mardi 26 mars 2019

Katrien Delavier

mise à jour du 26 mars 2019 : ajout d'une vidéo
mise à jour du 20 juin 2016 : nouveau lien pour le fichier qui avait disparu



Katrien Delavier et Violaine Mayor
photo Christian Lebon

C’est un entretien avec Katrien Delavier que j’ai enregistré en 1990 au cours d’un stage qu’elle donnait avec Violaine Mayor et Juliette Collache au C.S.E. à Hazebrouck en vue d’un article pour Trad Magazine.
Elle y détaille sa pédagogie, ses idées sur la pratique de la musique traditionnelle et aussi l’origine de sa passion pour la harpe dite celtique. Elle aborde également ses projets, ses recherches sur le répertoire ancien de harpe irlandaise.

le fichier est de nouveau disponible ici

d'autres pages sur Katrien Delavier ici

un enregistrement inédit d'un solo de Katrien en répétition vers 1995 : Banish Misfortune jig




vendredi 15 mars 2019

Fête de Radio Uylenspiegel en 1988


photo : Christian Lebon


Une partie du concert du 10e anniversaire de la radio à Bollezeele en octobre 1988.

01 - L'oiseau migrateur (paroles et musique Jacques Yvart)
02 - Nous sommes en Flandre (paroles et musique Jacques Yvart)
03 - Anne Marie
04 - Den hoven
05 - Chanson de la côte (L'officier de Marine) (paroles Charles Cros, musique Jacques Yvart)
06 - Branle gay / Jan mynen man / Cuvée 83 (trad / trad / Christian Declerck)
07 - Fermoy lasses / Lady on the Island / Drowsy Maggie Reels
08 - Land en zeeman
09 - Hoe vrolyk is 't op zee te waeren
10 - Daer was e kee e meisje loos
11 - Matelotte de Vandembrille
12 - Reys naer Island
13 - Zeemansleven
14 - Pot pourri de chansons flamandes
15 - Matelotte de Dupont

télécharger ICI

Gérald, Jacques, Klerktje, Joël, Catherine et Christian
en concert en 1994

Christian Declerck : violon
Raymond Declerck, dit Klerktje : harmonica, chant
Catherine Delavier : flûte traversière, cornemuse
Joël Devos : clarinette, guitare, chant
Gérald Ryckeboer : cornemuses, bouzouki, chant
Jacques Yvart : guitare, percussion, chant



