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mise à jour le 3/2/2024 : ajout des attaches de Paul Pieffort avec le Pas de Calais
Paul PIEFFORT, collection personnelle |
Paul Isidore PIEFFORT est né à Paris le 2
septembre 1856, fils de Louis (employé de bureau) et Albertine BERTOLINI. On trouve mention de son activité dans l'Agenda de la curiosité de A. Deligny publié en 1889, il se dit réparateur d’épinette, domicilié 143 rue du
Mont Cenis. En 1891 il se déclare artiste sur la liste électorale de Paris, il est alors domicilié 97 rue des Martyrs. En 1912 il a les honneurs du journal Gil Blas qui mentionne son domicile rue Rondelet (un lecteur, que je remercie beaucoup, m'a fait parvenir la copie d'une carte postale dont Paul Pieffort avait utilisé le verso imprimé comme carte de visite, mentionnant cette adresse au n°4, ainsi qu'une adresse temporaire "Pendant les fêtes du jour de l'an 19 boulevard des Capucines"). Il décède à hôpital Lariboisière le 21 septembre 1915, il est domicilié 67 rue Labat. L'acte de décès le dit célibataire, mais j'ai retrouvé mention d'un mariage en Angleterre, à Douvres, le 15 décembre 1886, avec Harriet Penn, née en 1851 et décédée dans cette même ville en 1902.
J'ajoute une info découverte ce jour : la grand-mère de Paul Pieffort, Amélie Joseph CABOCHE, est née à Lillers (Pas de Calais) le 28 mars 1791, elle épouse à Paris le 22 janvier 1825, Désiré Théodore Chrisostôme Pieffort, né à Oisemont (Somme) le 22 août 1798. Amélie meurt à Paris 16e le 30 janvier 1883 à son domicile 69 rue du Puit du Jour, son époux est décédé à Paris le 4 janvier 1858. Ce qui donne un lien avec notre région et pourrait peut-être expliquer son intérêt pour l'épinette.
Christian Declerck
Christian Declerck
Gil Blas
L'épinette du père Piéffort
A cause d'un article, paru ici le mois dernier, sur Paul Buisson, roi des
camelots de Paris, et « médium spirite à matérialisations », j'avais été averti que les
camelots — passez-moi l'expression, elle est d'argot franc et de belle allure —
m'avaient « à la bonne ». C'est-à-dire que les crieurs de journaux, les vendeurs de cartes
postales illustrées, et les marchands de ces bocaux où tourne, un poisson
rouge, faits de fer mince, me tenaient en sympathie, estime et considération.
C'est par là que je fus amené à connaître M. Paul Pieffort, inventeur de l'épinette
qui porte son nom, artiste es-terrasses de cafés, et réunions mondaines, ancien chanteur des cours, ancien financier,
et par-dessus tout, inventeur, vous dis-je, ou plus exactement rénovateur d'un
instrument portatif, charmant et mélodieux. Le grave journal La Nature consacra
un bel article illustré à cet instrument, le 13 janvier 1894. C'est une des saveurs
de Paris qu'il s'y puisse dénicher dans les pires loqueteux, les dépenaillés,
les galvaudeux, une âme d'or ou d'immenses rêves, des philosophies héroïques ou
de prestigieux hiers. Tel ce Pieffort, grand vieux bonhomme comme fabriqué à
coups de trique tant par la nature que par les fatalités, tout en bosses et
tout en replis chaotiquement enchevêtrés, plis du visage, et plis et bosses du
vêtement vétuste et du long corps osseux. Mme Waldeck-Rousseau, Sarah
Bernhardt, Jean Richepin, Constans, l'ambassadeur, Wlllette, le peintre, le
reçurent, le traitèrent en ami, lui achetèrent une épinette. Le Conservatoire
national de Musique possède trois épinettes, dont une en bois de rose, don de M.
Pieffort. Et pour l'instant, ce Donateur de Pieffort accepterait avec
reconnaissance les deux sous que vous mettriez dans sa sébille, à la terrasse
du café où il aura joué.
