vendredi 17 avril 2020

Chants populaires des Flamands de France, par Edmond de Coussemaker

publication le 6/1/2020
mise à jour le 17/4/2020

la réédition de 1930 par le Comité Flamand de France est en ligne sur Gallica



c'est ICI

La préface de l'abbé Paul Bayart*  est remarquable :

Les chants populaires des Flamands de France ! Un soir de mars 1923, nous avions osé, M. le chanoine Looten et moi, inviter le public lillois à une séance artistique qui comportait, disait le programme, « l'exécution de quelques morceaux choisis dans le recueil d'Ed. de Coussemaker ». Il vint du monde ; mais des amis nous avaient confié qu'ils n étaient pas sans inquiétude ni sans scrupule. Nous avions bien fait appel à un chanteur renommé, soliste de grands concerts ; on se demandait toutefois si des chansons populaires, et flamandes méritaient tant d'honneur. Le chanteur se lève, une phrase s'envole ; on est conquis. 
C est de la musique, c'est de la beauté. Notre exécutant est d'un naturel absolu ; il n'ajoute rien, il n'use d'aucun artifice ; la simple ligne mélodique dans sa pureté naïve, avec le sentiment qu'imposent les paroles. Cela suffit. Nous comprenons ce qu'il y a d'art véritable dans les chants populaires des Flamands de France. 
C'est qu'un chant, pour être populaire, ne doit pas nécessairement se trouver dépourvu de toute distinction, de toute délicatesse. Loin de là. La plupart des pièces que nous entendons, de nos jours, chanter par le peuple, sans en excepter les cantiques religieux que le XIXe siècle a mis en vogue, sont, musicalement, d'une écœurante stupidité; elles n'ont rien à voir avec l'art, avec l'art populaire, dont le rôle est d'orner de beauté les plus humbles vies, et non de livrer carrière aux pires instincts. Nos vieilles chansons flamandes, ou même françaises, nos vieux cantiques, les vieux, ceux d'avant le XIXe siècle, et qui sont originaux, — sont d'une autre tenue. Œuvres d'art, d'art populaire, mais d'art véritable, ces mélodies se présentent avec ce cachet de perfection qu'exige leur simplicité même. Tout n'y est pas d'égale valeur ; mais partout il y a de la musique. Il faut étudier la musique de nos vieilles chansons flamandes. Cette étude est édifiante. Ed. de Coussemaker a eu l'heureuse idée et le très grand mérite de recueillir ces airs, de les transcrire, de les publier, au moment où ils allaient disparaître pour faire place à quelles misères ! Il a joint à chacune des pièces une brève notice qui en indique l'origine et le caractère. On lira toujours avec fruit les pages solides de son Introduction. Mais les observations que nous osons présenter ne seront peut-être pas tout à fait superflues. […]

*1877-1959 : prêtre du Diocèse de Lille (ordonné en 1902), chanoine honoraire (1951). - Professeur de musicologie et de liturgie aux Facultés catholiques de Lille (1921-1953)



*****


On trouve un compte-rendu de cette soirée de mars 1923 dans la presse :


