Les MJC ou la culture autogérée
Au début des années 1970, je pratiquais la musique traditionnelle, la musique folk, seul, ne connaissant personne avec qui partager cette passion. Ma cousine Nicole Dewaele fréquentait la MJC de Rosendael où elle donnait des cours de tissage et c’est elle qui m’a mis en contact avec de jeunes musiciens. A cette époque, un ingénieur d’Usinor, Jean-Louis Montagut, lui aussi fervent de musique folk, rassemblait les musiciens partageant la même passion. Nous pratiquions la musique folk américaine et française. C’est grâce à lui que j’ai rencontré Marieke et Bart qui débutait leur duo, et la MJC fut pour moi un épanouissement, une découverte. À cette époque, je ne m’étais pas encore intéressé à la manière dont elle fonctionnait : conseil d’administration, conseil d’animation, etc. Venant d’un milieu ouvrier tout cela m’était étranger. La richesse des rencontres, les partages, la possibilité de pouvoir pratiquer la musique, tout cela présentait un espace de liberté et de découvertes. J’ai donc d’abord été adhérent de base pendant plusieurs années avant d’y être administrateur.
Les MJC ont pour principe la responsabilisation et l’autonomie des personnes par les animations socioculturelles. Il est surtout possible, en leur sein, d’apporter des idées qui sont prises en considération et soutenues. C’est ainsi que nous avons organisé les premiers concerts de musique folk à Dunkerque et fait venir les « vedettes » de l’époque dont les fondateurs du mouvement folk en France.
Nous étions non professionnels et ces concerts, bals et spectacles, financés par la MJC étaient organisés, entre autres, dans une petite salle de la MJC, située au premier étage, dont le plancher vibrait quand on dansait, mais qui avait l’avantage d’avoir une très bonne acoustique ! Ces débuts m’ont permis de rencontrer beaucoup d’autres musiciens folk.
Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de créer un atelier de danse folk dont certains danseurs ont intégré l’association Het Reuzekoor. Nous rassemblions des gens passionnés par le mouvement folk, dont le but est d’encourager une pratique commune de la musique chez lui, en famille ou entre amis. Par la suite, j’ai eu l’opportunité d’organiser des stages, d’inviter des intervenants et de nouer des relations avec d’autres structures. C’était de petites choses que nous faisions, sans grande importance lorsqu’elles sont prises séparément mais qui, mises bout à bout, ont eut un impact sur de nombreuses personnes.
La MJC permettait à chacun l’investissement, l’initiative et à la créativité, ainsi que l’aboutissement de réalisations artistiques avec les idées et la participation de tous. Et si certaines expériences n’ont pas abouti, d’autres ont débouché sur des créations pérennes. La MJC c’était aussi des ateliers de tissage, de poterie, de photo, de sérigraphie, etc. le principe étant de donner la possibilité à chacun d’accéder à des activités qui, d’une part, n’existaient pas forcément ailleurs ou qui semblaient trop élitistes pour les jeunes issus du monde ouvrier. Dans ces années-là, la politique culturelle des villes commençait seulement à se mettre en place et il n’y avait pas l’offre qui existe maintenant.
La MJC de Rosendael a été crée en 1967. Pionnière, avant celle de Dunkerque, elle lançait avec des animateurs bénévoles et motivés des animations ayant beaucoup de succès. Elle était tout à fait en dehors du circuit institutionnel pour nos programmations, et totalement indépendante, seuls le directeur et le conseil d’administration étaient décideurs en concertation avec ses adhérents. Les moyens étaient parfois rudimentaires, par exemple l’atelier de sérigraphie était situé dans un ancien appartement jouxtant la MJC, les ateliers avaient lieu dans la salle de bains laissée dans l’état, le séjour ayant conservé son papier peint d’origine. Nous faisions souvent « avec les moyens du bord » mais le directeur avait fait fabriquer, par un scénographe-architecte des praticables modulables pour les concerts ainsi qu’une petite scène, et nous avons vécu des moments très forts et pleins d’émotions. A présent nous avons la chance d’avoir des locaux et structures très agréables.
Par la suite, j’ai été quelques temps administrateur puis président de cette MJC. C’était surtout un moyen de présenter et soutenir directement les projets. J’avais des idéaux que j’ai toujours d’ailleurs : le principe d’éducation populaire, d’autonomie, de responsabilité, de démocratie, la dynamique de groupe, de non-directivité. Je m’étais beaucoup documenté à ce sujet ayant en tête ce principe de service public autogéré.
Tous mes projets ne se sont pas forcément concrétisés, mais dans son principe la MJC reste pour moi un bel idéal.
Christian Declerck
Merci à Pascale R. pour la relecture
Texte publié en 2010 dans Mémoires de territoire, Rosendael, de mémoire vive, CCAS de Dunkerque
Lire en complément : Le 1er festival folk, le groupe folk de la MJC, Le Trad Club
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