collection personnelle
Pendant le carnaval, dans les rues et les bals, sont chantées une
série de chansons, dans un ordre précis, ou du moins qui l’était jusqu’aux
années 1990.
Cette suite de chansons n’est pas née du hasard, sa source est liée
à une danse de salon oubliée, le quadrille français. C’est une partition de
Henri Girard qui m’a donné le déclic pour faire le lien entre le pot pourri du
XXe et le quadrille du XIXe, elle a
pour titre Le carnaval Dunkerquois,
quadrille sur des airs populaires. télécharger la partition
Henri Girard, né à Dunkerque en 1849, est d’abord cordonnier, puis
il devient professeur de trombone. Après
être chef de musique de la fanfare communale de Saint Pol sur Mer vers 1880, il
devient chef de la fanfare de Rosendael en 1884. En 1890 il est nommé sous-chef
de la musique communale de Dunkerque. En 1897, ou peu avant il écrit un
quadrille composé de la juxtaposition de plusieurs airs populaires, dont le
titre laisse supposer qu’il les a extraits des chansons du carnaval. C’est une
pratique qui remonte aux origines du quadrille. Il n’était qu’une suite de
figures de contredanse qui avec le temps se sont fixées pour donner le
quadrille français à cinq figures tel qu’on le danse tout au long du XIXe
siècle : Pantalon, Été, Poule,
Pastourelle et Finale.
En écrivant son quadrille Henri Girard a réalisé, sans le savoir, un
collectage, il a fixé à une date précise le répertoire, ou une partie du
répertoire, des chansons utilisées au carnaval. Nous en connaissons la date car
ce quadrille fut joué au cours d’une soirée
intime organisée par l’association chorale La Jeune France, le 6 mars 1897,
le titre mentionné sur le programme est Carnaval,
quadrille, le compositeur est Gérard, l’imprimeur ayant certainement mal lu
le manuscrit.
On y retrouve des airs toujours chantés dans la bande des pêcheurs,
un autre, Cordéoneux, qui a disparu
du pot pourri contemporain et d’autres totalement inconnus que je laisse à votre sagacité et
votre érudition pour en trouver les titres.
L'Été
La poule
Pastourelle
Finale
Un musicien dunkerquois possède un dossier contenant les parties
d’une orchestration d’un quadrille (basse, clarinette en la, cor en ré, piston
en la et trombone en ut) intitulé : La
Folie Dunkerquoise, pour le carnaval dunkerquois, don de monsieur Henri Girard
à son élève Maurice Récipon. M. Récipon étant né en 1880, on peut dater ce
document des années 1890-1900.
collection B. Brousse
Une affiche annonçant un bal paré et masqué au théâtre le 24 février 1903, pendant la période de carnaval, a miraculeusement échappé aux destructions. Elle donne le programme des danses et parmi les quadrilles on trouve Airs Dunkerquois, Quand on a travaillé et Brillant Belge de compositeurs inconnus ou discrets, qui pourraient être des musiciens locaux.
collection particulière
Un article, paru dans le journal Dunkerque
Sport, mentionne aussi un quadrille en lien avec le carnaval :
7 mars 1909 : Le Grand Bal
masqué annuel, donné samedi dernier par l'Association des Anciens
Sous-Officiers a obtenu, comme toujours, le succès le plus éclatant. Tout avait
été fait, du reste, pour atteindre ce but. La salle était décorée avec art, les
colonnades, les tentures, les ballons et les cordons électriques, rendaient
l'aspect de la Salle Sainte-Cécile, absolument féerique ; aussi tout ce que
Dunkerque compte d'élégante et joyeuse
jeunesse, s'y trouvait réuni.
Les Membres du Comité de la
Société coiffés d'un élégant calot où l'on remarquait le galon de
sous-officier, recevaient leurs invités qui, de neuf heures à minuit se
pressaient aux portes de la coquette salle. L'affluence y était tellement
grande qu'il était impossible de danser le moindre pas, mais où, alors, on
pouvait contempler dans toute sa bruyante originalité, le cachet spécial du
Carnaval Dunkerquois, ce fut vers minuit où l'orchestre si habilement dirigé
par le sympathique maestro Julien Barbier, exécuta le Grand Quadrille infernal
avec musique à tour de bras et détonations entraînant la foule des danseurs
dans un emballement intense et indescriptible, c'était le chahut effectué par
une foule de personnes dont les costumes les : plus variés et les plus séduisants
; prenaient des couleurs différentes au reflet des feux de Bengale. Aussi
l'entrain fut extraordinaire, et les Anciens Sous-Officiers ravis par tant de
succès, se mêlaient aux tourbillons entraînant avec eux les plus gracieuses
danseuses. L'animation s'est prolongée jusqu'à une heure très avancée du matin
et chacun dû se déclarer enchanté de la fête.
Enfin, je possède une
autre version du quadrille de Girard, nommé Quadrille
Dunkerquois, sur une partition manuscrite (partie de violon). Les trois
premières figures sont identiques, à part une inversion dans l’Été. Les 4e et 5e figures sont
interverties, ce qui devait poser des problèmes aux danseurs, à moins qu’on ne
dansait déjà plus le quadrille sur cette musique. Après le quadrille, suivent
les habituelles chansons du carnaval sous forme de pot pourri.
collection personnelle
Tous ces documents prouvent qu'on dansait ce quadrille pendant les bals du carnaval et on peut imaginer que les danseurs ne se privaient pas du plaisir de chanter les chansons tout en dansant. L'habitude de les chanter dans un ordre précis est restée mais les figures du quadrille se sont estompées puis ont disparu entre les deux guerres, le pot pourri est resté seul et a migré dans la bande.
Christian Declerck
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