dimanche 17 août 2025

Une expérience d'animation : la MJC de Rosendael 1972-1976

 

M.J.C. de Rosendael, 1975, photo X

J.-L. MONTAGUT : Lorsque j’arrivai à Dunkerque en 1972, le 15 février très exactement, à 24 ans, jeune ingénieur des mines, frais émoulu de l’École, j’étais surtout enthousiasmé par l'expérience du démarrage de l'aciérie d'Usinor, dont la presse parlait tant à l’époque. On nous logeait alors à Rosendael. Nous sortions de trois années à Paris particulièrement animées, avec mai 68 pour commencer. Les 3 années suivantes nous avons participé à l'éclosion du mouvement folk, avec notamment les fameuses hootenannies de Lionel Rocheman au Centre Américain, 261 boulevard Raspail.
Il faut expliquer un peu de quoi il s’agit car la suite intéressera Rosendael. Tous les mardis soirs, se tenait une animation un peu particulière pour l’époque, en plein Paris, de « type américain », genre soirée chants autour du feu. L’idée venait du déjà légendaire folkeux traditionnel Pete Seeger, qui avait d'ailleurs sorti un disque sous ce titre « étrange » : hootenannies : le principe est de faire participer activement le public, à la différence des spectacles habituels où l’on vient écouter passivement. Mais cela allait bien plus loin : le principe était simple, les participants payaient un prix modique (autour de trois francs si je me rappelle bien) seuls les artistes qui désiraient passer ne payaient pas. Ils se mêlaient au public, et sortaient des rangs lorsque c'était leur tour de se produire à l’appel du grand organisateur. Cela créait une ambiance très amicale, très décontractée entre les gens. De plus les artistes, à l'époque très peu connus, sortaient de la traditionnelle barrière des loges d’artistes professionnels de l'époque, qui les rendaient très difficile à aborder. La présentation était faite par l’inamovible et truculent moustachu Lionel Rocheman, lui-même chanteur yiddish et conteur d'histoire qui en poussait une de temps à autre. C’était le plus âgé de la bande. L'appel se faisait à la criée, à partir d'un petit papier qu'il avait entre les mains et les groupes se succédaient à la cadence d’un morceau par artistes, un deuxième pouvait être prévu pendant la deuxième partie. Cela donnait des spectacles très variés et imprévisibles, les artistes couvrants différents domaines, y compris la poésie, avec bien sûr une place prépondérante pour la musique, et notamment la musique américaine. Mais le folklore français y trouva aussi un terrain très favorable : finalement, ce foyer fut l'incubateur de futurs talents, un peu comme le Golf Drouot pour le rock quelques années plus tôt. On pouvait y côtoyer (sans le savoir d’ailleurs) des inconnus pour l'époque, notamment Alain Cochevelou (Alan Stivell), Steve Waring au banjo et Roger Mason à la guitare et aux cuillères (j’assistai à la création de la chanson des grenouilles), un couple célèbre à l’époque Pat Woods et Kathy Lowe, ainsi que le chanteur et artiste vietnamien Tran Quang Hai. On y trouve aussi Catherine Perrier souvent avec John Wright, un certain guitariste nommé Dadi Marcel, quelques groupes de Bluegrass comme les National Pigs ou le Fifteen String Band. Ce furent aussi les débuts de Malicorne, ou Pierre Bensusan et plus tard Maxime Le Forestier. Ces gens-là jouaient en acoustique pur, devant le public à quelques mètres, à porté de la main ; la salle était petite et ne comportait pas de scène. Évidemment, la plupart de ceux qui sortirent connurent de grands destins par la suite. À une époque, plus tardive il y eut concurrence avec le Centre Américain de la rue du Dragon, où l'on pouvait voir surtout des américains purs et durs, comme Mary Rhoads et son dulcimer des Appalaches. Un autre club analogue, le TMS, naquit dans la foulée. Mais combien d'autres musiciens, guitaristes, banjoïstes de grand talent ne passèrent qu'une fois épisodiquement et s’évaporèrent dans l'inconnu ?
Sortant de cette effervescence, il me fut difficile de supporter longtemps le vide culturel de Dunkerque malgré ses trois maisons des jeunes : Dunkerque, Malo-les-Bains, Rosendael, à la gestion traditionnelle et ronronnante. Habitant Rosendael, très proche de la MJC, le contact fut le premier. Mais le directeur de l'époque manquait vraiment de dynamisme. Seule musique pour la ville, une timide activité guitare animée par François Carton se tenait à Malo-les-Bains. Mais cela restait traditionnel et peu motivant. Il fallait à tout prix faire quelque chose, car la vie Dunkerquoise et les nuits de cette époque manquait réellement d’animation. Surtout quand on ne disposait pas d'automobiles comme ce fut mon cas au départ.
 
la suite :
 

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