jeudi 12 juillet 2018

Les militaires épinettistes

La pratique de l'épinette par des militaires nous est connue par quelques photos et cartes postales découvertes par des collectionneurs spécialisés. Mais il est rarement possible d'identifier le musicien. Voici deux personnages dont on a pu établir le parcours et cerner la période de possession d'une épinette : le premier vers 1906, le second vers 1922.



Charles César Auguste ROGIE
L'instrument, découvert récemment, a fait l'objet d'un article spécifique, il était vendu avec un petit carnet aide mémoire qui a permis l'identification de son propriétaire, Charles Rogie, dont la petite fille a formellement identifié l'écriture.
Fils d'Auguste Jules César, né à Wattignies en 1849, charron de son état, ses descendants possèdent une superbe photo de son atelier, Charles épouse, en 1871, Marie Sophie GRAVELIN, puis en 1876, sa sœur Pauline Sophie GRAVELIN, cultivatrice, née au même village en 1853. Ses deux épouses lui donneront onze enfants, dont notre épinettiste, qui naît en 1882.
Charles fait son service militaire au 14e régiment de dragons, à Sedan, où il arrive le 15 décembre 1903 et devient cavalier de 2e classe le même jour. Sa fiche matricule nous indique qu'il est "renvoyé dans la diponibilité" le 18 septembre 1906. La mention "51 jours et la fuite" écrite sur son carnet de musique, permet donc de préciser qu'il l'a écrite le dimanche 29 juillet 1906, on ne peut être plus précis pour dater un document. Mobilisé en 1914, il rejoint le 1er régiment d'artillerie de campagne à Douai. En 1921, il épouse Georgette CREPEL née en 1891 à Saint Laurent Blangy, près d'Arras, ils auront trois enfants : Auguste, Suzanne et Pauline. Sur sa fiche il est aussi mentionné qu'en 1925 il est menuisier en voitures. Après quelques années de carrière militaire dans divers régiments, Charles décède à Wattignies le 19 mai 1965. Dans la famille, s'il reste le souvenir d'un grand-père jouant d'une espèce de mandoline, sa petite fille ne se souvient pas de cette épinette.


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collection personnelle


Henri ANCEL
Le caporal du 65e TM, Henri Ancel, a dédicacé cette carte postale/photo à sa sœur. Le seul caporal (deux galons) présent sur la photo est celui qui tient fièrement son épinette. Mais il n'y a ni date, ni lieu mentionnés. Une recherche généalogique m'a permis d'identifier ce caporal de tirailleurs marocains.
Henri Ancel est né à Roubaix en 1901, son père, Auguste, est né en 1883 à La Croix aux Mines, dans les Vosges, il n'y a probablement aucun lien avec l'épinette du même nom, car ses grands-parents sont Alsaciens (d'Elsenhein et Maisongoutte). En 1903, Auguste épouse une Roubaisienne, Joséphine DESMARCHELIER et il reconnait deux enfants nés auparavant : Henri, et Germaine née à Hénin Liétard où ils résidaient. Là aussi la fiche matricule permet de dater cette photo. Henri est incorporé au 1er régiment de zouaves le 1er avril 1921, il est nommé caporal le 20 octobre et il passe au 65e régiment de tirailleurs marocains le 24 octobre 1921. Le 2 novembre 1922 il passe au 43e régiment. Il est libéré le 1er avril 1923, il se retire à Roubaix, rue d'Alger et devient conducteur de tramway. Après divers déménagements à Croix, puis à Roubaix où il est domicilié 1 bis rue de l'Espierre en 1955. Il décède en 1963, il est alors domicilié au 53 de cette rue.

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Hubert Boone, dans son ouvrage fondamental L'épinette aux Pays-Bas, paru en 1976, mentionne la pratique de l'épinette pendant la guerre 1914-1918 aux pages 44 et 154. A la page 140, il cite un fabricant d'épinette, domicilié à Lambrechts-Woluwe, qui appelait son instrument "violon de tranchée", alors qu'il était gardien d'un camp de prisonniers allemands, à Bray-Dunes en Flandre Française. Mais il ne donne ni son nom, ni les conditions de son jeu.


dessin Patrick Delaval


Par chez nous l'association Traces a publié ce plan d'une épinette conservée dans une collection privée. Si elle garde le souvenir d'un usage à la fin (?) de la grande guerre, elle garde également le mystère sur l'identité de son propriétaire.

J'ajoute ces deux photos de militaires joueurs d'épinette non identifiés, qui le seront peut-être un jour grâce à cette page, mes remerciements à Jean-Jacques et Claude.


dans la chambrée
© coll. Jean-Jacques Révillion


dans un camp de prisonniers, 1914-1918
© coll. Claude Ribouillault


Christian Declerck
12 juillet 2018


mardi 3 juillet 2018

Joseph Pouille, luthier lillois

Joseph Pouille est mentionné par Laurent Grillet, dans les Ancêtres du violon et du violoncelle, et par  René Vannes, auteur du Dictionnaire universel des luthiers, qui reprend les infos de Grillet en ajoutant une étiquette.


source : René Vannes, Dictionnaire universel des luthiers

C'est la notice de la mandoline, donnée par Joseph Pouille au Musée Industriel de Lille et publiée dans le catalogue de l'exposition La collection Hel, qui m'a permis d'identifier ce luthier lillois. L'instrument porte l'étiquette "Fait par Pouille / ancien luthier à Lille / dans sa 80e année / mars 1890".

source : Catalogue de l'exposition Hel, Lille, 1989


Denis Alfrède Joseph POUILLE est né à Lille, rue des Roblets, le 27 septembre 1810. Son père Joseph Marie est maître menuisier, il est né en 1777 et sa mère Adélaïde Dugardin en 1770, tous les deux à Lille. Il a deux frères également menuisiers, Louis Joseph né en 1803 et Henri Lucien Carlos Joseph, né en 1807.

les signatures au bas de l'acte de mariage en 1839
source : Achives départementales du Nord


Joseph Pouille épouse Marie Joseph Sauvage à Lille le 30 juillet 1839, il déclare la profession de menuisier. A ma connaissance, le couple n'a pas eu d'enfants. Marie Sauvage décède à Lille en 1887, le couple demeure rue Voltaire, et Joseph meurt en 1892 rue Saint André. La domiciliation rue Basse à Lille en 1878 n'a pas pu être confirmée.

Le musée de l'Hospice Comtesse possède un violon fait par Joseph Pouille en 1889 :

source : Musée de l'Hospice Comtesse (Europeana)

Ce violon est attribué au Musée Industriel dans le catalogue de l'exposition Hel, avec une inversion des photos entre les pages 43 et 47.

Le nom de Joseph Pouille apparaît également comme réparateur de deux instruments de la collection Hel :
- une basse de viole, réparée en 1844
- un archicistre, réparé en 1874

J'ajoute ce violon daté de 1862, appartenant à collectionneur particulier.




Christian Declerck