un extrait : Nous sommes en flandre





Jacques Yvart et Klerktje






samedi 9 mars 2019

Roubaix qui danse

Dominique, Philémon et Cie 

chromolithographie : Manicour (A. Desrousseaux)
Collection personnelle
Ce n'est pas dans les salons aristocratiques du Cercle du Commerce, ni dans ceux des splendides hôtels du boulevard de Paris que j'ai l'intention de conduire mes bienveillants lecteurs ; j'estime que l'étiquette qui règne dans ces réunions ne fournirait à ma chronique qu'un médiocre élément d'intérêt. Chez Dominique, où je vais vous faire entrer, on se bouscule un peu, on gambade sans souci de chiffonner son plastron, et, plus souvent peut-être que de raison, on embrasse sa danseuse, qui, d'ailleurs, ne s'en plaint pas. 
La clôture des bals d'hiver m'a inspiré l’idée d'une causerie sur la danse à Roubaix, et je vous la donne. Est-ce bien ou plutôt est-ce encore la grisette chère au cœur de Paul de Kock, qu’on rencontre chez Dominique, et en sommes-nous toujours au temps où une robe de laine de 3 fr. 50 était considérée comme un cadeau princier, à l'époque où, à la suite d'un frugal souper, on s'en allait, bras dessus bras dessous, à la ducasse du Noir-Bonnet ou à toute autre, pour revenir bien éreinté, « mais le cœur à l’aise », après avoir bravement dansé aux accords dissonants d'un piston criard et d'une clarinette en fausset ? Mon Dieu, à présent, la robe est encore acceptée, et avec reconnaissance, n'en doutez pas, et on va bien encore au Noir-Bonnet ; mais la pimpante piqûrière, la grisette des Roubaisiens, est quelque peu devenue la femme « paroistre », comme disait le vieux Montaigne, et les jeunes gens d'aujourd'hui veulent avoir au bras une femme qui les flatte. Ce sont eux qui changent les allures des grisettes naïves du temps jadis.
Il y a deux ans, je vous signalais déjà cette métamorphose. Ont-il tort les jeunes gens je n'en sais rien; ils ne sont peut-être ni meilleurs ni pires que leurs devanciers, ils sont autres, voilà tout, et s'ils me suggèrent des réflexions quelque peu amères, c'est sans doute que ma montre retarde un peu sur la leur : ainsi va le monde.
L'histoire de la danse n'est pas dans mon cadre, vous le comprendrez ; et s'il y a, comme on le prétend, près de dix siècles qu'on saute en France au son de la musique, je serais fort embarrassé de rechercher dans les archives de ma ville natale, si mes aïeux dansaient le menuet, la tarentelle ou tout autre pas. Je veux tout bonnement vous donner une simple idée de ce que sont, à Roubaix, les bals où l'on s'amuse. 
Je glisse rapidement sur les bals des sociétés ; celui du Dauphin est un des plus fêtés, et on sait que le Dauphin remplace l'ancien cabaret des Trois-Tulipes, où l'on dansait beaucoup aussi, à l'heure où Beaurepaire, votre serviteur, était encore pour de beaux jours dans les choux rouges ; le bal du Palais, au Pile, où se réunissaient surtout les fermiers, il y a un demi-siècle ; le bal du Galon-d'Eau, très couru encore il y a vingt ans, et d'autres et d’autres…
Je n'apprendrai rien aux Roubaisiens en leur rappelant les fameux bals à sabots qui se donnaient dans la grande salle des Arts, à l'angle des rues des Arts et des Fleurs : sabots mignons, festonnés, guillochés, sabots enrubannés, de toutes nuances et de toutes tailles, depuis les sabots-bottes des teinturiers jusqu’à la légère feuille de bois coquettement tournée et découvrant une fine cheville et un joli bas de jambe. Le drôle de clic-clac que sonnait cette orgie de sabots dansant un pittoresque quadrille ! Inutile d'ajouter qu'il y avait des Médailles et des bouquets pour les sabots qu’un jury compétent — jury de sabotiers ou jury de danseurs ? — jugeait les plus ornés, les plus artistiques ou les plus originaux. Cette coutume est à peu près tombée en désuétude.


Collection personnelle
La valse flamande, au rythme grave et cadencé, est encore en honneur dans certains rares estaminets, le dimanche soir : les danseurs se meuvent lentement, mais avec une régularité automatique, les mains sur les épaules de leurs, danseuses. L’accompagnement orchestral se compose, ici, d'un piano, là, et c’est plus souvent le cas, d'un accordéon aux miaulements langoureusement plaintifs, tandis que les pas des couples glissent en cadence sur le parquet enduit de sable. Les vieux, qui font galerie, sucent gravement le saucisson noir de Gand ou l'odorant stockfisch.

