l’observe attentivement, on remarque que, si la double caisse (le résonateur) est bien copiée sur l’épinette Coupleux, la caisse principale en diffère en de nombreux points. La forme de la tête n’est pas la même ; de plus elle est munie de mécaniques de banjo (à la place des mécaniques de mandoline utilisées par les épinettes des Vosges), et non de clés en fer. Elle possède cinq cordes comme la majorité des épinettes des Vosges. Le frettage reprend celui des Vosges, augmenté d’un demi-ton placé à un autre endroit que celui de l’épinette Coupleux. La double caisse de l’épinette Coupleux est plus longue que la caisse principale, ce qui n’est pas le cas de l’épinette Rongier. Enfin, la taille est radicalement différente : l’épinette Coupleux fait au total 65, 5 cm de long, l’épinette Rongier 83 cm.




épinette faite par Robert Rongier
photos Dominique Lemaire


La raison de toutes ces différences réside dans les consignes que j’avais données à Robert Rongier, notamment dans le fait que, pour la caisse principale, il devait prendre modèle sur les grandes épinettes de Gérardmer. J’avais été séduit par la forme élégante de la double caisse de l’épinette Coupleux, et surtout cela me permettait de résoudre le problème délicat de l’équilibre de l’instrument. Avec l’ajout de la double caisse, plus besoin de support, il devenait possible de jouer sur les genoux comme le dulcimer. Mais je lui avais demandé de réaliser l’instrument en agrandissant aux alentours des 7/5 l’épinette Coupleux. Là-aussi, la raison est musicale. Les petites épinettes sont, la plupart du temps, accordées avec les chanterelles donnant un sol à vide, les bourdons majoritairement accordés sol-mi-do. Les mélodies sont donc jouées en tonalité de do majeur. Cette tonalité n’était pas pratique pour le mariage avec d’autres instruments (joués dans le style « folk » de l’époque) ou la voix. Dès le début des premières reconstructions d’épinettes des Vosges dans le « mouvement folk, » nous avions choisi les grands modèles type Gérardmer permettant un accord dans la tonalité passe-partout de sol majeur, augmentée de tous les accords modaux inspirés de ceux du dulcimer. Pour finir, j’avais aussi demandé à Robert Rongier de munir l’épinette d’un large frettage permettant de dédoubler les chanterelles pour réaliser des accords et jouer en arpèges.

Robert Rongier

Pour toutes les raisons que je viens d’énumérer, ma position est de considérer que l’épinette conçue sur ma demande et mes instructions par Robert Rongier est un hybride entre la tradition du Nord et celle des Hautes-Vosges. Ce nouveau modèle connut un succès immédiat. Robert Rongier reçut des commandes de nombreux musiciens et groupes parmi les plus connus à l’époque, comme La Bamboche, Malicorne, Le Grand Rouge, Dominique Maroutian, Emmanuelle Parrenin…

D’autres luthiers reprirent le modèle. Parmi ces derniers Pierre Kerhervé, à qui Michel Colleu demanda une touche chromatique, à la place de l’habituelle touche diatonique, selon le modèle du citera hongrois (une touche diatonique avec au-dessus une touche avec seulement les demi-tons chromatiques). Mais il se trompa en poursuivant les tons diatoniques dans la touche chromatique. Il obtint ainsi un modèle inédit de frettage dont les joueurs exploitèrent aussitôt les nouvelles possibilités qu’il offrait. Finalement un nouveau modèle d’épinette chromatique à double caisse s’est imposé parmi de nombreux luthiers et joueurs (aussi bien des Vosges que du Nord ou de Belgique, par exemple), reprenant les innovations de Robert Rongier et celle de Pierre Kerhervé. C’est ce modèle qu’un luthier comme Christophe Toussaint a nommé « épinette artésienne ». On comprend après avoir lu ce que je viens d’écrire que je ne suis pas d’accord avec cette appellation. Ceci d’autant plus que le dépouillement de l’enquête menée en 1957 par les ATP, enfin rendues possibles, croisé avec ma propre enquête, permet de mettre en lumière l’existence d’une tradition d’épinette chromatique aux alentours de Gérardmer…




épinette chromatique faite par Rémi Dubois
photo Jean François Dutertre, pour son prochain album…