lundi 16 septembre 2024

Les Auvergnats du Nord, une « intelligente initiative » lilloise #2

Musique vivante et relais médiatiques

Les Auvergnats du Nord font aussi appel à des musiciens réputés de Paris qui contribuent à la publicité et au succès de leurs fêtes. François Guillaume est le premier à se produire avec son orchestre lors du banquet suivi d’un bal en mai 1929. Ce « maître cabrettaire » d’origine cantalienne joue dans des amicales en Île de France, en particulier celle de Saint-Maur, ainsi qu’au sein de La Bourrée, société artistique affiliée à la Ligue auvergnate qui regroupe des danseurs et des chœurs en costumes. Guillaume est rejoint à la fête lilloise du mois de novembre par Martin Cayla, « surnommé à juste titre le ‘roi de la cabrette’ » selon la presse locale, et le vielleux Sertin (L’Auvergnat de Paris du 9 novembre 1929) qui remplace Léon Guéniffet précédemment annoncé dans Le Grand Écho du Nord de la France (n° du 8 octobre).
 
GEdNF 4/11/1929, source Gallica

Guéniffet et Cayla sont au même titre que Guillaume des musiciens officiels de La Bourrée. Tous trois enregistrent des disques de musique instrumentale édités par ce label quelques mois plus tard, notamment La Bourrée de la Corrèze.
À la fin de l’année 1930, ce sont Henri Momboisse, « artiste incomparable de l’accordéon », et Marcel Bernard « qui joue de la cabrette avec art » qui prêtent leur concours à l’association du Nord, devenue la société amicale des originaires du Massif central (revue Minerva du 23 novembre 1930). On peut par exemple écouter le jeu de Momboisse dans la valse Lo Grondo, enregistrée sur disque Perfectaphone en 1929, en suivant le lien : ICI
 
 
Henri Momboisse

Cayla / Gueniffet / Bernard

Une formation plus complète réunit en 1933 Martin Cayla, sans doute à la cabrette, le vielleux Guéniffet, l’accordéoniste Géo Garrigoux et le jazz Brasseur. Ce dernier anime le banquet de la Ligue à Paris un mois plus tard en compagnie de ses camarades (L’Auvergnat de Paris du 25 novembre 1933). Garrigoux joue par ailleurs dans la capitale et en tournées avec Fredo Gardoni, l’une des stars du musette.
Exception notable à ce recrutement très parisien, le cabrettaire Émile Fruquière : domicilié à Ayrens dans le Cantal, « Milou » est un ancien camarade d’école de Jean Cibié que celui-ci fait venir spécialement au banquet de 1935 (Le Grand Écho du Nord de la France du 28 octobre 1935), mais aussi dans l’après-guerre.
     
La Presse 24/11/1951, source Gallica

Dans le même temps, l’animation musicale est partagée avec des amicalistes amateurs, encouragés à chanter de « vieilles chansons du terroir » et à danser les « traditionnelles bourrées » (L’Auvergnat de Paris du 27 avril 1929), danse qui ouvre le bal inaugural de l’amicale. Tandis que M. Garde chante en « langue du pays » au premier banquet, une chorale locale de jeunes gens dirigés par Mme Roux voit bientôt le jour. À l’instar des chœurs de La Bourrée, cette formation interprète des chants traditionnels tels que le Regret de Lisou et Lo Grondo en novembre 1929, ainsi que des compositions dont L’Hymne ou Chant en l’honneur de Louis Bonnet, chanté pour l’inauguration de la rue Louis Bonnet en 1927 à Paris.
 
Certaines interprétations bénéficient en plus d’une retransmission par TSF. La station Radio PTT Nord de Lille prévoit en effet de diffuser le concert donné salle de l’Orphéon avant le bal de l’amicale le 19 octobre 1930, vers 17 heures. Le programme de la matinée publié dans Le Grand Écho du Nord alterne musique instrumentale, poèmes et chant choral. Pour la partie musicale, c’est une bourrée à 3 temps qui doit inaugurer la séquence, Ten te redde (Tiens-toi droit) jouée par Henri Momboisse en solo à l’accordéon, mélodie enregistrée par ailleurs sous la marque Le Soleil, édition Martin Cayla (disque à saphir n° 54). Une série d’airs auvergnats interprété par Marcel Bernard à la cabrette doit suivre, ainsi qu’un duo des deux musiciens sur l’air de La Yoyette, marche célèbre du répertoire traditionnel.
Quant à la chorale, elle est attendue dans l’interprétation de la valse Lous esclops (Les sabots) puis de La Chanson des sept pays, créée en 1928 sur des paroles de Camille Gandilhon Gens-d’Armes, chroniqueur littéraire à L’Auvergnat de Paris, et une musique de Joseph Canteloube, musicien et directeur artistique de La Bourrée (Recueil de La Bourrée, 4e édition, p.16-18). Chaque couplet célèbre tour à tour les attraits de la Basse et Haute-Auvergne, du Gévaudan, Limousin, Quercy, Rouergue et Velay, noms des « anciens pays » correspondant aux départements intégrés à l’amicale.
Quel meilleur moyen de conclure, pour ces Auvergnats du Nord, que d’exalter leur solidarité sans frontières à travers ce refrain :
« Des bords du Lot à la Limagne,
De Brive au Puy,
Nous sommes fils de la Montagne ;
Et loin des puys,
Nous sentant frères,
Nous écoutons la voix du sang
Et nous chantons d’un même accent
Nos vieilles terres. »
 

 

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