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M.J.C. de Rosendael, 1975, photo X |
J.-L. MONTAGUT : Lorsque j’arrivai à Dunkerque en 1972, le 15 février très
exactement, à 24 ans, jeune ingénieur des mines, frais émoulu de l’École,
j’étais surtout enthousiasmé par l'expérience du démarrage de l'aciérie
d'Usinor, dont la presse parlait tant à l’époque. On nous logeait alors à
Rosendael. Nous sortions de trois années à Paris particulièrement animées, avec
mai 68 pour commencer. Les 3 années suivantes nous avons participé à l'éclosion
du mouvement folk, avec notamment les fameuses hootenannies de Lionel Rocheman au Centre Américain, 261 boulevard
Raspail.
Il faut expliquer un peu de quoi il s’agit car la suite
intéressera Rosendael. Tous les mardis soirs, se tenait une animation un peu
particulière pour l’époque, en plein Paris, de « type américain », genre soirée
chants autour du feu. L’idée venait du déjà légendaire folkeux traditionnel
Pete Seeger, qui avait d'ailleurs sorti un disque sous ce titre « étrange
» : hootenannies : le principe est de
faire participer activement le public, à la différence des spectacles habituels
où l’on vient écouter passivement. Mais cela allait bien plus loin : le
principe était simple, les participants payaient un prix modique (autour de
trois francs si je me rappelle bien) seuls les artistes qui désiraient passer
ne payaient pas. Ils se mêlaient au public, et sortaient des rangs lorsque
c'était leur tour de se produire à l’appel du grand organisateur. Cela créait
une ambiance très amicale, très décontractée entre les gens. De plus les
artistes, à l'époque très peu connus, sortaient de la traditionnelle barrière
des loges d’artistes professionnels de l'époque, qui les rendaient très
difficile à aborder. La présentation était faite par l’inamovible et truculent
moustachu Lionel Rocheman, lui-même chanteur yiddish et conteur d'histoire qui
en poussait une de temps à autre. C’était le plus âgé de la bande. L'appel se
faisait à la criée, à partir d'un petit papier qu'il avait entre les mains et
les groupes se succédaient à la cadence d’un morceau par artistes, un deuxième
pouvait être prévu pendant la deuxième partie. Cela donnait des spectacles très
variés et imprévisibles, les artistes couvrants différents domaines, y compris
la poésie, avec bien sûr une place prépondérante pour la musique, et notamment
la musique américaine. Mais le folklore français y trouva aussi un terrain très
favorable : finalement, ce foyer fut l'incubateur de futurs talents, un peu
comme le Golf Drouot pour le rock quelques années plus tôt. On pouvait y côtoyer
(sans le savoir d’ailleurs) des inconnus pour l'époque, notamment Alain
Cochevelou (Alan Stivell), Steve Waring au banjo et Roger Mason à la guitare et
aux cuillères (j’assistai à la création de la
chanson des grenouilles), un couple célèbre à l’époque Pat Woods et Kathy
Lowe, ainsi que le chanteur et artiste vietnamien Tran Quang Hai. On y trouve
aussi Catherine Perrier souvent avec John Wright, un certain guitariste nommé
Dadi Marcel, quelques groupes de Bluegrass comme les National Pigs ou le Fifteen
String Band. Ce furent aussi les débuts de Malicorne, ou Pierre Bensusan et
plus tard Maxime Le Forestier. Ces gens-là jouaient en acoustique pur, devant
le public à quelques mètres, à porté de la main ; la salle était petite et ne
comportait pas de scène. Évidemment, la plupart de ceux qui sortirent connurent
de grands destins par la suite. À une époque, plus tardive il y eut concurrence
avec le Centre Américain de la rue du Dragon, où l'on pouvait voir surtout des
américains purs et durs, comme Mary Rhoads et son dulcimer des Appalaches. Un
autre club analogue, le TMS, naquit dans la foulée. Mais combien d'autres
musiciens, guitaristes, banjoïstes de grand talent ne passèrent qu'une fois
épisodiquement et s’évaporèrent dans l'inconnu ?
Sortant de cette effervescence, il me fut difficile de
supporter longtemps le vide culturel de Dunkerque malgré ses trois maisons des
jeunes : Dunkerque, Malo-les-Bains, Rosendael, à la gestion traditionnelle et
ronronnante. Habitant Rosendael, très proche de la MJC, le contact fut le
premier. Mais le directeur de l'époque manquait vraiment de dynamisme. Seule
musique pour la ville, une timide activité guitare animée par François Carton
se tenait à Malo-les-Bains. Mais cela restait traditionnel et peu motivant. Il
fallait à tout prix faire quelque chose, car la vie Dunkerquoise et les nuits
de cette époque manquait réellement d’animation. Surtout quand on ne disposait
pas d'automobiles comme ce fut mon cas au départ.
la suite :
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