J'ai passé une matinée, chez lui. Chez lui, je veux
dire dans sa chambre. Le père Pieffort habite une des 89 chambres à 7 fr. la
quinzaine, de l'hôtel des Célibataires, rue Rondelet. Dans sa chambre, trois
fois grande comme un plumier d'écolier, il m'a sorti ses souvenirs, ses
diplômes, la médaille de bronze qu'il obtint à l'Exposition de 1900, comme ouvrier,
dans la section des instruments de musique. Il m'a dit l'histoire de
l'épinette, qui est intéressante. Au temps de Charles-Quint, les soldats
espagnols s'ennuyant dans les Flandres qu'ils dominaient, perfectionnèrent la
bûche allemande, espèce de cithare. Puis l'instrument issu de leurs mains se perdit
dans le cortège turbulent des siècles. Une paysanne des Vosges, connue sous le nom
de Dorothée, une sorte de sorcière qui habitait le Val d'Ajol, près de
Plombières, le retrouva. On ne sait pas du tout comment. C'était,
imaginez-vous, une boîte allongée,
terminée à l'une des extrémités par un talon, et à l'autre par une tête avec
chevilles en bois, à l'instar du violon. Elle était faite en bois de merisier
ou de cerisier et possédait cinq cordes sonores (quatre sol à l'unisson et un
do). » C'est ainsi que le décrit le rédacteur de La Nature. Il ajoute : « Les pâtres
et les bergers des Vosges en tiraient de jolis airs. » Un Alsacien nommé MuIIer
arriva à Paris avec son épinette. Il jouait chez les mastroquets. Il rencontra
Pieffort, lequel râclait alors de la guitare. Ils s'associèrent et jouèrent et chantèrent dans les cours. Pieffort qui avait étudié l'acoustique,
transforma l’instrument vosgien. Il y ajouta une nouvelle corde, arrondit le
talon, et spécialisa les bois.
Il m'a joué de l'épinette. La petite chambre s'emplit de chaudes vibrations. Cela
tenait de l'accordéon, du violon et de l'orgue. C'était très émouvant. Les
pauvres yeux las et ternes du vieux s'emplissaient d'une lumière liquide. Il me demanda orgueilleusement
après avoir joué, s'il ne méritait pas qu'on s'intéressât un peu à son
invention ? Si, si. Oui, l'on pourrait suivre sans appréhension l'exemple donné par
Willette, par Richepin, par Sarah Bernhardt, par Mme Waldeck-Rousseau. Il y a de plus mauvais modèles. C'est une chose fort élégante et délicate qu'une épinette du père
Pieffort.
Le pauvre homme ! L'autre soir, il buvait du café dans un bar, portant avec lui la
boîte oblongue, où sont enfermés ses papiers, ses diplômes et son instrument.
Un mauvais garçon sauta sur la boîte et s'ensauva avec. Pieffort le poursuivit
désespérément. Il y eut des coups. On emmena tout le monde au poste. Pieffort avait sur lui un couteau
de chasse que lui avait légué son père. Il fut condamné à vingt-quatre heures
de prison pour port d'armes prohibées. Il a désormais un casier judiciaire. Il
m'a dit qu'il était déshonoré, qu'il irait en appel, et que si on ne lavait pas
son dossier, il en mourrait. Alors, moi, bien gentiment, je demande aux
Pouvoirs de rendre l'honneur au Donateur du Conservatoire national de Musique,
et au lecteur d'éprouver quelque curiosité de son épinette, quelque désir de la
lui acheter.
André Arnyvelde
Gil Blas du 3 février 1912
Le 31 décembre de la même année le journal publie ce petit article :
Pour
deux sous. — En flânant le
long du
boulevard des Capucines, près
de la
station des
omnibus, tout à côté d'un
bec électrique,
on est
très agréablement
surpris d'entendre
des airs
vieillots et charmants,
sortir d'un
instrument démodé, moins
aristocratique que le clavecin,
sans doute,
mais plein
de grâce
néanmoins
et qui,
jadis, fit
la joie
de nos
bisaïeules : l'épinette.
C'est un
luthier délicat, Paul
Pieffort, qui a remis en
honneur le délicieux
clavicorde et qui en obtient
des effets
ravissants. Ecoutez, voici
le grand
air de Paesiello.
Cela ne
coûte rien
et l'on
passe quelques
minutes fort
agréables. Pour témoigner
sa satisfaction
à l'artiste,
on achète
pour deux
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Jean Veber.
Plaisir des
yeux, joie
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Dix centimes
seulement.
*****
Paul Piéffort s’est également produit dans la région Nord-Pas de Calais au début du XXe
siècle, et notamment à Dunkerque comme le relate le Nord Maritime :
28 novembre 1902 : « Un instrument merveilleux, l’épinette
de M. P. Pieffort. — Nous avons reçu hier la visite d’un artiste parisien, M. P.
