vendredi 24 mai 2024

Mariage à chabots ?

Des sabots... pour aller plus loin !

On peut s'interroger sur cette expression de mariage à chabotsIl serait facile de n'en faire qu'une manifestation burlesque ! 


Certes, L'mariach' à chabots du poète denaisien Jules Mousseron a tout de la farce ! Publié en 1904 dans le recueil Croquis au charbon (Moeurs et coutumes du pays minier), c'est l'histoire du mariage de Tiss' avec Lilique. Un mariage au rabais, la future belle-mère, avare comme pas deux, refuse de débourser pour la noce et les habits, comme le voudrait la coutume qui voit la famille de la mariée assurer les frais de noces. Qu'à cela ne tienne, le mariage a lieu, en sabots ! Cafougnette, rendu plus que gai par le repas bien arrosé, a ôté ses sabots pour danser. A la fin de la noce, quand il se rechausse, il ne voit pas qu'ils ont été remplis de ratatoule.
Si Jules Mousseron évoque le bruit de la noce chaussée de sabots du fait de l'avarice de la mère de Lilique (queu tapache !), le poète-chansonnier tourquennois Jules Watteeuw, dit Le Broutteux, en fait, lui, le coeur de son Mariach à chabots (publié dans ses Œuvres complètes en 1923) Le père de Mélie, sabotier de son état, décidant d'honorer conjointement sa fille et sa profession, veut des neuch' à chabots. Et de jubiler en entendant les invités claquant des sabots (Tcheu brut que l'mariach' de m' fille/Va faire aveuc ses sabots) ! Un clic, clac, clic, clos qui revient en ritournelle dans le refrain.

par Jules Watteeuw

On trouve encore en pays minier, des formes folkloriques de mariage à chabots qui paraissent inspirées par les textes des poètes patoisants comme ici à Bully les Mines

source

Un montage d'archives nous fait remonter à 1952, à Avion, où défile durant la ducasse, un mariach' à chabots


extrait de la vidéo

le violoneux de bistrot


A Aulnoy lez Valenciennes, en 1932, ce sont les fiancés qui optent pour les sabots pour leur mariage, rendant hommage, selon l'article cité "à nos pittoresques coutumes villageoises" :



Dans les trois cas, nous sommes assez loin, en voyant les costumes soignés et la chorégraphie des quadrilles, de la description faite par Marius Lateur des charivaris et mariages à chabots dans la commune d'Auchel, avant 1914 !

On peut penser qu'avec le temps, le traumatisme de la guerre 14-18, la réprobation sociale des "débordements" des sociétés de jeunesse et condamnations pour troubles à l'ordre public, les mariages à sabots, forme théatralisée des charivaris, intégrèrent le terrain folklorique pour disparaître peu à peu.
Alors, pour approcher ce que constituait l'ambiance des charivaris et mariages à sabots décrits par Marius Lateur, avec casseroles et chaudrons, on peut écouter les témoignages sonores collectés par Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral, ethnomusicologues, entre 1953 et 1963.

un charivari bressan en 1961
source

Et aussi regarder deux scènes du film Faubourg Montmartre (1931), de Raymond Bernard. Ici, ce n'est pas Frédéric (Pierre Bertin), garçon du pays qui est l'objet de l'opprobre des villageois, mais Ginette (Gaby Morlay), fuyant Paris et le faubourg Montmartre.
 

Avec, en meneur de charivari cauchemardesque,  un Antonin Artaud exalté...


 
Agnès de Coérémieu



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