vendredi 1 janvier 2021

Adolphe Deprince, 1901-1995



Adolphe 9 ans
source : Charles Verstraete
Né "par accident" le 17 décembre 1901, à Malines (Belgique) chez sa grand-mère maternelle, il rentre à Roubaix dès janvier 1902. Il découvre l'accordéon auprès de son père, Emile né à Roubaix en 1872, qui joue du diatonique dans la Société des Joyeux Accordéonistes Roubaisiens. Adolphe en devient membre dès 1907. Son père l'encourage à apprendre le solfège et le piano au Conservatoire de Roubaix. En 1913 il apprend l'accordéon chromatique auprès de Lorion Perrin, dit P'tit Lorion. En 1921, pendant son service militaire au 110e RI, à Dunkerque, le chef de musique, le capitaine Eugène Hénon, découvre qu'il joue de l'accordéon et lui demande de jouer, lors d'un concert sur le kiosque d'Arras, la partie de flûte de la polka le Merle Blanc, mais le général Lacappelle n'apprécie pas l'instrument, il doit reprendre son saxophone. En 1924 à Calais, il épouse Adèle, fille de l'accordéoniste François Reubrecht et gérant du Café Moderne, rue des Thermes (voir plus bas) où il joue régulièrement. En 1932 il monte à Paris, invité par Fernando, accordéoniste chez Bousca, qui lui trouve du travail à Pigalle, à la Cigale en face du Cirque Médrano. Il n'y joue qu'une fois, le patron voulait un accordéoniste chanteur. Il trouve ensuite du travail aux Cascades, près du métro Anvers, c'est là qu'il compose pour la première fois, la mazurka Cascades. Puis il est demandé par les radios et fait ses premiers disques pour Parlophone, avec Fredo Gardoni son ami, qu'il remplace parfois dans le studio sans être mentionné sur les étiquettes "Un jour le directeur de Parlophone me fait écouter un disque de Gardoni, il me dit : voilà c'est comme ça qu'il faut jouer… et je ne pouvais pas lui dire que c'était moi qui l'avais fait". Il accompagne les innombrables chanteurs et chanteuses qui enregistrent chez Pathé Marconi, "quand il y a de l'accordéon, c'est moi" et joue aussi pour le cinéma, notamment dans La Belle Equipe, avec son ami d'enfance Marceau Verschueren, qui vient le rejoindre à Paris. Pendant l'occupation il joue dans les boîtes de nuit, de la musique à la demande. A la Libération il joue pour le grand bal sur la place de l'Hôtel de Ville puis il reprend le travail dans la brasserie Le Louis XIV, à la Porte Saint Martin, puis joue dans les guinguettes sur les bords de la Marne, Chez Max. La fin des brasseries avec orchestre et bal permanent après guerre, l'oblige à se reconvertir, il part sur les routes avec son orchestre pour proposer des bals. En 1948, il a l'idée de créer un numéro avec ses amis Louis Péguri, Médard Ferrero, V. Marceau et Deprince, ce sera Les Mousquetaires de l'Accordéon, avec un programme de musique classique : l'Ouverture de Sémiramis de Rossini, La Toccata de Vidor, etc. En 1970, après un infarctus, il est obliger d'arrêter les tournées, il se consacre alors aux concours d'accordéon. Le décès de son épouse en 1976 marque la fin de sa pratique musicale. Il meurt vingt ans plus tard le 26 novembre 1995 à Montreuil sous Bois.
Christian Declerck
31 décembre 2020


Adolphe (x) et ses parents, 58 rue de l'épeule
avec la casquette : P'tit Lorion
source : Charles Verstraete


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Adolphe Deprince, pionnier de « l'accordéon-musique », vient de mourir après avoir tout joué, des bals au music-hall, en passant par le cinéma. L'accordéon perd son Deprince.