Pieffort, qui nous a fait bénéficier d’un charmant concert intime avec son
instrument l’épinette perfectionnée. On sait que l’épinette des Vosges est
un instrument dont on joue en pinçant les cordes avec une plume. Il était fort
en vogue au XVIIIe siècle et Jean Jacques Rousseau en raffolait. Les
cordes de l’épinette Pieffort sont en acier, comme celle du piano. Certaines
dispositions particulières ont permis à M. Pieffort de tirer de cet instrument
son maximum d’intensité. Il le pince avec une lamelle d’écaille. Plusieurs
journaux scientifiques se sont occupés de l’épinette Pieffort. La “Nature” dit
qu’elle permet de jouer sur une étendue de 2 octaves et demie à partir du sol
grave du violon avec une sonorité spéciale provenant de la nature de
l’instrument et des effets qu’il produit ; elle se prête à l’exécution de
tous les morceaux ne dépassant pas cette étendue. M. Crépaux ajoute que
l’instrument se prête à toutes les nuances et est fort agréable à entendre.
L’épinette est, de plus, facile à jouer ; en quelques heures une personne
ignorant la musique exécute certains airs populaires, des danses notamment ;
c’est en somme une invention intéressante. M. Pieffort nous a joué avec un
brio exquis et un sentiment rare Sentier Fleuri, valse de Waldteufel,
le Babillage de Gillet, l’entracte de Cavalleria Rusticana de
Mascagni, l’Ave Maria de Gounod, les Stances de Flégier, Loin
du bal de Gillet et une marche anglaise. C’était tout simplement délicieux
et les personnes présentes ont chaudement félicité l’artiste. Nous croyons
savoir que M. Pieffort se fera entendre jeudi soir à la Brasserie Viennoise,
rue de la Marine. Il est sûr d’y obtenir le plus vif succès et pour beaucoup ce
sera un véritable émerveillement. Nous souhaitons que le sympathique inventeur
et artiste se produise dans les principaux établissements de notre ville. Pour
nous, nous n’en saurons jamais dire assez de bien. »
29 novembre 1902 : « Un régal musical, l’épinette
Pieffort. — Pour compléter notre article d’hier, nous sommes heureux de faire savoir
que c’est irrévocablement demain soir samedi, que M. Pieffort donnera à la Brasserie Viennoise rue de la Marine, des auditions de son merveilleux
instrument, l’épinette perfectionnée. Tous les amateurs de belle musique vont
applaudir le talent du remarquable artiste. M. Pieffort jouera des œuvres
modernes et anciennes. Ces derniers morceaux aussi archaïques que le délicieux
et mélancolique instrument, ranimeront les imaginatifs à 2 siècles en
arrière. N’oublions pas que l’immortel Jean Jacques Rousseau faisait de l’épinette
son instrument favori. »
30 novembre 1902 : « Un régal Musical, l’épinette
Pieffort. — Nous rappelons aux amateurs de belle musique, de musique ancienne ou
moderne sur un de ces vieux instruments dont raffolaient nos pères, que M.
Pieffort, le rénovateur de l’épinette des Vosges, leur offrira ce soir à 8 h
1/2, un délicieux concert à la Brasserie Viennoise rue de la Marine.
L’artiste et l’instrument sont merveilleux et cela, nous pouvons dire hautement,
grâce à l’audition intime que M. Pieffort a donnée, il y a trois jours, aux
bureaux du “Nord Maritime”. »
1 décembre 1902 : « L’épinette Pieffort. — Ainsi que nous
l’avions prédit, M. Pieffort a obtenu le vif succès avec ses auditions d’épinette,
hier soir, à la “Brasserie Viennoise”. Les applaudissement n’ont guère fait
défaut au sympathique et habile artiste. M. Pieffort se fera entendre demain
lundi à 8 h à la “Taverne Franco-Russe”, près la Tour. »
2 décembre 1902 : « Nouvelles religieuses, l’épinette
Pieffort. — Ainsi que nous l’avions prédit, M. Pieffort a obtenu un grand succès
hier à l’église St-Éloi à la messe de 11 h et au salut de 5 h. Pendant ce
dernier office, M. Pieffort a joué sur son épinette un remarquable “Salut” de
sa composition. C’était un “Salut invocation” à Dieu le Tout Puissant,
Roi des Rois, Maître de la terre et du monde demandant sa protection pour les
petits, les faibles, les malheureux et se terminant par une bénédiction des
humains au Créateur. Cette exécution a été merveilleusement soutenue par les
orgues que tenait M. Bollaert. Ajoutons que M. Pieffort a dédié à Mme Bollaert fils sa remarquable improvisation. »
3 décembre 1902 : « L’épinette Pieffort. — M. Pieffort, le
virtuose de l’épinette a obtenu un vif succès, hier soir, au café
“Franco-Russe” près de la Tour. Le maître a absolument émerveillé son auditoire
qui ne lui a pas ménagé les applaudissements. Les mélodies les plus ravissantes,
les airs anciens, les morceaux d’opéra, tout a été rendu avec un brio que M. M.
