jeudi 18 février 2016

Marie Grauette – Musique et Chants Traditionnels d'Artois – 1978

mise à jour 18 février 2016







Gaby Delasus : « Nous avions à peine 18 ans quand Roland, Alain et moi nous chantions, à Lillers en nous baladant, les grands standards du folk américain que nous avait révélés Mimi, la sœur de Roland et Alain avec les 33t de Pete Seeger et des Weavers ; seul Roland Delassus jouait d'un instrument (guitare).
En 1967 je fais une rencontre décisive pendant mon service militaire, Alain Breitenbach, dont la voix, le jeu de guitare et le répertoire me stupéfient littéralement dès la première écoute dans la piaule (blues noir américain de Big Bill Broonzy, Sonny Terry, Brownie McGee, Jesse Fuller, etc...) Bob Dylan, L.Cohen, Phil Ochs, Tom Paxton, et la vague anglaise, Bert Jansch, John Renbourn, etc... Je contracte une superbe maladie : la furieuse envie d'apprendre ; il me donne mes premiers rudiments d'accord et m'apprend à chanter en jouant ; nous ferons d'ailleurs un bon bout de route ensemble sur les routes d'Europe à faire la manche avec guitares, sacs à dos, ami(e)s de passage, et vivre de petits boulots et faire de superbes rencontres (en ce qui me concerne mes pérégrinations dureront près de 2 ans).
A mon retour de ces voyages sur les routes, Roland me trouve l'opportunité d'un emploi sur la côte d'azur ; je vais y rester six ans puis aller vivre un an en Irlande en 1975 où je me passionne pour le violon ; à mon retour à Lillers fin 75, je retrouve mes ami(e)s lillérois, nous passons des soirées merveilleuses où ils apprécient (je pense) ma reconversion vers la musique et la chanson traditionnelles françaises, virus contracté à Cannes grâce aux rencontres avec les gars du Folk-Club du Pont-Vieux à Nice (Patrick Vaillant, Doc et Phil, et d'autres) et à la MJC de Cannes où je suis employé et où je crée le Folk-Club de la MJC (nous accueillons le studio mobile d'enregistrement de "Chant du Monde" pour l'enregistrement dans notre MJC du PREMIER 33t consacré au folk français "Gabriel Valse", dans lequel je fais, avec d'autres, les réponses dans les chants collectifs.

Alors dans ces retrouvailles à Lillers, jaillit l'idée généreuse des 4 couples (je suis le seul célibataire à l'époque) Roland et Marcelle, Alain et Gilberte (tous des Delassus), Robert et Claude Henneton, Jean-Yves et Edith Vincent, pourquoi ne pas créer des ateliers au Local-Club du Brûle à Lillers et apprendre quelques instruments ; c'est ainsi que je diffuse ce que je peux apprendre et donner à mes amis : des chansons, des musiques, des notions de jeu sur le dulcimer et la guitare, tout va aller très vite étant donné le fort degré d'investissement et le progrès rapide de chacun. Très rapidement le groupe Marie-Grauette se forme et va commencer à se produire ; un an plus tard nous sommes sollicités pour réaliser un 33t pour lequel nous acceptons le total bénévolat contre la fourniture d’une dizaine de disque et quelques centaines de cassettes audio que nous distribuons dans les écoles de 25 communes rurales du Bas-Pays.
Le disque a été édité en 500 ou 1000 exemplaires (pas sûr), non vendu dans le commerce, la Délégation au Tourisme l'offrait en cadeau à ses partenaires lors de congrès, salons, séminaires en France et pays avoisinants. Voilà un peu notre histoire, ce groupe a précédé la création de Chantefoire
»

Merci à Gaby de m'avoir fournit cet enregistrement rare, ainsi que d'autres de Chantefoire, plus rares encore, qui suivront.

01-Les tondeurs*
02-La fête d'Arras
03-Tiens, tiens, tiens
04-Oh ma mère
05-A Graincourt
06-Lève toi donc belle
07-Hier su'l minuit
08-Noël
09-En revenant de la Lorraine
10-Marion
11-La fillette au moulin
12-Un grand marchand d'oignons
13-Tros belles paires ed' marrones
14-Berlibinbin


Claude Henneton : épinette, dulcimer
Gilberte Delassus : épinette, dulcimer
Marcelle Delassus : épinette, dulcimer
Edith Vincent : flûte à bec, cromorne
Alain Delassus : contrebasse, flûte à bec, cornemuse
Jean-Yves Vincent : accordéon chromatique
Robert Henneton : percussions
Gaby Delassus : violon, cistre, cabrette
Roland Delassus : accordéon diatonique, vielle à roue
Patrick Delaval : illustrations de la plaquette

Enregistré en 1978 à l'École Normale d'Arras à la demande de la Délégation Régionale au Tourisme Nord-Pas-de-Calais
Preneur de son : Gérard Delassus (premier preneur de son au château d’Herouville de Michel Magne)



Téléchargez ici fichier actualisé
348 téléchargements au 1/6/1013
pour les premiers qui ont téléchargé les fichiers manquants sont ici



Les Tondeurs

*une étude sur l'origine et le contexte de cette chanson sur le site de Coeremieu

*******

Merci encore à Gaby pour ces deux documents







lundi 1 février 2016

Jehan Lanvin, musicien de bal en Artois

à Teneur (Pas de Calais)


photo Chantefoire

Article rédigé par Gaby Delassus en décembre 1982, après quelques enquêtes réalisées avec Patrick Delaval, et qui parut d’abord dans la revue créée par Roland Delassus « Le Tambourineur », qui préfigura la naissance de la revue « Trad Magazine ». Tous trois étaient musiciens et membres du « Collectif d’Expression Musicale CHANTEFOIRE ».