Quand on lui demandait le secret de sa longévité, ses yeux se mettaient à pétiller: « J'ai toujours joué assis, jamais debout ». Adolphe Deprince, pionnier de « l'accordéon-musique », vient de mourir à son domicile de Montreuil-sous-Bois à 94 ans. Né en 1901, il est élevé à Roubaix où son père tient un café et dirige la clique municipale des accordéonistes. Très tôt, il lui met un accordéon entre les mains, mais l'encourage à prendre aussi des leçons de piano et de solfège. Il se lie avec un autre jeune prodige, Victor [sic] Marceau, l'ami de toute une vie. Dès les années 20, Deprince est musicien professionnel dans les brasseries : on ne vient pas pour danser mais pour écouter de la musique légère, voire des transcriptions classiques, à choisir sur un programme. A la fin des années 20, Deprince a déjà une belle réputation dans tout le Nord, Victor [re sic] Marceau le fait monter à Paris. Il est l'accordéoniste attitré de Pathé : quand les autres travaillent à l'oreille, «à la feuille», lui peut déchiffrer une partition à vue. Il accompagne les grands interprètes de chez Pathé. Sans parler des films : dans la Belle Équipe c'est lui qui joue lorsque Gabin chante Quand on s'promène au bord de l'eau.

Deprince s'installe à demeure au Balthazar, une brasserie près de la République. La radio le rend populaire, il signe une floppée de disques. Il distribue gratuitement ses compositions aux orchestres de bal en se payant sur les droits d'auteur. Evoquant les partitions de celui qu'il appelle le « Paganini de l'instrument », Marcel Azzola dit qu'elles sont peu jouées car sous leurs airs légers, elles exigent des doigts aguerris. En 1945, c'est Adolphe Deprince qui anime le bal de la Libération, place de l'Hôtel-de-Ville. La France est avide de fête. Avec son orchestre, il va sillonner le pays pour faire danser. Mais en même temps, il continue de défendre « l'accordéon musique » aux côtés de V. Marceau et d'un autre grand accordéoniste et pédagogue Médard Ferrerro : ils lancent un quatuor les Mousquetaires de l'accordéon qui impose dans les music-hall et en attraction des grands cinémas l'idée que l'accordéon peut être un instrument noble. Adolphe Deprince a arrêté les bals au début des années 70. Il continuait de présider les jurys de concours d'accordéon, capable de s'émerveiller des qualités de jeunes recrues, mais aussi de disqualifier le travail bâclé ou le manque de sentiment : «Il faut le dire, le plus important, c'est là», disait-il en se frappant le coeur. Avec Deprince, on est loin du folklore de l'instrument, les guinches à marlous, à putes, ou du milieu : acharné au travail, exigeant envers lui-même, ce vrai musicien a toujours été attaché à faire ressortir les qualités musicales de son instrument ; Jean Wiéner ou Georges Auric ne s'y trompaient pas qui le faisaient travailler pour leurs musiques de films.

Hélène HAZERA

Libération, décembre 1995



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Entretien avec Hélène Hazera 

France-Culture, 18 janvier1992

Avec Marcel Azzola et Yvette Horner

On y entend : Joyeux Canari (1951) ; Railway, valse (1938) ; Réveillon Java (1937) ; Après l'orage, polka (1951) ; Edelweiss, valse ; L'amour des hommes, par Fréhel ; Quand on s'promène au bord de l'eau, par Jean Gabin ; Jocelyne, fox-trot ; Ah ! Retrouver Paname, par Jeanne Chacun (1945) ; L'Ouverture de Sémiramis de Rossini, par Les Mousquetaires de l'Accordéon (enregistrement de travail) et Princesse Musette.

téléchargez ICI


une rencontre avec son ami Marcel Azzola (1992)





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un document rare, vers 1925

le Café Moderne à Calais
avec François Reubrecht fils à l'accordéon,
et au jazz, Adèle Reubrecht, épouse d'Adolphe
collection personnelle


Quelques exemples de ses compositions







Deprince et son orchestre, avec sa nièce Simone Bultiauw
source : Charles Verstraete

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