L'histoire du carillon et de la tour qui le protège est bien connue, mais je n'ai trouvé nulle part la mention que le carillon était extérieur à la tour. Or les cloches étaient visibles sur la face nord du beffroi comme le montre la gravure extraite de la Description historique de Dunkerque par Pierre Faulconnier, publiée en 1730.
En décembre 1836, après les réparations du carillon, la Feuille d'Annonces Judiciaires, Commerciales et Maritimes de Dunkerque publie la lettre d'un abonné :
Jadis et aujourd’hui
- Jadis on avait la manie de croire que le bois
pouvait se pourrir, et on avait revêtu chaque poutrelle du carillon d’une enveloppe
de plomb.
- Aujourd’hui que les progrès de la mécanique ont
prouvé le contraire, on s’est contenté d’y passer une légère couche de peinture.
- Jadis les cloches réunissait à l’avantage
d’avoir des sons agréables celui d’être d’accord.
- Aujourd’hui elles réunissent à l’avantage
d’avoir des sons secs et durs, celui d’être d’une discordance parfaite.
- Jadis on pouvait dans l’espace de quelques
heures changer les airs du carillon, parce que les touches étaient parfaitement
alignées, chaque pointe n’avait pas besoin d’être rectifiées à coup de marteau.
- Aujourd’hui cette besogne deviendra tellement
longue et difficile, qu’elle pourrait bien nécessiter une nouvelle adjudication
au rabais.
- Jadis 160 tubes en cuivre, soudés à un pareil
nombre de fils de fer, empêchaient l’eau de la pluie de s’introduire dans l’intérieur
de la mécanique.
- Aujourd’hui que ces tubes ont disparu, elle
coulera au moyen de ces mêmes fils de fer qui lui serviront de conducteurs jusqu’aux
chapes et aux touches qu’elle ira nécessairement rouiller.
- Jadis nous avions des heures entièrement en
cuivre au cadran.
- Aujourd’hui elles sont pour la plupart en
peinture.
- Jadis on entendait parfaitement le carillon du
bout de l’estacade.
- Aujourd’hui il faut un temps bien calme pour
l’entendre de la Porte du Quai.
- Jadis le carillon marchait jour et nuit.
- Aujourd’hui quoique son inauguration date de
peu de jours, il est endormi, et grâce à un “coup de pouce”, on est parvenu à
le réveiller à six heures du matin.
- Jadis ce carillon, rangé par gradation de
cloches, se montrait aux yeux des habitans, et même de fausses cloches en plomb
remplissaient les vides, afin que l’œil n’en fut pas choqué.
- Aujourd’hui il est recouvert de planches qui
n’ont pas même le mérite d’être placées à égale distance les unes des autres.
- Jadis un dunkerquois pouvait parler avec
orgueil de son carillon.
- Aujourd’hui il baissera les yeux lorsqu’on lui rappellera son ancienne renommée, et se bouchera les oreilles à partir de la rue du Moulin jusqu’à la rue d’Angoulême, parce que plus loin on a l’avantage de ne plus l’entendre.
Cette lettre a certainement été envoyée par Henri Alliaume, le fabricant de piano installé place Jean Bart. Dans les numéros précédents, le journal avait publié un échange épistolaire entre Henry Le Paute et Henri Alliaume qui lui contestait la qualité de son nouveau carillon. On y apprend d'ailleurs que les cloches ont été fondues dans le canton de Roye (Somme) et que la mélodie jouée à l'heure était le chœur des chasseurs de Robin des Bois de Weber.
C'est sa remarque "Jadis ce carillon […] se montrait aux yeux des habitans" qui m'a interpellé. J'ai cherché dans les textes des historiens dunkerquois et des spécialistes des carillons, mais rares sont les études sur les carillons anciens, ou disparus et pour Dunkerque aucune mention que ce carillon était en partie extérieur. C'était pourtant logique, à l'époque la ville se terminait au niveau du côté sud de la place Jean-Bart actuelle, donc le son du carillon ne devait être entendu qu'au nord de cette place, vers la ville et le port, jusqu'à l'estacade (actuel quai des Américains).
Dunkerque vers 1645
La trace des ancrages du carillon est toujours visible sur le mur de la tour, à l'extérieur et à l'intérieur.
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Jacques Martel, carillonneur de Bergues, m'a signalé cette photographie parue dans le livre de Prosper Verheyden, Beiaarden in Frankrijk, édité en 1926. Elle montre qu'une partie du carillon était toujours "pendue à la fenêtre" comme le dit l'auteur, hélas cette photo n'est pas datée.
collection bibliothèque du Comité Flamand de France
Merci à Philippe Masingarbe de m'avoir transmis cette reproduction.
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J'ajoute cette autre photo parue dans la revue Le Nord Illustré du 1er décembre 1913 où l'on aperçoit au fond les petites cloches du carillon.
Collection personnelle
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