Vous souvenez-vous de l'Alcazar, ce grand bâtiment si triste qui se voit encore à l’angle des rues de Lannoy et des Longues-Haies ? Il y a vingt ans, la danse y valait un sou, et les Flamands formaient le principal contingent du bal. Je vous parlerai aussi pour mémoire du Carillon de Dunkerque, qui était la concurrence, inférieure d'ailleurs, de l’Alcazar. Malheureux Alcazar, il en a vu de toutes les couleurs. Il a servi de salle de réunions, de café-concert, de salle de danse, et voilà qu'on vient de lui donner une affectation moins frivole : il abrite des chers frères. Quantum mutatus !
Où l'on dansait encore ? Mais partout, mes bons amis : On dansait au Pré-Catelan, bals souscrits à 2 fr. 50 par couple, bière à volonté au Chinois ; à la Ville-de-Bradford, bals gratuits au piano ; au Blanc-Four, rue de Lannoy ; au Calvaire, bal Delerue, actuellement Lepoutre ; à l'Empereur, rue de la Lys ; aux Armes-de-Gand, rue de Lannoy ; au Cœur-Joyeux, le jour de « l'ducasse à pourcheaux » alors que le Trichon était encore peu ou point bâti ; à l'Alouette; à l'Estaminet-Lillois, mais cette énumération me mènerait loin…
Vous parlerai-je des Champs-Elysées, et des nombreux autres bals qui se donnent un peu partout ? Non, car je n'en finirais plus. Je mentionnerai pourtant les bals socialistes de la rue Vallon, et ceux du Bas-Rouge, où nos terribles anarchistes oublient pour quelques heures leurs fougueuses doctrines, pour accorder l'accolade fraternelle aux citoyennes, lesquelles ne sont mie coiffées du bonnet phrygien, comme vous pourriez vous le figurer. Encore vous citerai-je, au hasard des souvenirs, Ma Campagne, la Ducquenie, le Veau-d'Or, dont l'ancienne gloire — dérisoire, si vous voulez parler comme dans Faust — a été il y a deux ans la proie des démolisseurs, mais qui est rebâti — le Veau-d'Or est toujours debout ! — et d'autres encore, par boisseaux ! Qui donc a dit qu'on ne s'amuse pas à Roubaix ?...
On y danse encore sur l'herbette, mais les villages des environs auront bientôt le monopole de ces amusements, qui ont leur saveur spéciale. Que n'a-t-on dit et écrit des bals champêtres ? Le sujet n'a-t-il pas été le thème de tous les rimeurs ? Les mirlitons sont pleins d'herbette, de coudrette, de fillette, de frais gazons, de clairs ruisseaux et d'épais bocages.
Mais il y a chez nous un nom dans lequel est pour ainsi dire incarné l'art chorégraphique. Le non de Dominique Rousseau évoque la mémoire des Roubaisiens un souvenir, d'ailleurs assez récent, que le temps n'est pas près d'effacer. Ce brave père Dominique, il me semble le voir encore, à la Sainte-Union, à la Sagesse, au Collège, avec son petit crin-crin, tout petit  comme lui, — nous morigénant, faisant son cours en conscience, nous donnant, de son archet, de petits coups secs sur les jarrets, qu'obstinément nous tenions raides, tandis qu'il les fallait plier un tantinet ; mais allez demander d'être gracieux aux gavroches de dix à douze ans, que nous étions. Nous ne cherchions qu'à fourrer des souris crevées dans sa boite à violon, et alors ce qu'il était furieux, le bon père Dominique ! Cet âge est sans pitié, le fabuliste avait raison.


Collection personnelle
Très estimé à Roubaix, reçu comme professeur da danse et de maintien dans toutes les grandes familles, Dominique Rousseau dansa la polka sur la scène du Grand-Théâtre de Lille, en 1848. avec un Lillois du nom de Dervaux. On en parla beaucoup, car c'était la première fois que cette danse — importée de Pologne en France trois ans auparavant seulement  était exécutée dans notre  région. Ce fut une révélation. On sait la vogue qu'obtint depuis lors la polka : ceux-là même qui sont les plus réfractaires à l'art chorégraphique, connaissent au moins les deux temps qui la caractérisent, et savent la danser. C’est l'alpha de l'art. Il y a trente ans, il ouvrit sa grande salle de danse de la rue de l'Alouette. Déjà dans plusieurs correspondances j'ai tâché de vous donner une idée des bals Dominique, et je ne suis pas encore en âge de radoter. Une concurrence lui vient en ce moment : les bals Philémon, rue Pierre-Motte, qui font salle comble tous les dimanches. Mais est-ce bien une concurrence ? Non, car il y a bien assez de danseurs à Roubaix et un bal de plus ou de moins n’est pas fait pour compromettre le succès des autres. Donc, Dominique for ever.
Les professeurs de danse les plus connus des Roubaisiens sont morts : Dominique Rousseau, depuis quinze ans, Clarisse, bien auparavant encore ; Wueghs, un Lillois ; J. B. Catteau, et quelques autres, tous sont morts. Il n'y a plus de professeur de danse connu à Roubaix, mais l'œuvre des Dominique et autres n’est pas près de tomber, et les mollets des jeunes filles frétilleront toujours à l'évocation magique d'une sauterie sans façon.