les Présidents de la plupart des Cercles de Dunkerque vont demander à M.
Pieffort de vouloir bien donner des auditions intimes. Nous osons espérer que
M. Pieffort, qui se proposait de rentrer à Paris, nous restera encore quelques
jours. »
10 décembre 1902 : « L’épinette Pieffort. — M. Pieffort, le
virtuose de l’épinette, a donné, hier soir, à 9 h, une magnifique audition
au “Cercle d’Escrime”. C’est avec un art incomparable qu’il a joué sur ce
merveilleux instrument la Sérénade
de Severo Torelli, Simple Aveu de
Francis Thomé, les Stances de
Flégier, Babillages d’Ernest Gillet,
une Pavane Louis XIII et de nombreux
autres morceaux. M. Bollaert fils a prêté son concours à cette charmante petite
fête en tenant le piano avec sa maîtrise habituelle. Ajoutons que M. Pieffort a
fait une très intéressante causerie sur l’épinette, sur l’historique de cet
instrument et ses recherches pour y apporter des perfectionnements récompensés
à l’Exposition de 1900. Comme nous l’avons dit, M. Pieffort a été invité à se
faire entendre dans les principaux cercles de notre ville. »
16 décembre 1902 : « L’épinette Pieffort. — M. Pieffort, le
virtuose de l’épinette, a quitté Dunkerque ce matin pour se faire entendre à
Lille et à Rouen. Hier, dimanche, M. Pieffort a donné une remarquable audition
au collège des Dunes et, dans la soirée, il s’est fait applaudir dans l’un des
principaux cercles de la ville. Espérons que le sympathique artiste nous
reviendra pour la saison prochaine. Le talent avec lequel il a fait vibrer son
curieux et archaïque instrument ne sera pas oublié de si tôt à
Dunkerque »
En 1906 il se produit de nouveau à Dunkerque :
16 décembre 1906 : « L’épinettiste luthier P. Pieffort, au
café Franco-Russe. — Nous avons annoncé l’arrivée à Dunkerque de ce sympathique
et original artiste. Nous avons dit que M. Pieffort était le rénovateur de
l’épinette des Vosges, le mélancolique instrument à cordes que Jean Jacques
Rousseau trouvait si expressif et si séduisant. M. Pieffort donnera ce soir, au
café Franco-Russe, à 8 h 1/2, une audition qui sera un véritable régal
artistique. M. Pieffort fabrique lui-même ces délicats instruments qu’il touche
d’une façon merveilleuse et divine. Il y joue et interprète tout ce qui vient de
son âme d’artiste, il ne procure pas seulement l’enchantement mais
l’émerveillement. Demain dimanche, on entendra M. P. Pieffort à midi 1/2 au
café du Soleil, place Jean-Bart. »
*****
En complément, l’article publié dans La Nature en 1894
collection personnelle
et la page de titre de sa méthode conservée à la Bibliothèque Nationale
Une des épinettes données par Paul Piéffort au Musée du Conservatoire de Musique de Paris
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Jean Jacques Révillion m'a transmis des photos d'une épinette Pieffort, petit format, qui est dans sa collection.
On peut juger du beau travail de lutherie fait par cet amateur.
cliquez pour agrandir
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à noter qu'il n'a aucun lien de parenté avec l'horloger-bijoutier Paul Emile PIEFORT (1840-1900) installé 38 passage Vivienne, où il vendait des tableaux avec boîte à musique, et des boîtes à musique
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Une page plus complète sur l'artiste épinettiste ICI
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