AU COMITE FLAMAND DE FRANCE

Hier, à 20 h. 15. a eu lieu, salle Æollan, la soirée consacrée par le Comité FJamand de France à la Chanson flamande.
Un public nombreux se pressait à cette belle manifestation d'art régional. M. le chanoine Looten ouvrit la séance par un élégant aperçu littéraire sur la chanson populaire flamande. Il définit, en formules saisissantes, son caractère poétique et moral. La Flandre, dont l'histoire s'est déroulée aux confins de trois civilisations, a une belle poésie et les hommes, malgré leur froideur apparente, y ont toujours montré une sensibilité aiguë, qui trouvait d'ailleurs, pour s'exprimer dans la chanson, un instrument infiniment docile : leur langue souple et abondante et leur goût inné pour le rythme et le lyrisme. Le conférencier rend un hommage vibrant au savant Bailleulois, Edmond de Coussemaker, fondateur et premier président du Comité Flamand, qui, en 1856. publiait, avec le concours de l'abbé Carnel. son magnifique recueil : Chants populaires de la Flandre.
Au point de vue littéraire, ce recueil des chansons de nos pères répond à un triple stade : d'abord, des chants religieux et mystiques, mélangés d'un réalisme ingénu et touchant, puis, des légendes populaires nées surtout du temps des Croisades, au caractère mi-partie mystique, mi-partie chevaleresque, enfin les rondes, danser et chants populaires. A la claire analyse de M. le chanoine Looten, M. l'abbé Bayart, le réputé musicologue, fait succéder un commentaire très sûr et très intéressant de la valeur musicale du vieux folklore flamand.
De Coussemaker, dit M. Bayart, fut un initiateur hardi et fécond. Il n'a pas seulement sauvé des textes, mais aussi les mélodies sans lesquelles les textes ne peuvent survivre. Ses recherches, qui furent imitées dans toute la France ont eu une influence profonde sur la musique moderne ; nos maîtres les plus purs aiment construire leurs œuvres sur nos anciens thèmes. La Chanson Flamande valait qu'elle fût sauvée, affirme l'orateur. Ce sont des œuvres d'art, d'art populaire, mais d'art véritable, où ne se rencontrent ni grossièretés. ni laideurs, ni trivialités. L'étude de ces vieilles chansons est une leçon pour la médiocrité contemporaIne.
M. l'abbé Bayart croit, lui aussi, pouvoir distinguer dans le fonds flamand trois catégories musicales, les œuvres d'origine religieuse, les improvisations de ménétriers de toutes époques, enfin les compositions des musiciens de métier, la plupart, du XVIIIe siècle.
Après avoir montré les qualités techniques de l'inspiration dans la Chanson ancienne, M. Bayart termine son lumineux exposé en laissant la parole à M. [Joseph] Verniers, du Conservatoire de Gand, pour l'interprétation d’un choix des pièces les plus caractéristiques du recueil d'E. de Coussemaker.
Savamment accompagné par l’organiste Léon Lecocq, M. Verniers, qui chante avec un art et un accent d'une pureté remarquable, exécute aux applaudissements enthousiastes de l'auditoire : la Chanson du Reuze, la Ballade du sire Halewyn, l’Etable de Béthléem, inspirés toutes trois de motifs liturgiques merveilleusement adaptés. Puis ce sont les improvisations populaires : La Fillette du Sultan, Nuit de joie, Rosa, Geneviève de Brabant, les Trois Pastoureaux, le Juif errant. Autant de délicieux chefs-d'œuvre, dont se souvinrent un Schumann, un Bach, un Gounod, comme des sources les plus précieuses de l'émotion populaire, dignes d’alimenter leur génie. La magnifique audition prit fin sur des cantiques du XVIIIe siècle : Le cantique à Sainte Anne, Noël, l’Enfant nouveau né, pièces apparentées à d’anciens airs anglais. Agréablement coupée par une audition d'orgue, la soirée du Comité Flamand s’acheva sur une inoubliable impression.


Le Comité Flamand de France, dans son Bullelin de 1923 nous donne également un compte rendu


Paul Bayart n'est pas le premier à s'intéresser aux chants populaires flamands collectés par Edmond de Coussemaker, nous avons vu qu'Ernest Bacquet est sans doute le premier à les avoir fait connaître, d'ailleurs son père est sur la liste des libraires chez qui l'ont pouvait souscrire aux livraisons de la première édition en 1856.



jeudi 9 avril 2020

Simon Robino, luthier à Saint Pol sur Mer

Un nom dans un annuaire, une profession musicale "accordeur de piano" et c'est le début d'une enquête.

Simon Robino arrive à Dunkerque précisément le 2 avril 1919, comme le mentionne sa fiche matricule. En 1922, il est domicilié 52 rue de Soubise puis le 6 février 1923 il emménage à Saint Pol sur Mer, 275 rue de la République, dans une maison située juste en face de l'église qui possède une grande cour avec plusieurs bâtiments, elle deviendra "la cour Robino". Il y demeure au moins jusqu'en 1939, comme le confirme les recensements : en 1926, il est luthier cour Robinot [sic] ; en 1931, cour Robino, il est accordeur de piano et son épouse marchande de musique ; en 1936, il est accordeur et Marie marchande foraine ; en 1939, dans l'annuaire Ravet et Anceau, il est classé dans les marchands d'instruments de musique. Sur le recensement de 1946, si la cour Robino est encore mentionnée, le couple n'y habite plus.

Cadastre 1900
source : Archives du Nord

Répertorié comme marchand d'instruments de musique, on ne savait pas beaucoup plus de son activité, jusqu'à ce qu'une entête de lettre commerciale, publiée sur un réseau social, nous précise qu'il est fabricant de pianos automatiques. 

collection Marie-Noëlle Buire

Continuant ainsi le métier de son père, installé à Manchester depuis la fin du siècle précédent.
Quelques recherches ont été mises en ligne ICI et ICI



Je peux ajouter quelques éléments généalogiques : Simon est né à Marseille le 4 octobre 1885, fils de Simon Magne et Toussainte Ceccaldi, on ne connait pas la date du décès du père (1929 d'après une généalogie en ligne), mais Toussainte est morte à Manchester en mars 1938. Elle était rentrée en France, à Marseille, sans doute pendant la guerre, car elle y est domicilié en 1919. Mention relevée sur l'acte de mariage de son fils à Boulogne sur Mer avec Marie Guffroy le 5 février. La famille Robino est restée en Angleterre où sont décédés cinq des huit enfants. Simon décède à Coyecques (62) le 15 avril 1940, son épouse est décédée auparavant. Je ne sais pas si le couple a eut des enfants, en tout cas ce n'est ni à Boulogne, ni à Dunkerque, ni à Saint Pol sur Mer.

La cour Robino a perdu sa dénomination, mais elle existe toujours





les voisins de la cour Robino
vers 1910