BEAUREPAIRE.

source: Le Grand Écho du Nord et du Pas de Calais, 29 mai 1891 (Gallica)

*****

Dominique ROUSSEAUX est né à Lille en 1804, il est le fils de Dominique, fripier, originaire de Willems (59) et Rosalie ROUSSELLE née à Ascq (59). Il épouse Catherine COGET à Roubaix en 1876, elle a 23 ans, née à Orchies, elle est repasseuse. Dominique, artiste chorégraphe, meurt en 1876, son épouse continuera de gérer la salle qui sert à toutes sortes de manifestations : bals, réunions politiques, combats de coq, etc. Cette salle devient après guerre un magasin de meubles, Au Bon Génie.




mardi 5 mars 2019

La naissance du P'tit Quinquin


Voulez-vous savoir comment naquit le P'tit Quinquin ? En 1853, Desrousseaux habitait avec sa mère dans la cour dont le nom scandalise aujourd'hui quelques raffinés, la cour Jeannette-à-Vaques. Sa proche voisine était une dentellière. Un soir, afin de terminer son travail, elle couche son enfant de bonne heure. Mais le petit bébé s'éveille, pleure et crie. La maman le prend sur ses genoux, lui promet des jouets, des friandises. Vains efforts et vaines promesses ! Et la nuit passe, le jour va venir. La pauvre femme ne pourra terminer la pièce attendue. Elle a une idée : elle menace son petit garçon du fouet de Saint Nicolas. Il a peur, cette fois, il se tait et s'endort… Et, pendant ce temps là, Desrousseaux est à sa fenêtre ; il écoute, il prend peut-être des notes. A coup sûr, il ne perd pas un mot de ce que dit la maman. Et, le lendemain, cette scène nocturne deviendra une ravissante berceuse. A. Desrousseaux a écrit, sous la dictée d'une femme du peuple, ces couplets de tendresse et de mélancolie exquises. […]

la cour Jeannette à Vaches
l'entrée est face à l'église Siant-Sauveur


Alexandre DESROUSSEAUX

[…] Son père, qui fut jadis un soldat de la République, se repose du maniement des armes avec l'archet des violoneux. Le brave homme est pauvre ; il doit mettre son jeune fils à l'apprentissage. Le premier patron est un tisserand, mais un tisserand qui ressemble au savetier de La Fontaine : il est fou de chansons, il en achète à tous les ménestrels de la rue. Parfois, on n'a que les paroles, la musique manque, et c'est le petit apprenti qui est chargé de l'improviser. Le second patron est tailleur en chambre, mais il fut jadis souffleur dans un théâtre. Accroupi sur la table, comme un pacha turc, il fredonne des airs d'opéra ou un couplet de Béranger. Et l'enfant écoute, répète ou va au refrain. Il grandit ainsi, l'oreille ouverte aux phrases musicales, aux roulades naïves du foyer et de l'atelier. A quinze ans, il savait tout juste lire et écrire ; mais la gamme n'avait plus de secrets pour lui.


De l'atelier, A. Desrousseaux ne fait qu'un pas dans la rue sonore et rieuse, qui restera son vrai domaine. En 1838, au carnaval de Lille, une voiture découverte roule sur les boulevards de Lille. Un groupe de compères costumés y chante à pleine tête des refrains nouveaux, écrits dans le patois local, accompagnées de mélodies simples, si bien appropriées à la langue qu'on se figure les savoirs de toujours. Un jeune homme, debout, bat la mesure et offre aux passants les feuilles imprimées. Le maître du chœur est A. Desrousseaux ; ces chansons sont sa première œuvre. Le poète est né et il se révèle, ce jour-là, tel qu'il sera toujours : le trouvère des fêtes populaires, un barde de plein air et de franche gaité, puisant à même la foule, sa langue, ses airs, ses sujets, et recueillant en retour cet enthousiasme mêlé d'affection dont nous portons mal le deuil sous nos froides ironies.
Le talent de Desrousseaux fut de rester fidèle à ses origines. Il était de Lille, il resta Lillois ; il était du peuple, il resta peuple. Il ne lui vint pas à l'idée qu'il pouvait apprendre la langue des académies et la prosodie des cénacles, qu'il devait abdiquer ses originalités primitives pour courir les risques d'une popularité banale, universelle. Son horizon était limité, il n'essaya point de le franchir ; son idiome n'était que la langue d'une ville, d'un quartier, il n'en voulut point d'autre, et, cinquante années durant, il mit sur les lèvres de ses concitoyens une chanson savoureuse qui peut-être ne se taira jamais. […]

le 18 septembre 1909

extrait de Ceux de chez nous, Constantin Lecigne (1864-1915)

Alexandre Desrousseaux a écrit une chanson sur l'histoire de son violon


En 1927, la chorale Desrousseaux interprète le P'tit Quinquin
pour Gaston Doumergue et Roger Salengro
devant l'église Saint Sauveur
collection personnelle