En 1983, l'association Het Reuzekoor publie dans sa revue Plach'iou, un entretien avec Maurice Cornette, musicien coudekerquois né en 1895. Il a connu le Dunkerque d'avant les deux guerres, pratiqué toutes les musiques : harmonies, accompagnement de films muets, concerts dans les cafés du centre ville et de la plage, bals dans les même lieux et après les bandes de carnaval. Dans le même temps, il était professeur à l'école de musique de Coudekerque-Branche. Il nous livre un témoignage unique et très détaillé sur sa pratique, ses rencontres, et l'ambiance de cette "belle" époque.
L'article est intéressant, mais le plus intéressant c'est son entretien, enregistré sur cassette par Maryse Collache qui a été conservé par l'association. Ce qui permet de compléter le texte. On a en prime les interventions de sa fille Odette et de son beau-fils, Roger Deblock, qui complètent sa mémoire parfois défaillante.
Maurice nous parle de son apprentissage du solfège en 1906, avec un voisin, Lucien Dimanche (1880-1955), petit neveu de Stéphanie Dimanche, plus connue sous son surnom de Manootje. Il intègre rapidement la société des Amis Réunis de Coudekerque-Branche, concurrente de l'harmonie catholique (surnommée les Blincke Piche).
Puis ses qualités de bon musicien le font embaucher dans les cirques qui s'installent pour un mois chaque année en janvier sur la place Jean-Bart : Le cirque Palisse, le cirque Pourtier et le cirque De Jonghe. Il se fait donc remplacer chaque année de son emploi de trombone solo à l'orchestre du théâtre de Dunkerque pour jouer dans l'orchestre du cirque. Il est musicien au théâtre d'octobre à mars, sauf en janvier, ce qui lui fait un second emploi que lui reproche son chef de service (il est employé de la société du gaz). Il est membre des artistes musiciens de Dunkerque de 1921 à 1979.
Il accompagne tous les ans les conscrits après le conseil de révision, pour une tournée des bistrots, salles de bals et maisons closes de Dunkerque et sa région. Son expérience de musicien formé au cirque lui permet d'être embauché dans les cinémas, il faut s'adapter très vite au déroulé de l'action comme au cirque. Il débute au cinéma l'Aviation rue de la Gare à Coudekerque-Branche, puis au Palais Jean-Bart, place de la République à Dunkerque et aussi au Royal Cinéma, place Jean Bart.
L'hiver il joue dans l'orchestre du théâtre, mais aussi au café des Arcades puis l'été il joue dans l'orchestre du café Belle Vue sur la plage de Malo les Bains avec ses amis des Arcades : René Cordier, le pianiste et chef d'orchestre, Marcel Périn, au violoncelle, Arthur Dehon et Louis Dondeyne, aux violons, Fernand Canpon à la trompette et Maurice au trombone.
Il n'a pas joué dans les bandes de carnaval, mais surtout dans les bals, et principalement le grand bal masqué du théâtre. Dans les années 1970 il est sollicité par son petit-fils Michel Deblock pour apprendre le solfège à ses amis musiciens du carnaval qui viennent de former le groupe Les Kakesteks avec Roch Vandromme, mais c'est une autre histoire…