C’est pendant l’hiver 1981, au cours d’une enquête consacrée aux « traces d’existence d’une cornemuse régionale en Artois » (recherches d’écrits et de témoignages que nous effectuons Patrick Delaval et moi-même depuis près de deux ans, et dont nous vous rendrons compte un de ces jours ; rassurez-vous, et pour couper court à tout bruit « erronément optimiste », nous n’avons toujours pas retrouvé de bouts de tuyau pouvant être assimilés à la cornemuse).

Alors voilà, un soir au cours d’une visite chez un historien local, nous apprenons l’existence de Monsieur Jehan Lanvin, joueur d’accordéon diatonique. Monsieur Lanvin est né en 1906, il est célibataire et vit avec sa sœur, madame Yvonne Ducrocq.

Il a appris à jouer avec son père (qui jouait également l’accordéon diatonique). Mais aucun d’eux ne connaissait la musique. Jehan le fils, pour sa part, a beaucoup appris à la porte même des bals ; il écoutait puis, rentré chez lui, s’essayait à reproduire, « d’tête », les airs entendus, sur son premier accordéon hérité en 1917 (il a alors 11 ans) de son oncle, qui jouait en duo avec son frère (le père de Jehan).

Un peu plus tard, il achètera pour 150 F un autre accordéon, à Montreuil sur Mer. Puis ce sera l’acquisition en 1934 d’un accordéon « Maugein », de Tulle, reçu par la poste, avec en cadeau la partition de « La chanson des chômeurs » (déjà ?).

Les occasions de jouer étaient surtout les fêtes locales ou des environs (Anvin, Heuchin, etc…) ; mais de temps à autre, Monsieur Lanvin et la famille allait jouer sur les hauteurs, à la sortie du village, pour le plaisir, quand il faisait bon.

« Au carnaval j’ai fait un mariage là, on était à 25 pis on est arrivé à Anvin, j’ai joué la polka-marche et pis j’étais en tête et l’bal était plein, quand qu’i nous ont vu arriver, y a pu personne qui a dansé, on a fait l’tour du bal, on étot 25 à l’queue leu leu hein, et pis là alors ej’ jouais l’scottiche ».

Parmi les airs qu’on peut dater d’entre les deux guerres, et qui étaient très répandus de son « jeune temps » (« Le trompette en bois », « Le 14 juillet à Paris », la chanson « à Bourvil », « La Mère Angot », « Les fraises et les framboises », « Passes la main, tire mon machin », etc…) on trouve également dans le répertoire de Monsieur Lanvin des airs plus anciens qui, d’après lui, remontent au moins à la fin du siècle dernier, car son père les jouait avant lui (polkas, mazurkas, scottiches, le quadrille) et même quelques compositions de lui ou de son père (la valse polonaise, polkas, mazurkas, etc…).

Depuis un an, nous sommes retournés de nombreuses fois rendre visite à nos amis. Patrick a « réajusté » l’accord du Maugein, à la demande de Monsieur Lanvin, en respectant « l’ancien ton » de l’instrument ; nous lui avons fourni des copies des enregistrements ; nous avons dégusté la compote de pommes maison, apprécié « l’tabac d’planteur » et le jambon d’pays.

Samedi 11 décembre 1982, dans le cadre de la réunion à propos du collectage dans le Nord/Pas de calais à Hazebrouck, nous aurons l’occasion de vous présenter Jehan Lanvin dans un documentaire que nous avons réalisé avec l’aide du Syndicat Mixte d’Aménagement du Bas-Pays, de la Direction Départementale du Temps Libre et du Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Pas de Calais.

Un peu plus tard, début 1983, une plaquette comportant des commentaires, et des partitions du répertoire de Monsieur Lanvin sera disponible. Ce qui nous semble le plus important dans tout cela, ce n’est pas seulement que des groupes vont pouvoir, s’ils le désirent, faire revivre ces morceaux en les rejouant dans les bals, mais c’est aussi le fait que Monsieur Lanvin se soit remis à jouer régulièrement.

Sa sœur et lui se sont acheté un petit magnétophone et depuis notre dernière visite, Monsieur Lanvin nous a enregistré 5 cassettes d’airs qu’il s’est remémoré. De bons rendez-vous encore en perspective. On vous tiendra au courant, bien entendu.


Gaby Delassus, Patrick Delaval
musiciens et membres
du Collectif d’Expression Musicale Chantefoire





*******

Jehan Charlemagne Lanvin est né à Teneur le 24 janvier 1906, fils de Félix Lucien (1873-1941) et Jeanne Portemont (1880-1941). Au décès de son oncle François, en 1917, il hérite de son l'accordéon. Jehan décède en 1992, comme l'indique sa tombe qui est au cimetière de Teneur, sa sœur Yvonne est décédée à Campagne les Hesdin le 24 janvier 1998, veuve depuis 1980 d'Alfred Charlemagne Ducrocq.
En complément :
- Un enregistrement de J. Lanvin publié par Traces ici
- Une mazurka jouée par J. Lanvin, interprétée par le groupe Chantefoire ici
- Un article publié dans la revue Tutti ici

Christian Declerck
merci à Alain Basset pour ces données généalogiques